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L’aviation française appelée à intervenir en Syrie.

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Frédéric Lert

La France va mener dès aujourd’hui des opérations de reconnaissance sur la Syrie, en préalable à des bombardements. A propos de cette intervention annoncée le 7 septembre 2015 par le chef de l’Etat français, des questions demeurent sans réponses.


Cette décision de faire intervenir l’aviation militaire française en Syrie, annoncée hier par François Hollande, marque une évolution importante de l’engagement français contre Daesh. Depuis un an, pratiquement jour pour jour, la France a lancé l’opération Chammal en Irak. Cette opération mobilise aujourd’hui 700 militaires et six Rafale Air, un Breguet Atlantique (Atl 2) de l’Aéronautique navale, trois Mirage 2000D et autant de Mirage 2000N. Rafale et Atl2 sont stationnés sur la base aérienne 104 d’Al Dhafra (Emirats Arabes Unis), les Mirage étant quant à eux en Jordanie.

L’engagement français avait débuté le 15 septembre 2014 avec des vols de reconnaissance. L’opération Chammal avait ensuite été officiellement lancée quatre jours plus tard, avec une première mission de bombardement. Le 17 août dernier, la France larguait sa 200ème bombe sur l’Irak, après un peu plus d’un millier de sorties (soit moins de 2% de l’effort total de la coalition…). Autre étape marquante, le 19 août dernier, un Bréguet Atlantique de la Marine tirait une bombe à guidage laser GBU-12.

En ce début septembre, l’armée de l’Air ne déploie ni Boeing ravitailleur, ni E-3F Awacs dans la région. Le Charles de Gaulle, présent dans le golfe persique au premier semestre, est rentré à Toulon le 20 mai dernier. Voilà donc pour la situation actuelle, qui trouve son origine officielle dans « la demande du gouvernement irakien d’assurer un soutien à ses forces dans la lutte engagée contre le groupe terroriste Etat Islamique ».

Un emballage légal très propre dont la France a donc décidé de se passer en Syrie, puisqu’on se doute bien que Damas n’a pas demandé à Paris de venir bombarder son territoire…

La France n’est d’ailleurs pas la seule dans ce cas là : les Etats-Unis ont été les premiers à pénétrer dans l’espace aérien syrien en septembre 2014, avec le premier emploi au combat très médiatisé des F-22. L’Australie et la Grande-Bretagne s’apprêtent également à suivre le mouvement, à la demande de l’Oncle Sam. En Grande-Bretagne, il faudra que le parlement donne son accord pour que cela se fasse, signe que le franchissement de ligne n’est pas anodin… Et il vrai que la décision d’intervenir dans l’espace aérien syrien soulève de nombreuses questions dont on ne peut pas faire l’économie, du moins pour celles ne débordant pas du cadre d’Aerobuzz…

Dans un premier temps, ordre a été donné aux armées de conduire des missions de reconnaissance. La reconnaissance, c’est le travail des Rafale et de la nacelle Reco NG ou bien des Atl 2 de la Marine. Al Dhafra est situé à 2.000 km de Damas et sans doute plus encore pour les objectifs placés dans le nord de la Syrie. Cela commence à faire loin pour les Rafale qui devront peut-être laisser travailler à leur place l’Atlantique de la Marine.

L’essentiel du travail de renseignement et de ciblage de premier niveau se faisant également à Al Dhafra, on envisage difficilement que les Rafale puissent être déplacés temporairement sur un autre terrain, en Turquie ou en Jordanie. La réactivité de la chaine renseignement y perdrait énormément… Faudra-t-il donc recourir à l’Atl2, à son équipage d’une douzaine de personnes, à ses paires de jumelles, ses appareils photo de paparazzi et éventuellement sa Wescam MX20 (trois avions à ce jour sont équipés de cette tourelle optronique) ? Pour effectuer leur mission marathon, les marins devront emporter beaucoup de sandwichs et de bouteilles d’eau, évoluer en moyenne altitude, ni trop bas pour éviter de recevoir du plomb, ni trop haut pour tenter d’y voir quelque chose. Sans parler d’un éventuel risque d’interception par l’aviation syrienne.

Ces vols «(…) permettront d’envisager des frappes contre Daesh en préservant notre autonomie de décision et d’action » a également précisé le chef des armées françaises lors de sa conférence de presse. C’est oublier que les avions français de l’opération Chammal évoluent au sein d’une coalition d’une vingtaine de pays emmenée, guidée et portée à bouts de bras par les Etats-Unis. Les opérations sont coordonnées par le fameux CAOC d’Al Udeid (Combined Air Operation Center), au Qatar, centre nerveux de toutes les guerres orientales depuis plus de dix ans. Les Américains y sont bien entendu les seuls maîtres à bord, même si l’on y trouve bien tout de même quelques officiers français garants du bon usage de nos avions et du respect de nos règles d’engagement. Mais que pèsent ils ?

Le CAOC édite un ATO (Air Tasking Order) auquel se conforment les Français qui font également appel aux ravitailleurs de la coalition, aux avions de surveillance et de commandement de la coalition et aux moyens de sauvetage au combat de la coalition. On le devine, l’autonomie de décision et d’action est ébouriffante. C’est bien connu, c’est celui qui paie les musiciens qui choisit la musique…

Frédéric Lert

Un Mirage 2000D de la 3ème escadre de chasse armé de deux GBU-12 décolle de Jordanie pour aller bombarder le nord de l’Irak. Le temps de transit est divisé au moins par deux par rapport aux avions basés dans les Emirats Arabes Unis.more
Un Rafale B en configuration bombardement, avec quatre bombes guidées et une nacelle de désignation laser Damocles.
Patrouille de deux Rafale emportant chacun une nacelle Reco NG. Le matériel est performant mais peut on pour autant lui prêter une allonge stratégique ?
Les Atlantique de l’aéronavale sont toujours en première ligne, et plus souvent au-dessus de la terre ferme que des océans ces dernières années…
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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • L’aviation française appelée à intervenir en Syrie.
    Curieux: on va violer l'espace aérien syrien mais on ne peut violer les eaux territoriales libyennes pour y renvoyer les réfugiés qu'on "sauve" en limite de ces eaux.
    Il faudrait qu'on m'explique!

    • L’aviation française appelée à intervenir en Syrie.
      C'est simple, Kadhafi a déjà été tué, Bachar El Assad pas encore. Car le but depuis le début est bien d'éliminer Assad, soyez-en sûr. Les politiciens ne sont pas idiots contrairement à ce qu'ils laissent paraître. Comprendra qui pourra (ou qui voudra).

  • L’aviation française appelée à intervenir en Syrie.
    Je suis toujours surpris que les satellites ne puissent pas faire ce travail, quelqu'un pourrait-il m'éclairer là-dessus svp?

    • L’aviation française appelée à intervenir en Syrie.
      Bonjour,
      je vous réponds en deux mots : un satellite évolue à quelques centaines de kilomètres d'altitude, très vite et sur une trajectoire fixe et prévisible. Lui commander des écarts de trajectoire pour aller s'intéresser à tel ou tel point n'est pas toujours possible et quoi qu'il en soit reste coûteux en carburant. L'avion a pour lui la flexibilité d'emploi et, avec la nacelle reco NG, une qualité d'image imbattable… Cela dit avions et satellites ne s'opposent pas, ils sont complémentaires. Les satellites français de renseignement sont beaucoup utilisés sur le Sahel, rien ne dit qu'ils ne le sont pas non plus sur la Syrie...

  • L’aviation française appelée à intervenir en Syrie.
    Le genre d'info à ne pas dévoiler. Celles qui renforcent la haine islamiste contre la France. Et au final ce sont surtout les civils qui trinquent, sans casque lourd ni gilet pare-balle.

  • L’aviation française appelée à intervenir en Syrie.
    très bon article de Frédéric LERT sur nos moyens de reco...à l'époque de la "33" et de nos vieux mirages F1, nous pouvions disposer d'un escadron de reco performant, pas sûr qu'aujourd'hui avec nos nacelles Damoclès et autres reco NG nous puissions voir grand chose à 400 Kts, en moyenne/haute altitude, avec un passage bref tous les 2 jours...
    A ces vitesses-là, ces caméras sont bonnes pour détecter le déplacement d'un régiment de chars soviétiques, pas pour trouver discrètement 3 pickups et quelques hurluberlus armés de kalaschs.
    Le manque de drones de surveillance en nombre dans notre armée va se faire sentir, les malheureux Reapers étant déjà bien sollicités au Niger.
    Aux dernières nouvelles, le régime de Damas continue de balancer des barils d'explosifs sur les civils. Pourquoi ne pas commencer par mettre ces hélicos hors d'état de nuire?

    • L’aviation française appelée à intervenir en Syrie.
      @ Fred
      en 2001-2002 à Al-Dafra, nous avons fait le recueil photographique stratégique à l'aide de 2 Mirage IV P et 2 C135 FR, au profit d' "Enduring Freedom", et soyez assuré que le commandement de la coalition appréciait particulièrement les renseignements rapportés. Les équipages affichaient le premier mois 100h de vol, pour des missions qui pouvaient durer jusqu'à 6h avec 4 ravitaillements en vol, traitant entre 800 à 1200 objectifs .......... et bien sûr avec la combinaison glou-glou !!!
      Certains clichés de la destruction des Bouddhas de Bamian, vous étonneraient par leur remarquable netteté.

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