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Défense

Hélicoptères contre drones Houthis en Mer Rouge

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Frédéric Lert

Coup sur coup, un hélicoptère Panther de la marine nationale française et un Lynx de la marine allemande ont détruit des drones ; aérien pour le premier, de surface pour le second. Le succès français ne doit pas faire oublier les faiblesses de l’armement des hélicoptères embarqués de la marine nationale.

Le 20 mars 2024, un drone houthis de type Sammad a été intercepté et détruit par un hélicoptère Panther de la flottille 36F embarqué sur la frégate de défense aérienne Alsace. Les images diffusées par l’état-major des armées sont spectaculaires mais laissent de nombreuses questions sans réponse.

L’hélicoptère participait à la protection rapprochée d’un navire de commerce quand il a été engagé par la frégate sur la destruction du drone. Le Sammad est propulsés par un moteur thermique, il mesure 2,8m de long pour 4,5m d’envergure et peut être utilisé pour la reconnaissance ou pour la destruction avec une charge explosive d’environ 18 kg. C’est un appareil relativement lent et pataud, qui évolue à 200km/h environ. En termes de vitesse, il est donc à la portée (mais avec assez peu de marge…) d’un hélicoptère récent comme le Panther. Celui-ci peut évoluer au-delà de 110 noeuds (200km/h) porte ouverte.

La destruction à la mitrailleuse légère de drones possiblement équipés d’une charge explosive reste une solution risquée et pleine d’aléas ! Les circonstances actuelles vont-elles amener la marine française à muscler l’armement de ses hélicoptères ? © Marine nationale

Les Panther de l’Aéronautique navale sont équipés d’un radar ORB-32 et d’une boule optronique Euroflir 410 suffisamment performante pour identifier les menaces et les suivre. De nuit, les équipages peuvent travailler aux JVN (jumelles de vision nocturne). Les hélicoptères peuvent emporter un tireur de précision et/ou un tireur équipé d’une mitrailleuse légère (Mag58 ou AA52 plus ancienne).

Depuis la victoire aérienne remportée par un Mirage 2000-5 dans la région, Marine et Armée de l’air restent très peu loquaces sur les circonstances précises de leurs engagements respectifs en Mer Rouge. Mais les images très rapidement diffusées par l’Etat-Major des Armées montrent que le drone était suivi par la boule optronique. Elles ne montrent pas en revanche sa destruction proprement dite, mais la bande son laisse entendre deux courtes rafales de mitrailleuse, l’annonce de coups au but, d’arrêt du moteur puis de l’écrasement du drone dans l’eau.

Quelques jours après l’Armée de l’air et de l’espace, la marine obtient donc à son tour une première victoire aérienne dans des circonstances semble-t-il très favorables : présence de l’hélicoptère au bon endroit et au bon moment, bon repérage de la cible…

Il n’empêche : pour faire but sur une cible relativement petite impose de s’en rapprocher (et plus encore dans le cas d’une interception aux JVN ! Mais au risque d’être touché par un possible explosion. Une situation qui rappelle furieusement les interceptions de V1 pendant la seconde guerre mondiale (il y a 80 ans…) avec les risques inhérents d’un tir sur une bombe volante !

Vingt-quatre heures plus tard, le deuxième acte a vu l’entrée en scène d’un Sea Lynx de la marine allemande embarqué sur la frégate Hessen. L’hélicoptère était sans doute armé d’une mitrailleuse lourde de 12,7mm qui lui a servi à détruire cette fois un drone de surface qui menaçait un navire remorqué.

Les histoires de victoires aériennes remportées par des hélicoptères ne sont pas légion, mais on retiendra tout de même l’aventure d’un UH-1D d’Air America, donc utilisé par la CIA, qui fut utilisé pour abattre un Antonov An2 nord-vietnamien en 1968. L’hélicoptère n’était pas armé, mais un de ses occupants fit feu sur le biplan avec son arme individuelle et réussit à l’abattre. Plus près de nous, la guerre en Ukraine nous a déjà montré de nombreuses images de Mi24 chassant des drones aériens ukrainiens, ou bien des Mi8 ou Mi17 faisant de même avec des drones de surface.

Les Etats-Unis ne lésinent jamais sur les moyens… L’armement des hélicoptères de la Navy prend en compte depuis longtemps la menace des drones et vedettes rapides. Du Golfe persique à la Mer Rouge, cette menace est d’ailleurs toujours d’origine iranienne. © US Navy

Paradoxalement, la réussite de la marine dans l’interception d’un drone houthis avec une mitrailleuse de sabord vient aussi rappeler la désespérante absence de missiles légers à bord des hélicoptères français. Le dernier emploi d’un tel missile par un appareil embarqué remonte à la première guerre du Golfe : il s’agissait d’AS12 montés sur un Lynx.

Depuis 1995 et le retrait de service de ce missile d’une centaine de kilos et de 10km de portée, la Marine est totalement dépourvue de cette catégorie d’armement. Entre la mitrailleuse de 7,62mm de l’hélicoptère et le canon de 76mm ou l’Exocet de la frégate, c’est le grand écart !

L’AS12 avait le mérite d’exister mais il n’était pas exempt de défaut : le mode de guidage optique via une lunette grossissante gyrostabilisée le rendait très compliqué à utiliser contre des cibles très manoeuvrantes et de taille réduite. Sa portée limitée était également une source de vulnérabilité pour l’hélicoptère tireur. Son emploi était donc assez restreint de jour et pratiquement impossible de nuit ! Mais c’était il y a quarante ans ! Des solutions bien plus performantes (depuis la roquette guidée jusqu’au missile léger) existent aujourd’hui. Les circonstances actuelles amèneront-elles la marine à revoir sa politique en la matière ? A moins que l’embarquement de Tigre sur les frégates soit à l’ordre du jour ?

L’US Navy, depuis longtemps confrontée à la technique des « essaims » dans le golfe persique, a quant à elle répondu à la question en armant ses MH-60S/R Sea Hawk d’une large panoplie d’armements, depuis les mitrailleuses Gatling jusqu’au missile AGM-114 Hellfire. Et ces appareils ont déjà eu l’occasion de faire la preuve de leur efficacité également en Mer Rouge.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • Ça rappelle Buck Danny en Corée "Avion sans pilote" ! Quant à descendre un Antonov 2, ce n'est pas un exploit. C'est gros, peu maniable et ça avance à 90 kt maxi.

    • Avec un M16, c'est pas un sport de masse non plus. C'est gros, mais c'est surtout costaud, un An-2.

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