Une page d’histoire se tourne dans la plus grande discrétion. C’est le 14 février 2012 que l’unique Boeing 747 équipé d’une arme laser a rejoint la base de Davis Montan près de Tucson (Arizona) où il sera stocké définitivement avant d’être démantelé dans quelques années.
Le programme d’avion laser ABL (AirBorn Laser) est le fruit des cogitations du Pentagone qui, à la fin des années 90, voulait se doter d’une arme capable d’abattre à coup sûr tous les missiles balistiques adverses. A l’époque, le monde sortait de la première guerre du Golfe marquée par la terreur suscitée par les missiles Scud irakiens que les batteries de missiles Patriot avaient du mal à contrer.
La réponse des militaires, sommés de trouver une solution par le Congrès américain, ne se fit pas attendre longtemps. Dès 2002, Boeing procéda au premier vol d’un Boeing 747-400 affublé d’un nez inhabituel. Désigné YAL1A par le Pentagone, cet appareil abritait un ensemble de détection et de poursuite de cible basé sur un capteur infrarouge IRST, un système de commandement et de coordination, et un puissant générateur laser chimique capable de détruire de 20 à 40 cibles suivant les conditions d’utilisation. A l’époque, les USA envisageaient de se doter de six à sept appareils de ce type capables de se relayer au large de la frontière de pays « voyous » tels que la Corée du nord, à l’affut d’un tir de missile balistique.
Le concept d’emploi prévoyait que lors d’un tir de missile sol-sol, la signature thermique du départ serait immédiatement détectée par des satellites d’alerte avancée et par les capteurs optroniques de l’avion ABL. Les servants de l’ABL devaient alors affiner leurs données au moyen d’un laser de faible puissance dirigé sur la cible mobile. Et ce n’est qu’une fois validées les données de distance, de vitesse, de trajectoire et d’état de l’atmosphère sur le trajet avion-missile, que le puissant laser chimique mis au point par Northrop Grumman entrait en action, dirigé par une tourelle de nez mise au point par Lockheed Martin.
Une fois heurtée par le faisceau laser, la peau du missile s’échauffe avant d’être altérée causant la mise hors service de l’arme en quelques secondes. Le missile retomberait alors sur le pays lanceur… comme de bien entendu. Dans un tel scénario, les secondes sont comptées car l’ABL pour être efficace doit absolument être mis en œuvre pendant la phase propulsée du missile balistique sous peine de perdre sa cible de vue tout en restant à distance de sécurité des défenses adverses…
Science fiction ? Pas vraiment puisque le concept a été validé le 11 février 2010 au large de la Californie. Le scénario prévoyait un tir d’un missile représentatif d’un missile balistique de théâtre Scud à partir d’une plateforme maritime. Quelques secondes après le lancement, le Boeing ABL entamait la séquence de tir qui s’est achevée moins de deux minutes plus tard par le destruction de l’objectif. Une première saluée à l’époque à grand renfort de communiqués de presse par toute l’équipe industrielle impliquée dans ce programme ambitieux.
Reste que malgré ses réussites, l’ABL a été crucifié dès 2010 par le Pentagone, pressé de réduire ses dépenses. Une économie d’autant plus facile à justifier qu’entre temps, Boeing et Lockheed Martin achevaient la mise au point de batteries anti missiles évoluées basées sur des missiles intercepteurs endo et exo atmosphériques.
La fin du programme ABL qui s’achève en queue de poisson n’est pas un échec pour autant. Cet appareil a permis de maitriser la complexité liée à l’utilisation d’un laser de puissance en milieu atmosphérique contre des missiles en phase propulsée. Un domaine sur lequel travaillent sans discontinuer les USA depuis les années 70-80 avec la mise au point d’un laboratoire volant NKC135A tandis que les russes testaient des versions laser d’IL86 et Miassitchev M55.
Les lasers militaires sont une réalité, répondant au doux nom de DIRCM pour Directed energy counter measures. Ils équipent déjà des systèmes d’autoprotection pour avions et hélicoptères en complément des leurres thermiques et radar. Ces systèmes sont proposés à la vente par les USA et les russes. Ces moyens, bien qu’onéreux, permettent aujourd’hui de leurrer et demain de détruire en quelques secondes jusqu’à deux missiles en air-air et sol-air en quelques secondes. Et ce n’est qu’un premier pas vers la mise au point de moyens lasers puissants miniaturisés qui équiperont les navires militaires et les avions de combat de demain.
Dans ce domaine, l’Europe est à la traine une fois de plus. Des projets existent en France en Espagne et en Allemagne mais pour l’heure on ne voit rien venir de concret.
La Rédaction
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Le laser volant Boeing 747ABL définitivement cloué au sol
Passionnant... mais quel gâchis.