C’est un coup de tonnerre dans le monde politique et industriel canadien : à la veille de confirmer sa décision de commander soixante-cinq Lockheed-Martin F-35A, le gouvernement d’Ottawa hésite. Stephen Harper, Premier ministre, laisse entendre que la décision est remise à plus tard, sans autre précision.
Ce nouvel épisode du dossier canadien du F-35, comme les précédents, manque singulièrement de transparence et les explications font cruellement défaut. En effet, les autorités canadiennes, à la recherche du successeur de leurs CF-18 vieillissants (77 avions qui doivent être déclassés dès 2020), ont retenu le F-35 sans appel d’offres, une manière de faire étonnante. Ce qui n’a pas empêché d’autres constructeurs de se porter spontanément candidats, exception faite de Saab.
Dassault Aviation, bien que ses démarches soient restées très discrètes, a constamment considéré le Canada comme un marché potentiel sérieux pour le Rafale, tout en y voyant une occasion supplémentaire de contrer la volonté de domination américaine. On sait depuis peu que la proposition française est très agressive. Yves Robins, responsable du dossier canadien chez Dassault, a livré quelques précisions à Radio Canada, faisant état de compensations économiques généreuses et de la possibilité d’installer sur place une chaîne d’assemblage final. De plus, a- t-il indiqué, les transferts de technologies ne comporteront aucune restriction, une allusion au comportement plus restrictif des Américains. De toute évidence, le Rafale Team est à la manœuvre.
Faute d’explications, il est difficile de comprendre si Ottawa est vraiment prêt à renoncer au F-35 ou, tout au moins, à repartir à zéro. Les critiques sont nombreuses, depuis plusieurs années, dénonçant un non-choix. En décembre 2012, un « comité indépendant » a été constitué pour examiner à nouveau le dossier, une formule imparfaite dans la mesure où elle n’a en rien remplacé l’appel d’offres qui n’a jamais été formulé. D’où le mécontentement des autres candidats, à commencer par Boeing.
Ce dernier y voit en effet l’occasion de parfaire des liens ancestraux avec le Canada mais aussi une dernière chance de prolongation de la production de l’A/F-18 Super Hornet. On imagine volontiers que la proposition de Boeing est empreinte d’une grande générosité. D’autant qu’en cas de succès, la chaîne de l’A/F-18 continuerait de fonctionner jusqu’à la fin de la décennie, laissant le temps aux équipes de Saint-Louis de démarcher d’autres acheteurs potentiels.
Entre-temps, les commentaires vont bon train et les éditorialistes se déchaînent, pas toujours à bon escient. Qui plus est, on entend d’étonnantes comparaisons entre le F-15 et …le F-104, dont personne n’a oublié la triste réputation de « faiseur de veuves ». Les Forces canadiennes avaient, en leur temps, perdu 110 F-104, accidents qui avaient coûté la vie à 39 pilotes. Le rappel n’est pas du meilleur goût dans la mesure où les deux avions de combat n’ont rien en commun, outre le fait qu’un demi-siècle de progrès les séparent.
De plus, le F-104 avait été conçu à Burbank, en Californie, alors que le F-35 est né à Fort Worth, au Texas, au sein de l’ex-General Dynamics. On retiendra plutôt que le fait que le dossier canadien est mal géré et suscite des dommages collatéraux qui risquent d’avoir des effets durables. Un constat qui relève du bon sens mais semble échapper à Stephen Harper.
Pierre Sparaco (à Ottawa)
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More
View Comments
F-35 : au dernier moment, le Canada hésite
Je vois mal les Canadiens faire faux bond à l'ami Américain. Amha toutes ces gesticulations n'ont pour but que d'obtenir beaucoup plus de compensations face aux coûts prohibitifs et toujours non maîtrisés du F 35.
F-35 : au dernier moment, le Canada hésite
remarque sans importance mais le Super Hornet c'est F/A-18 et non A/F-18.
En tout cas, je vois plutôt une manoeuvre du gouvernement canadien pour obtenir plus de contre-parties de la part des USA. Dassault joue le lièvre, une fois de plus...
Ceci dit, si le Canada achète Européen, j'en serais comme beaucoup très ravi!
F-35 : au dernier moment, le Canada hésite
Peut-être que le gouvernement canadien est refroidi par les incessantes mises à jour (politiques entre autres) du programme F35.
Qui semble, soit-dit en passant, un programme ultra-dispendieux, comme on dit chez nos cousins d’Amérique.
De plus, il semble que cet avion ne soit par parfait en plus d'un point.
F-35 : au dernier moment, le Canada hésite
Il semble que la proposition de Dassault soit plus généreuse qu'agressive.
Au-delà du transfert technologique intégral il y a aussi la possibilité de coopération sur les projets futurs d'avions ou de drones de combat.
Cela aurait le mérite de remettre sur pied une industrie canadienne de l'armement volant sacrifiée sur l'autel de l’hégémonie US.
F-35 : au dernier moment, le Canada hésite
le CF105 Arrow fut une expérience malheureuse de chasseur multifonctions canadien, dans la fin des années 50
suite a l'augmentation du cout du projet celui ci fut abandonné et les prototypes volants détruits...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Avro_CF-105_Arrow
certaines des solutions de cet avion novateur se retrouvèrent sur le Mig 25 quelques années plus tard
F-35 : au dernier moment, le Canada hésite
La version anglaise de l'article sur le CF-105 dit d'autres choses (que j'entends beaucoup autour de moi ici au Canada) :
Durant la conception du CF-105, le Canada signe l'accord NORAD de protection mutuelle avec les États-Unis. Cet accord imposait - sciemment - des conditions inatteignables par Avro, dans le but de détruire tout constructeur militaire Canadien, potentiellement concurrent (le CF-105 surpassait la production américaine, inacceptable pour Washington), et Avro ne s'en est jamais remise. La légende dit que par vengeance, des responsables du projet auraient vendus des informations à l'URSS.
L'histoire se répète avec le JSF, dont le but assumé par les É-U est de détruire l'industrie militaire européenne (et un maximum de concurrents).
F-35 : au dernier moment, le Canada hésite
Bonjour, ça date de quand cette décision...de ne pas décider? Parce que dans cette affaire, je m'y perds un peu avec tous ces rebondissements.
F-35 : au dernier moment, le Canada hésite
Les élections fédérales sont l'année prochaine, et l'opinion publique est très critique face aux dépenses stratosphériques liées à ce dossier (et cela, sans compter la mémoire collective qui n'a pas oublié le CF-105 Arrow).
Donc normal que le gouvernement gèle un dossier aussi sensible.