L’US Army renonce au programme FARA (Future Attack Reconnaissance Aircraft) lancé il y a 6 ans. Les hélicoptères sophistiqués de Bell et Sikorsky sont éliminés du champ de bataille sur lequel les drones font la loi. Le Pentagone tire les enseignements de la guerre d’Ukraine.
L’information a fait l’effet d’une bombe dont l’onde de choc n’a pas fini de se propager au Pentagone et chez les industriels américains : l’US Army veut en effet arrêter le programme FARA qui devait fournir à ses bataillons d’hélicoptères un appareil de reconnaissance armée, puissant et rapide.
Les deux industriels en compétition devraient poursuivre les travaux de développement jusqu’au 1er octobre prochain, c’est à dire jusqu’au premier jour de l’année fiscale 2025, avant que le rideau tombe sur le programme. Ce moratoire devrait permettre de réfléchir à des lots de consolation pour les deux hélicoptéristes qui ont déboursé quelques centaines de millions de dollars sur leurs projets. Comme on est aux Etats-Unis, le Congrès aura également son mot à dire sur ce choix radical qui va impacter les états où sont implantées les usines de Bell, de Sikorsky et de leurs sous-traitants.
Le programme FARA a été lancé en 2018 avec cinq concurrents sur les rangs. Après l’élimination de Boeing, Karem et AVX en 2020, seuls Bell et Sikorsky sont restés en lice avec respectivement le Bell 360 Invictus et le Sikorsky RaiderX.
Le dessin de l’Invictus est assez conventionnel, rappelant même le Comanche (cockpit en tandem, rotor anticouple caréné et incliné) auquel aurait été greffé une imposante voilure fixe capable de soulager le rotor principal à grande vitesse. Sous les capots, Bell a choisi de faire efficace en reprenant et adaptant les ensembles dynamiques (rotor et chaine de transmission) du Bell 525, appareil commercial de 9,3 tonnes. L’US Army exigeant une vitesse de 180 nœuds, l’Invictus fait appel à un train d’atterrissage escamotable et des armements en soute.
Pour le Raider X, c’est une autre histoire, avec une allure nettement plus futuriste. L’appareil est une version agrandie de 20% du démonstrateur technologique S-97 Raider. Avec son cockpit côte à côte, le Raider X est un appareil au large maitre couple dont la soute à munition pourrait être remplacée, le cas échéant, par une étroite cabine pour emporter quelques soldats ou du matériel.
La solution technique retenue par Sikorsky est celle de l’hélice propulsive et du rotor contrarotatif. Les deux appareils, en fin d’assemblage, n’ont pas encore volé et on ne sait pas s’ils voleront un jour. Le programme FARA devait donc désigner un gagnant, il fera finalement deux perdants.
L’US Army avait pourtant répété ces dernières années qu’il était absolument prioritaire. Eh bien il ne l’est plus et c’est la faute à l’Ukraine. Le communiqué officiel annonçant la fin du programme fait état « d’une évaluation sérieuse du champ de bataille moderne ». Le général Randy George, chef d’état-major de l’US Army précise « le champ de bataille nous apprend, particulièrement en Ukraine, que la reconnaissance aérienne à fondamentalement changé. Les capteurs et les armements montés sur une grande variété d’appareils sans pilote et dans l’espace sont plus que jamais omniprésents, à plus longue portée et bon marché ». En clair, le champ de bataille n’est plus une place recommandée pour des hélicoptères de reconnaissance.
Mais il y a plus. La question de l’hélicoptère de reconnaissance est un véritable serpent de mer qui hante les couloirs du Pentagone depuis bientôt cinquante ans ! Il y eu d’abord le Bell Kiowa (Bell 206 militarisé), né avec la guerre du Vietnam. En 1967 vint la tentative du Lockheed AH-56 Cheyenne pour le remplacer avec un véritable hélicoptère de combat lourdement armé. Mauvaise pioche. Le Kiowa fut alors modernisé, donnant naissance au Kiowa Warrior.
En 1983, l’Army lança le programme RAH-66 Comanche. Dix-neuf ans et 7 milliards de dollars plus tard, (il y a donc 20 ans pratiquement jour pour jour !) le Comanche fut abandonné et le Kiowa Warrior D continua à faire le coup de feu en Irak et en Afghanistan. Une ultime tentative de modernisation donna naissance au Kiowa ARH-70 Arapaho, abandonné en 2008 après de nouveau retards et surcoûts.
A l’instar d’Indiana Jones, le Kiowa D continua donc sa vie d’aventurier bien au-delà de l’âge légal de la retraite. Après son retrait de service en 2017, l’US Army se résolu à confier la mission de reconnaissance armée à l’AH-64 Apache, ce qui revenait donc à aller acheter le pain avec une Formule 1. Le FARA devait mettre un terme à cette hérésie, mais l’explosion stupéfiante de l’emploi des drones mit finalement un terme à cette course erratique d’un poulet sans tête.
L’affaire semble aujourd’hui pliée : le futur engin de reconnaissance n’aura pas de pilote à bord. Au-delà de l’Invictus et le Raider X, deux victimes collatérales sont en outre relevées. Tout d’abord la turbine ITEP (Improved Turbine Engine Program) T901 de General Electric, qui connaissait quelques soucis de développement.
La T901 devait non seulement motoriser le FARA, mais aussi participer à la remotorisation des flottes actuelles d’AH-64E Apache et d’UH-60M Black Hawk. Son industrialisation est reportée sine die, le temps de remettre le programme sur les rails. Autre victime annoncée, l’UH-60V, une version du Black Hawk UH-60M doté d’une avionique modernisée.
Une soixantaine d’hélicoptères ont déjà été livrés et 90 autres sont déjà financés, mais le programme devrait être arrêtée l’an prochain en raison de ses surcoûts. Consolation pour Sikorsky, cette annulation bénéficiera au UH-60M qui devrait faire l’objet de commandes pluri-annuelles pour redonner des couleurs à sa chaine de fabrication.
L’annulation du programme FARA va également permettre à l’US Army de dégager une marge de manœuvre financière. Grâce à celle-ci, Boeing devrait pouvoir lancer l’industrialisation du CH-47F Block II « Chinook », dernière itération en date du Chinook. La mort du FARA devrait également profiter au programme FLRAA (Future Long Range Assault Aircraft) pour lequel le convertible V-280 de Bell a été sélectionné.
Accessoirement, l’US Army devrait également retirer du service les drones de reconnaissance RQ-7 Shadow et RQ-11 Raven. Une décision relativement indolore, puisque ces appareils étaient déjà poussés vers la sortie. Un programme existe déjà pour leur remplacement, avec les prototypes de Griffon Aerospace et Textron Systems qui devraient effectuer leur premier vol en 2025.
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