Le PAN Charles de Gaulle entre en scène

Le porte-avions français rejoint la Task Force américaine dans le Golfe Persique pour participer aux combats contre l’Etat Islamique. Le groupe aéronaval (GAN) constitué autour du Charles de Gaulle est officiellement engagé dans l’opération Chammal en Irak. La diplomatie navale a encore de beaux jours devant elle…

On s’en doutait très fort depuis le départ du porte-avions de Toulon le 13 janvier dernier et c’est aujourd’hui officiel : le Charles de Gaulle, qui a franchit le détroit d’Ormuz, va prendre part aux opérations contre l’Etat Islamique en Irak. Le navire et son escorte (deux frégates, un pétrolier ravitailleur et un sous-marin nucléaire d’attaque, 2600 marins au total dans ce qui est appelé la « Task Force 473 ») a rejoint la Task Force 50 américaine, centrée quant à elle autour du porte-avions USS Carl Vinson. En attendant l’entrée en scène du Queen Elizabeth et de ses F-35 (2019 au plus tôt), la France reste donc le seul pays au monde capable de travailler en étroite coopération, on a presque envie de dire sur un pied d’égalité, avec l’aviation embarquée américaine.

La première conséquence de cette arrivée au front, c’est que l’on peut être certain que de belles images vont bientôt nous parvenir. Catapultes fumantes, post-combustions flamboyantes, métal hurlant… : le porte-avions, c’est un peu le Johnny Halliday de la marine. Et c’est vrai que du côté des bases où opèrent les avions de l’armée de l’Air (6 Mirage 2000D en Jordanie et 9 Rafale aux Emirats Arabes Unis), la farandole des images se fait un peu désirer. Avec le Charles de Gaulle, qui n’a pas fait parler de lui depuis l’opération Harmattan en 2011, la Marine tient sa revanche. Il est vrai que pour les marins, l’Irak est un théâtre d’opération plus accessible que le Mali ou le Niger…

Un coup d’œil dans un atlas nous confirme que le fond du Golfe Persique n’est guère plus éloigné de Bagdad que la Jordanie. Il l’est aussi bien moins qu’Al Dhafra aux EAU. Le porte-avions est aussi bien pratique pour opérer en faisant l’économie de nombreux imbroglio diplomatiques. Comme aiment à le rappeler les Américains, un porte-avions c’est « deux hectares de souveraineté qui se déplacent sur toutes les mers du monde à la vitesse de mille kilomètres par jour ». Dans le Golfe, en matière de déplacement, on tourne surtout en rond en faisant très attention de ne pas mordre sur les eaux territoriales des uns ou des autres, et particulièrement des Iraniens. Les changements de cap sont fréquents, l’espace aérien et maritime parfois très encombrés et les manœuvres « avia » peuvent rapidement devenir très délicates… Le Golfe Persique est d’ailleurs bien connu des marins français puisque le Charles de Gaulle avait déjà eu tout le loisir de l’astiquer de long en large l’an dernier, au cours de la mission Bois Belleau, en compagnie de l’USS Roosevelt.

Contre l’Etat Islamique, la France engage donc déjà 15 chasseurs bombardiers de l’armée de l’Air. Avec ses 12 Rafale M et ses 9 Super Etendard Modernisés, le porte-avions permet de doubler instantanément la mise. L’impact sur les opérations sera tout de même limité : depuis le début des bombardements, plus de 16.000 sorties ont été réalisées par la coalition emmenée par les Etats-Unis. Environ 60% l’ont été par l’US Air Force, 30% par l’US Navy et les 10% restant par les autres nations participantes. Pour la France, c’est un peu plus d’une centaine de bombes tirées.

Le porte-avions apporte une capacité qui se monte, dans la durée, à une douzaine de sorties par jour, qu’il s’agisse de renseignement, de reconnaissance (avec la nacelle Reco NG) ou de bombardement à la bombe guidée de 250kg. Ce qui nous fait quelques tonnes d’explosif par semaine. Mais il semble bien qu’en Irak, il soit plus difficile de trouver des objectifs que des bombes pour les détruire. Les lignes de front ne sont pas toujours clairement définies et les cibles offertes par l’Etat Islamique souvent imbriqués dans les zones urbaines. Les communiqués occidentaux font état de nombreux objectifs d’opportunité : un pick up par ci, un check point par là… Contre ces objectifs de faible valeur, britanniques et américains font d’ailleurs un large usage de missiles air-sol de faible puissance. Les français restent pénalisés par le manque de flexibilité de leur armement, qui se résume au canon de 30mm sur le Rafale et le SEM, et à la bombe de 250 kg. Entre les deux, rien. Un handicap maintes fois dénoncées depuis les premières opérations en Afghanistan, il y a… treize ans.

Heureusement, le Charles de Gaulle n’est pas dans la région que pour faire la guerre. La coopération avec les pays de la région est aussi inscrite sur son ordre de mission. Avec par exemple l’Arabie Saoudite ou le Qatar, ce dernier s’intéressant également au Rafale. Et puis début avril, le Charles de Gaulle sera en Inde pour l’exercice Varuna 2015. Avec en toile de fond la vente 126 avions à New Dehli, c’est une bataille autrement plus difficile qui y attend le Rafale.

Gil Roy