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Défense

L’ALAT célèbre ses 70 ans… face au mur de la « haute intensité »

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Frédéric Lert

Tous les régiments de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre était représentés à Pau le 19 septembre 2024 pour une célébration en grande pompe des 70 ans de l’ALAT. A la lumière de la guerre d’Ukraine et face au vieillissement du parc d’hélicoptères, la plus jeune arme de l’armée de Terre fait face à des défis considérables pour les années à venir.

« 70 ans c’est le bel âge » note le général David Cruzille, commandant de l’ALAT depuis le 1er août 2024. « Nous sommes très fiers de notre histoire mais aussi de notre capacité à évoluer ». Evoluer pour survivre est la clef de toute organisation et l’ALAT n’échappe pas à la règle. Après dix ans d’opérations dans le Sahel et de très beaux succès tactiques à son actif, l’ALAT se retrouve aujourd’hui face au mur de la « haute intensité » qui est dans tous les esprits, dans toutes les prises de paroles et s’étale au grand jour en Ukraine.

Les pertes y sont lourdes pour les des deux belligérants et les innovations techniques permanentes. La généralisation de l’emploi des drones pourrait laisser penser que l’heure des hélicoptères est passée, mais cette idée est réfutée avec force par l’ALAT. Celle-ci continue de voir l’hélicoptère comme un formidable atout au service des forces terrestres et même un outil essentiel pour pallier certaines insuffisances françaises.

Dans le cadre d’une guerre de haute intensité, les hélicoptères restent indispensables dans plusieurs scénarios essentiels expliquait-on à Pau le 19 septembre 2024. Outre les missions d’évacuation sanitaire et logistiques, les hélicoptères constituent par ailleurs une réserve très mobile capable d’intervenir rapidement dans les intervalles du champ de bataille ou sur les arrières de l’ennemi. Pour résumer ce don d’ubiquité, on explique souvent que les hélicoptères sont « ailleurs ». L’emploi en Ukraine montre que les pertes peuvent être lourdes sur la ligne de front, mais il rappelle également qu’une artillerie volante peut également jouer un rôle essentiel pour bloquer une percée ennemie, ou au contraire exploiter une victoire tactique. L’ALAT insiste sur ce point : l’hélicoptère reste indispensable pour intervenir dans la profondeur, traiter des cibles particulières et aller trouver l’ennemi là où il ne s’y attend pas.

Pour y parvenir, encore faut-il disposer d’appareils efficaces et en grand nombre. Depuis toujours, l’ALAT se débat dans des difficultés d’équipements et les temps actuels ne font exception. Les programmes ambitieux souffrent de restrictions budgétaires, de coopérations difficiles à mettre en place et in fine de calendriers exagérément longs.

Le Tigre reste la clef de voute des capacités offensives de l’ALAT qui dispose aujourd’hui d’un parc de 67 machines, dont un peu plus de cinquante dans le standard HAD (Appui Destruction). La modernisation du Tigre et son passage dans un standard Mk3 qui devait se faire en coopération avec l’Allemagne est aujourd’hui plombé par le renoncement allemand.

On ne parle plus aujourd’hui que de rénovation à mi-vie pour les appareils français, de manière à les prolonger à minima d’une quinzaine d’années. L’accent sera mis sur la connectivité (allant de pair avec le travail en coopération avec les drones) et l’emploi d’un armement à longue portée.

Moderniser, faire durer et moderniser est également à l’heure du jour pour la flotte des hélicoptères de manoeuvre Cougar et Caiman (une centaine d’appareils au total), avec là aussi de fortes contraintes budgétaires. Ce ne sont pas les belles idées qui manquent, avec toujours comme exigence principale la connectivité et l’avionique. De l’hélicoptère lourd, de la catégorie du Chinook, on ne parle plus trop au sein de l’ALAT. Cela reste un rêve accessible uniquement à des pays européens plus riches ou moins endettés que la France.

L’ALAT continue pour l’heure de faire avec ce qu’elle a, ce qui se traduit par la présence dans ses régiments de Puma et de Gazelle hors d’âge. Des appareils rincés par un demi-siècle d’utilisation intensive et qui continuent de voler notamment par la récupération de pièces sur des exemplaires déjà retirés du service.

Le remplacement des Gazelle par le H160M Guépard débutera à la fin de cette décennie et s’étalera sur une dizaine d’années. Un temps long qui posera bien entendu des soucis de mise en oeuvre des dernières Gazelle à l’horizon 2040, mais aussi de formation des équipages et de doctrine.

A l’heure des drones et de l’intelligence artificielle, qui peut dire aujourd’hui de quoi sera alors faite la mission de reconnaissance qui doit être confiée au Guépard en 2035 ou 2040 ?

Un enjeu majeur pour l’ALAT dans les années à venir sera de pouvoir équilibrer les choix entre évolutions technologiques souhaitables et exigences d’une certaine forme de frugalité et de « soutenabilité ». En d’autres termes, ne pas sacrifier les munitions, les heures de vol, l’infrastructure, les rechanges et le soutien au seul profit d’hélicoptères magnifiques.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Bien d'accord avec cette analyse.
    L'ère des drones en guerre n'en est qu'à son début.
    Les progrès des batteries qui permettront d'augmenter l'emport et l'autonomie, les progrès dans l'électronique, l'IA et surtout, l'imagination, feront des drones des vecteurs tous azimuts : observation, relais, attaque au sol, en l'air contre les hélicos, les drones ennemis, les navires, etc ... chaque jour apporte de nouvelles idées.
    L'hélicoptère, lent et très vulnérable, (peu ou pas de protection), coûteux, ne me parait pas répondre à l'optimisme des états-major français, ici de l'ALAT.
    D'autant plus dans un pays économiquement ruiné.
    Un déploiement de drones au Sahel comme l'ont fait les ukrainiens sur le Donbass aurait rassuré sur la capacité de nos armées à imaginer la guerre de demain.

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