Le Ministère des Armées a attribué à la société Turgis Gaillard un marché visant à étudier, via le drone AAROK, le concept de drone « certifiable non certifié ». Une retombée directe de « l’économie de guerre ».
Les aéronefs militaires sont dits « qualifiés » quand ils répondent aux spécifications de leurs futurs utilisateurs. Dans le monde civil, les aéronefs sont « certifiés » quand ils répondent à certaines règles de conception et de suivi de navigabilité dont l’application est placée sous le contrôle des autorités compétentes (EASA en Europe, FAA aux Etats-Unis etc.)
Depuis quelques années, la réglementation militaire a évolué en décidant de cumuler qualification et certification. Une double peine librement consentie, qui a par exemple été appliquée à l’A400M ou au NH-90.
En théorie, la certification d’aéronefs militaires donne le droit de les faire évoluer librement dans l’espace aérien civil, sur le territoire national mais aussi d’un pays à l’autre. Mais dans les faits, on s’aperçoit que les aéronefs militaires non certifiés, qui restent à ce jour largement majoritaires, peuvent en faire autant grâce à des accords de réciprocité. Et inversement : bien que certifiés, des aéronefs militaires auront toujours besoin d’accords diplomatiques pour franchir les frontières…
Depuis 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la notion d’économie de guerre a débouché sur une réflexion de fond quand à cette exigence de certification. Est-elle vraiment indispensable, sachant qu’elle pèse terriblement sur les coûts de développement ?
« Les armées, la DGA et l’industrie sont entrées dans une démarche de coopération afin de faire converger les besoins opérationnels et réglementaires d’un côté, et les réponses techniques, de l’autre » explique le communique de presse de Turgis Gaillard. En clair, pour produire plus vite et plus simplement, mieux vaut ne pas s’encombrer des contraintes de développement et des procédures lourdes et coûteuses propres à la certification.
Le drone AAROK développé par Turgis Gaillard va donc servir de ballon d’essais pour les mois à venir dans le cadre d’une étude pour un appareil qualifié et « certifiable mais pas certifié ». Objectif : assouplir les contraintes de conception et les exigences de navigabilité tout en apportant des gages d’une très grande fiabilité. L’esprit de la certification sans la lettre, en quelque sorte. Un engagement suffisant pour, citons le communiqué de presse, « un projet pragmatique réutilisant des briques technologiques déjà financées, déjà en service, déjà soutenues ». Le projet est aujourd’hui conduit dans le cadre d’une « Opération d’Expérimentation Réactive » (OER) sous la houlette de la Direction de la Maintenance Aéronautique (DMAé).
Le drone AAROK a a réalisé ses premiers essais au sol en avril 2024 et son premier vol est désormais prévu au premier semestre 2025. Sans la nécessité d’une certification, le développement pourra se contenter de quelques dizaines d’heures de vol, au terme desquelles l’appareil pourra être confié au ministère des Armées pour une expérimentation opérationnelle.
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Le prototype devait être équipé d'un poste de pilotage pour des raisons de simplification de certification.
Ce nouveau mode de qualification "certifiable sans être certifié" a-t-il rendu le cockpit caduc, ou le pilote sera-t-il maintenu sur le premier appareil ?
A passage le premier vol devait avoir lieu fin 2023 début 2024
bonjour François, un pilote sera bien à bord du premier appareil pour faciliter les essais en vol et le développement.
Merci pour cet article intéressant.
Je ne suis pas très sûr du lien entre certification d’avions militaires et survol du territoire national et survol d’autres pays.
La circulation d’aéronef militaires sur le territoire dans un espace aérien civil est possible s’ils ont les équipements requis pour entrer dans cet espace et si dans un espace contrôle, ils se conforment aux instructions du contrôle. La certification ne me semble pas une obligation.
L’ article 3 de la Convention de Chicago prévoit que le survol ou l’atterrissage d ‘aéronefs militaires ( plus généralement d’Etat) est soumis à une autorisation. La certification ne me semble pas jouer un rôle non plus.
La certification selon les normes civiles n’est nécessaire que pour une utilisation par des exploitant civils. Toutefois dans le cas des drones civils, comme la réglementation est basée sur une analyse des risques encourus par des tiers au sol ou en vol, la certification ne serait requise que dans le cas de vols à haut risque.
Si la réglementation européenne de sécurité ne s’applique pas aux opérations d’Etat, les États peuvent toutefois décider de l’appliquer.
Une certification est en effet un exercice coûteux mais elle définit des objectifs de sécurité clairs et introduit une plus grande rigueur dans le développement et il arrive qu’elle découvre des points de sécurité que le constructeur n’avait pas vu. Elle permet aussi de rassurer le public.
La décision prise par la DGA est juridiquement correcte, la n’est pas la question.La décision de certifier ou non aura un impact sur le niveau de sécurité que l’état veut assurer au public et sur le marché envisagé pour l’aéronef en question.
Bonne journée!
Merci pour ce commentaire étayé. Les illustrations diffusées par Turgis Gaillard montrent l'Aarok aux couleurs de la marine dans une mission de patrouille maritime, ce qui répond sans doute à votre remarque sur la question de la sécurité des vols : le public est plutôt clairsemé au milieu du Pacifique...
Voilà qui est intéressant ! Mais, en période de gabegie de finances publiques, sommes-nous vraiment en économie de guerre ? En fait, quand on y réfléchit bien, l'économie de guerre, c'est tout simple, c'est transformer les années en mois et les mois en semaines. Il serait temps que nos politiques atterrissent, enfin du moins pour la majorité d'entre eux.