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Le F-35 toujours à la peine

Published by
Frédéric Lert

Un nouveau rapport du Pentagone met en lumière les déficiences du F-35 de Lockheed Martin. On trouve du connu et du moins connu dans la prose du Pentagone…


Le Pentagone a beau avoir des murs épais pour résister aux impacts de bombes et de Boeing 757, le bâtiment laisse tout de même filtrer vers l’extérieur d’étonnantes informations. Prenez par exemple le rapport publié par le Director operational test & evaluation (DOT&E), Michael Gilmore. Chaque année, l’homme qui répond directement au ministre de la défense américain, cosigne avec son équipe une volumineuse synthèse sur l’avancement des programmes.

On trouve toujours des pépites dans ce compendium et celui de 2015, 472 pages disponibles en PDF, ne fait pas exception. Pas moins de 48 pages très denses écrites en chiffres, acronymes et autres abréviations, et parfois même en anglais, sont consacrées à notre avion favori, le F-35. S’il est un domaine où le F-35 surperforme, comme on dit à la bourse, c’est bien dans la rédaction de rapports.

Pour ceux qui auraient passé les dix dernières années à Pyongyang, rappelons que le premier prototype du F-35 a volé en 2006. Depuis cette date, 154 avions de série ont été construits et livrés à leurs utilisateurs, dont 45 pour la seule année 2015. Pourtant l’avion reste toujours en développement et ne saurait être utilisé en opération. Une grande première dans l’histoire de l’aéronautique, preuve s’il en fallait que le F-35 est vraiment synonyme d’innovation.

Et que dit donc le dernier rapport du DOT&E ?

D’abord que l’IOC (capacité opérationnelle initiale) décrétée par les Marines l’été dernier avec le F-35B (version à décollage court et atterrissage vertical) est de la poudre aux yeux. Dans sa version logicielle actuelle (block 2B), le F-35B ne saurait être engagé au combat sans soutien conséquent en raison du manque de maturité de ses équipements embarqués. La valeur des tests WDA (Weapon Delivery Accuracy) réalisés pendant le développement de ce standard 2B est ouvertement mise en doute, les résultats favorables ayant été obtenus en triturant les conditions d’essais pour donner une chance à l’avion.

L’Air Force, qui pensait également franchir le cap de l’IOC à l’été prochain devra patienter quelques mois de plus. On en parle désormais pour décembre 2016, avec sans doute autant de réserves que pour le F-35B des Marines. Le plus étonnant est que l’outil de simulation qui permettra d’évaluer l’avion dans des environnements très complexes, difficiles à reconstituer dans la réalité, est lui même en panne, englué dans des développements informatiques.

Dans un autre registre, le rapport met le doigt sur la question de l’échauffement de la soute à munitions qui dépasserait dans plusieurs cas de figure les limites fixées. Au sol tout d’abord, par forte chaleur (90°F, soit 32°C, ce qui n’a toutefois rien d’exceptionnel) ou à grande vitesse et moyenne altitude (de 500 à 600 kt sous 25.000 ft pour le F-35A de l’USAF). Le remède : ouvrir la soute pour l’aérer ! Gênant pour un appareil qui fait de la furtivité son premier atout…

Comme sur beaucoup d’autres appareils, le refroidissement de la cellule et des soutes à équipements est obtenu sur le F-35 en utilisant le carburant comme dissipateur de chaleur. On pouvait penser que ces questions de refroidissement, déjà identifiées par le passé, avaient été réglées. Apparemment il n’en est rien et la question peut être posée sans ménagement : le F-35 pourra-t-il toujours mettre en route en cas de forte chaleur ? Premier élément de réponse, l’USAF a fait repeindre les citernes de ses camions d’avitaillement en blanc, pour garder le carburant à une température acceptable…

Autre question que l’on retrouve sur les blogs américains : le F-35 resterait-il opérationnel en cas d’interruption des liaisons internet ? L’interrogation est liée cette fois au système ALIS (Automatic Logistics Information System). Un système centralisé, permettant de tout savoir sur l’état de santé de tous les avions, partout dans le monde via des liaisons sécurisées. Un big brother de la maintenance qui surveille tout mais dont les millions de lignes de code accumulent les bugs et fait plonger la disponibilité de l’avion. On le savait déjà, qui trop embrasse mal étreint.

Terminons avec cette perle tirée du rapport, et qui laisse incrédule : « the rate of deficiency correction has not kept pace with the discovery rate ». En d’autres termes, les problèmes apparaissent plus vite qu’ils ne sont résolus.

Frédéric Lert

Le 34th Fighter Squadron de Hill AFB devrait être le premier à atteindre une première capacité opérationnelle avec le F-35A. L’unité a commencé à recevoir ses avions en septembre dernier.
Le prototype AF-01 photographié en cours d’essais de séparation de charges. L’emport de GBU-12 sous la voilure efface toute furtivité…
Le 422nd Test & Evaluation Squadron basé à Nellis AFB dispose de plusieurs F-35A utilisés pour tester opérationnellement l’avion.
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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Le F-35 toujours à la peine
    Dans ma jeunesse j'ai fait des étude pour devenir programmeur. Quand un programme n'allait pas, et ben c'était pas la peine d'insister. Il valait mieux tout recommencer sur de bonnes bases.

  • Le F-35 toujours à la peine
    Il est évident que le cahier des charges apporte beaucoup trop de contraintes, certains commentaires sont très optimiste à voir maintenant dans le temps.. wait and see

  • Le F-35 toujours à la peine
    Bravo à tous les commentateurs.
    C'est vrai que ça fait du bien de voir ces ricains se dépatouiller dans les problèmes c'est le juste retour de leurs manigances et des pressions énormes sur les pays qui voulaient acheter le Rafale !!

  • Le F-35 toujours à la peine
    Avant tout merci Michael !!

    Je me fais souvent attaquer pour mes positions jugées " pro-F35" alors que je me contente de dire que cet appareil est toujours en cours de mise au point et qu'il répond tout simplement à une prédiction faite des enjeux de la guerre aérienne à venir vers 2025-2030.
    Je ne sais pas ce que vous êtes autorisé à dire ou pas sur le programme mais par pitié dites à vos collègues de communiquer sur l'avion ... Sur ses ambitions et son champ d'opération ...
    Je ne demande pas de parler de son avionique et en particulier de son automatisation qui sont sûrement assez confidentiels mais j'adorerais des précisions :)

  • Le F-35 toujours à la peine
    Il était une fois Bobby, Willy (les marines), Jimmy, Nicky (du USS G. Ford) , Ricky et Larry (567th FS) qui partaient joyeusement au combat dans leur JSF. Malheureusement, dès le décollage, le pauvre Jimmy évacue de son joujou à 250M$ car son moteur F135 est prend feu comme une torche. "Bandits, bandits !"Arrivés dans l'espace aérien ennemi, ses camarades détectent 3,6, euh non, 20 Flankers E ! Ah oui c'est vrai, dans le JSF un bug fait qu'une cible est affichée à chaque pilote autant de fois qu'il y a d'avions dans la formation ! Heureusement qu'il y a ces bons vieux AWACS ... Bon, pas de problème, les russkofs ne les ont pas détectés. Hop, 1,2,3,4,20 AIM9X away ! Quelques Su-35 sont abattus. Mais il en reste! Mais au fait, chef, on n'a plus de missiles ! Et les F-35B n'ont même pas de canons! Allez Bobby et Willy, retour à la base! Pendant ce temps, les soutes vides des 3 autres surchauffent. Pas d'autre solution, on ouvre les soutes! Bye furtivité ! Logiquement tout ce petit beau monde se retrouva avec 3 R-77 vympel au trousses. Nicky s'éjecte mais le pauvre faisait moins de 61 kg... Ricky et Larry tentent des manœuvres évasives mais shit! Pas assez de puissance ! Les 2 pilotes se croient foutus mais boum ! Les Flankers viennent d'être abattus par des MICA tirés par 2 Rafales français qui passaient par là... Fin de l'histoire.

  • Le F-35 toujours à la peine
    Absolument incapable de juger. Mais il me semble qu'un avion qui nécessite que le pilote porte un casque a $ 450,000 qui , de surcroit, risque de lui briser le cou en cas d'éjection (si le pilote est une femme , par exemple, et pese moins que 61 Kg) semble être plus "business & politics as usual" qu'un projet rationnel face aux menaces militaires actuelles et d'avenir. http://worldwarwings.com/pentagon-f-35-flaws-just-got-longer-even-scarier-too

  • Le F-35 toujours à la peine
    Tout cela doit être très préoccupant, pour les états major des pays clients... Mais quelles sont les voies de sortie, avec quasi 160 avions livrés?
    Livrer quelques centaines sur les 2443 commandés et passer à la suite..?
    Renoncer et reculer..? Bien sur que non... Il ne reste qu'a persévérer, creuser le déficit en perdant en route qq clients, surement .
    Un dossier intéressant à suivre, quoi qu'il en soit !

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