Le psychodrame du F-35 au Proche et Moyen-Orient

La possibilité d’une vente de F-35 aux Emirats Arabes Unis se heurte à l’opposition d’Israël. Un psychodrame qui se nourrit des performances exceptionnelles prêtées à l’avion et des postures diplomatiques des protagonistes.

Le 13 août 2020, sous l’égide des Etats-Unis, les Emirats Arabes Unis (EAU) signaient un accord diplomatique majeur avec Israël, ouvrant la voie à une normalisation des relations entre les deux états. Quelques jours plus tard, on apprenait donc que les EAU souhaitaient acheter divers équipements militaires américains, dont des F-35.

La volonté des Emirats Arabes Unis d’acheter des F-35 affichée depuis 2017

Les Emiratis n’ont jamais fait mystère de leur volonté d’acheter l’avion, et cela depuis plusieurs années. Les premières discussions dateraient de 2017. Devant le refus initial des Etats-Unis, ils avaient alors opté pour la modernisation de leurs F-16 block 60. Dans le même temps ils s’engageaient également dans un chantier de modernisation de leurs Mirage 2000-9.

La possibilité d’une vente de F-35 avait été qualifiée de « rumeur » par les autorités américaines, avant finalement que le président Trump himself confirme l’information : « les Emiratis veulent acheter quelques avions, ils ont les moyens de les payer et je serais heureux de leur vendre » avait-il expliqué en substance. Jared Kushner, son gendre et conseiller, avait confirmé de son côté que la signature d’un accord de paix avec Israël augmentait la possibilité d’une vente du F-35 aux EAU.

Mais l’information passe mal en Israël, où l’on est habitué depuis plus d’un demi-siècle à avoir la primeur et souvent l’exclusivité des équipements américains les plus sophistiqués.

Certes quelques coups de canifs ont été donnés ces dernières années dans le contrat moral liant l’état hébreu aux Etats-Unis : vente de F-15 et d’Awacs à l’Arabie Saoudite ou encore de F-16 à de nombreux pays arabes. Mais des ventes toujours effectuées avec plusieurs années de retard sur Israel, et surtout avec des équipements embarqués moins performants afin de laisser en permanence un avantage qualitatif à Israël. Or le premier F-35 n’est arrivé dans l’état hébreu qu’en 2016 et la force aérienne israélienne n’a pour l’instant reçu que 21 des 44 F-35 commandés.

Israel opposé à la vente de F-35 aux EAU

La vente de l’avion aux Emirats passe donc très mal à Jérusalem, où l’on parle de « trahison ». La crise diplomatique avec les Etats-Unis se double d’ailleurs d’une crise intérieure en Israel, où le premier ministre Benjamin Netanyahu aurait eu connaissance du marché passé entre Etats-Unis et EAU (normalisation des relations avec Israel contre accès au F-35), sans en informer son gouvernement. Il va sans dire que les Emirats ne sont pas non plus très heureux de la situation : ils tiennent au F-35, c’est une question de fierté.

Car on vous le dit tout net (attention spoiler), les F-35 aux couleurs des Emirats ne serviront qu’à impressionner les voisins. « Si à cinquante ans tu n’as pas de F-35, c’est que tu as raté ta vie »…Les Emirats Arabes Unis ayant été formés en 1971, il devenait urgent pour eux de passer commande ! Une douzaine de F-35 aux couleurs d’un pays du Golfe ne déstabiliseront pas une région et n’inquiéteront pas la force aérienne israélienne. L’avion étant notoirement connu pour siphonner les budgets et inféoder ses utilisateurs aux Etats-Unis, allez savoir si ça ne serait même pas une bonne nouvelle pour les Israéliens ?

Frédéric Lert