Pour la première fois, un Atlantique2 (ATL2) engagé dans l’opération Chammal a effectué une illumination laser d’une cible pour permettre à un avion de la coalition de frapper un groupe armé terroriste (GAT). La cible a été détruite. L’avion de patrouille maritime de l’aéronavale gagne de nouvelles capacités, mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ?
C’est l’état-major des armées qui nous l’apprend : le 3 avril dernier, un Atl 2 déployé en Jordanie dans le cadre de l’opération Chammal a désigné une cible et guidé une bombe au profit d’un chasseur bombardier de la coalition. Dans la novlangue de l’Otan, un tel partage des tâches dans un tir de munitions à guidage laser s’appelle du « buddy lasing ». Les Super Etendard l’ont fait au profit des Rafale M quand ceux-ci attendaient encore leur capacité air-sol. Le Mirage 2000D est le champion toutes catégories du « buddy lasing » pour avoir longtemps travaillé avec les Mirage F1CR ou les Rafale M. Ils continuent aujourd’hui de le faire avec les Mirage 2000N.
Quant à l’Atl2, l’opération du 3 avril était une première mais finalement très logique : l’avion de patrouille maritime a reçu la capacité de mettre en œuvre des bombes à guidage laser (GBU-12) dès 2008. Jusqu’à quatre de ces munitions de 250 kg peuvent être emportées en soute. La GBU-12 est aujourd’hui rejointe par la GBU-51 (250kg, avec charge explosive réduite) et bientôt par la GBU-58 (125 kg) dont la capacité de tir est validée et la mise en service serait imminente.
A partir de 2013, plusieurs tirs ont eu lieu dans le cadre de l’opération Serval au Mali. Sur ce théâtre, le guidage de la munition était fourni par le drone Harfang de l’armée de l’Air. Pendant Chammal, l’histoire s’est accélérée puisque les Atl2 ont non seulement continué à travaillé en « buddy lasing » avec des avions de la coalition fournissant le guidage, mais ils ont aussi réalisé des tirs en pleine autonomie, en assurant eux-mêmes le guidage. Au début de ce mois, les rôles ont donc été inversés pour la première fois, l’Atl2 désignant et illuminant la cible au profit d’un chasseur.
Trois Atl2 ont aujourd’hui cette capacité. Ces appareils ont été équipés d’une boule optronique Wescam MX20 dans le cadre d’un programme « urgence opérations » lancé en 2013. La MX20 emporte des caméras puissantes (lumière du jour et infrarouge), un télémètre et un illuminateur laser. L’installation de cette tourelle s’est faite en avance de phase sur une rénovation plus complète à venir, et qui portera sur le traitement des obsolescences et la refonte complète du système de mission.
Quinze avions, sur les 28 Atl2 reçus par la Marine à la fin des années 80, bénéficieront de ce programme qui devrait leur permettre de tenir jusqu’en 2030-2040. Le premier avion devrait être livré en flottille en 2019 et le dernier… quelques années plus tard. Pour l’heure, la marine jongle avec la disponibilité et les cycles de visites de ses trois avions pour faire en sorte qu’ils restent disponibles pour Chammal.
Cette nouvelle étape dans l’utilisation opérationnelle de l’Atlantique est à porter au crédit de cet avion magnifique, dont le grand frère, l’Atlantic (avec un « c ») entra en service en 1965. Mais qu’il soit permis tout de même de s’étonner de l’emploi qui en est fait aujourd’hui au Moyen-Orient, dans un espace aérien où les nacelles de désignation laser ne manquent pas…
Les Atlantic et -tique ont été conçus par Breguet il y a un peu plus d’un demi-siècle pour répondre à une mission précise : la patrouille en mer et la lutte anti sous-marine. Il reste à ce jour le seul avion occidental spécifiquement conçu dans cette optique. Le P-3 Orion est dérivé d’un avion cargo et le P-8 Poséidon d’une bétaillère.
L’Atlantique est célèbre pour ses qualités de vol et notamment sa très grande manœuvrabilité à basse altitude. Il est dimensionné pour recevoir un équipage nombreux, des équipements électroniques lourds et encombrants, larguer des chaînes de secours en mer, des bouées et torpilles ou tirer des Exocet. Autant de qualités à l’utilité très limitée lorsqu’il s’agit d’opérer le long de l’Euphrate, où les sous-marins se font rares.
Il y a bien sûr le travail ISR (Intelligence Surveillance Reconnaissance) pour lequel l’Atlantique n’est pas manchot. Mais depuis quelques années, il n’aura échappé à personne que c’est un travail qui peut être rempli avec des appareils bien moins coûteux (avec ou sans équipage à bord) qu’un bimoteur de 45 tonnes armé par quatorze membres d’équipage ! Certes, on peut expliquer qu’un équipage complet permet d’échanger sur une situation, qu’un avion volumineux permet d’embarquer un contrôleur aérien avancé (Airborne FAC) ou des linguistes pour traiter en direct de situations complexes. Mais cela justifie-t-il un tel emploi en Irak, où la France travaille au sein d’une coalition déjà bien équipée ?
D’autant que l’aventure irakienne pèse sur l’aéronavale qui a déjà de lourds contrats à remplir avec une aviation de patrouille maritime trop peu nombreuse : action de l’état en mer, missions de secours en France ou à l’étranger et surtout protection de la Force océanique stratégique (FOST).
Frédéric Lert
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