Le A-10 se fera-t-il refaire aussi les seins ?

Le A-10 « Thunderbolt II » de l’US Air Force gagne de nouvelles ailes et de nouvelles capacités opérationnelles et pourrait donc poursuivre sa carrière opérationnelle au-delà de 2025. Pour l’avion et pour la communauté de ses pilotes, ce serait une belle victoire. Oui, mais…

Les rumeurs actuelles font craindre le pire pour l’avenir opérationnel du légendaire A-10. Pour faire face à la réduction de son budget, l’US Air Force évoquait récemment la possibilité de tirer rapidement un trait sur les avions « mono missions ». Le A-10 ferait alors une victime de choix. Rien n’est encore décidé et pour l’instant, les essais en cours laissent croire que l’appareil a encore un futur.

En 1991, au moment de la première guerre du Golfe, l’US Air Force parlait du A-10 comme d’un préretraité et ses jours étaient comptés. A l’époque où les F-15 E et F-16 prenaient en main les missions air-sol, le A-10 semblait être complètement dépassé. Paradoxalement l’avion ne sauva sa peau que grâce à l’intervention de l’US Army : là où l’Air Force ne voyait qu’un tas de ferraille totalement dépassé, l’armée de Terre américaine voyait au contraire un remarquable appareil d’appui-feu, idéalement taillé pour épauler ses soldats au sol.

L’utilisation réussie du A-10 en Afghanistan puis en Irak à partir de 2003 ont finalement poussé l’USAF a redonner un avenir à l’avion, confiant à Lockheed Martin le programme « Precision Engagement ». Par son ampleur, ce programme donna finalement naissance à une nouvelle version de l’avion, le A-10C, qui effectua son premier vol en 2005. Sur les 715 A-10 construits par Fairchild entre 1972 et 1984, un peu moins de la moitié sont encore en service à ce jour. Peu d’avions ont été détruits au combat et la plupart des appareils retirés du service sèchent leurs os au soleil de Davis Monthan. Pour les autres, l’heure est à la modernisation. Dans le poste de pilotage, l’instrumentation électro-mécanique traditionnelle a été remplacée par deux écrans multifonctions en couleurs de 12,5 cm par 12,5. Il est possible d’y afficher une cartographie numérique couplée à l’utilisation du système SADL (Situation Awareness Data Link) : Le A-10C a également hérité d’un nouveau viseur tête haute, de la poignée de gaz du F-15 E et de certains éléments du manche du F-16. Sous la peau de l’avion, Lockheed Martin a implanté un nouveau calculateur de mission et un bus de données permettant à l’avion de « dialoguer » avec les armements à guidage GPS.

Les A-10C ont ensuite été utilisés au combat en Irak à partir de septembre 2007, puis en Afghanistan à la fin 2008. C’est à cette époque que l’USAF fit la désagréable découverte de criques de fatigue dans les ailes de ses A-10A les plus anciens équipés d’une voilure dite « mince ». Conséquence immédiate, 127 avions furent cloués au sol tandis qu’un contrat était signé en urgence avec Boeing pour la fabrication potentielle de 242 jeux d’ailes renforcées. Ainsi équipés, les A-10 disposent d’un potentiel de 16.000 heures de vol par avion et pourront continuer à faire la guerre jusqu’en 2028. A ce jour, 48 voilures complètes ont été livrées et Boeing vient de recevoir un nouveau contrat pour la fourniture de 56 jeux supplémentaires. Les commandes portent à ce jour sur 173 jeux, sur la cible totale qui est donc de 242.

Autre bonne nouvelle pour l’avion, l’USAF s’est décidée à ouvrir de nouvelles configurations d’emport. Etonnamment, le A-10 n’était pas autorisé jusqu’à présent à emporter des réservoirs supplémentaires au combat. Ceux-ci, jusqu’à trois réservoirs de 600 gallons (2271 litres), ne pouvaient être utilisés que pendant les missions de convoyage. Des essais en configuration lourde (un réservoir, huit bombes GBU-12 de 250 kg, deux bombes à sous munitions CBU-103 et deux missiles d’auto défense…), à grande vitesse (tout est relatif) et sous facteur de charge ont montré que l’avion gardait un comportement sain. Avec ses 600 gallons de carburant accrochés sous le ventre, le A-10 gagnera quelques dizaines de minutes d’autonomie et s’affranchira un peu du ravitaillement en vol.

On savait que le A-10 de l’US Air Force avait un sacré punch. Avec la version A-10C, la brute épaisse a gagné un cerveau. L’US Air Force s’apprête désormais à lui offrir des jambes de marathonien. Que demander de plus ? Lui refaire les seins ? Non mais Allo quoi…

Frédéric Lert