L’Ecole d’Aviation de Chasse a été créée en 1943 au Maroc. 80 ans et deux déménagements plus tard (ce qui est peu dans une vie de militaire…) la voici donc qui tourne à plein régime depuis la base aérienne de Cognac. Les années ont passé, mais la mission reste plus que jamais la même : préparer au combat !
Marrakech, Meknès… Les destinations de vacances d’aujourd’hui étaient en 1943 synonymes d’antichambre du combat au sein de ce qui s’appelait alors le « centre d’instruction chasse ». On parlera de l’Ecole de chasse à partir de 1947. En pleine seconde guerre mondiale, la France Libre travaille avec un assemblage hétéroclite d’avions, dont certains ont connu la bataille de France : Curtiss H75, Dewoitine D520, mais aussi Hurricane, P47et autres Spitfire…
80 ans plus tard, l’école porte le nom prestigieux de Christian Martell (de son vrai nom Lucien Montet), as français de la seconde guerre mondiale et héros du groupe Alsace. Sur l’insigne, la Cigogne des As de la Grande Guerre cohabite toujours avec l’étoile chérifienne des débuts marocains. Le contexte est aujourd’hui moins dramatique à Cognac, mais l’exigence vis à vis des stagiaires est toujours la même, avec en premier lieu la recherche de combativité : « L’actualité ukrainienne, l’accroissement des tensions en Europe, le contexte international que nous vivons sont là pour nous rappeler que nous ne sommes pas si éloignés que cela de cette période de 1943. », souligne le Lieutenant-Colonel Thibault Ricci, actuel commandant de l’EAC.
« Au-delà du symbole, de la nécessite de se souvenir et de rendre hommage, il est aujourd’hui impératif de remettre au premier plan dans l’esprit de nos stagiaires la réalité du combat. Le projet que l’on porte à l’EAC met d’ailleurs fortement l’accent sur différentes questions que l’on regroupe dans la notion d’éthique, concernant par exemple l’emploi de la force, le rapport à la mort. Toutes ces questions qui font la singularité de notre état de militaire et a fortiori de combattant aérien, d’équipages de combat ».
Après quelques années de coexistence avec la filière traditionnelle sur Epsilon et Alphajet, l’EAC bénéficie maintenant d’un cursus solidement installé adossé à un avion qui fait l’unanimité pour lui, le Pilatus PC21. Les premiers appareils sont arrivés à Cognac en 2018 alors que l’EAC était encore stationné sur la base de Tours. Deux ans plus tard, l’Ecole s’installait à Cognac tandis que les Pilatus prenaient rapidement le pas sur les Epsilon et les Alphajet.
Dans l’organisation actuelle, l’EAC accueille dans son giron la formation ab initio qui se fait sur Grob 120 pour tous les futurs pilotes de l’Armée de l’air et de l’espace, de la marine nationale ainsi que de quelques nations partenaires africaines. L’EAC dispose de 17 Grob et trois simulateurs. A l’issue de ce « tronc commun », les futurs transporteurs vont à Avord et seuls les futurs équipages de Rafale et Mirage 2000 restent à Cognac où ils poursuivent leur formation sur PC21, avec les trois étapes de la spécialisation chasse.
La première étape, la phase « basique », comprend des vols d’apprentissage avec au menu de la voltige, du vol aux instruments, du vol en formation, de la navigation à vue et du vol de nuit. La deuxième phase de la formation, dite « avancée », est consacrée à l’apprentissage des missions de combat à vue, radar et air-sol dans un contexte tactique simplifié. À l’issue de cette phase, les jeunes stagiaires sont macaronnés et deviennent pilotes de chasse ou navigateurs officiers systèmes d’armes. La phase de transition opérationnelle, au cours de laquelle les jeunes brevetés approfondissent les notions tactiques, est la dernière étape de cette formation, avant une affectation en unité de combat sur Mirage 2000 ou Rafale.
L’EAC accueille en continue environ 150 stagiaires, du tronc commun jusqu’à la phase de transition opérationnelle, avec environ 75% de pilotes et 25% de navigateurs. Pour les instruire, l’Ecole dépose d’une centaine d’instructeurs : une vingtaine de sous-officiers moniteurs simulateurs, une vingtaine de pilote sur Grob et une soixantaine sur Pilatus.
« Nous sommes aujourd’hui en pleine remontée en puissance » explique le Lcl Ricci. « C’est un mouvement qui s’inscrit pleinement dans la montée en charge inscrite dans les deux dernières loi de programmations militaires, qui prévoient de donner de la masse aux escadrons de combat ». Fournir des équipages aux escadrons, c’est donc ouvrir les robinets du recrutement et augmenter les flux de formation. L’EAC est en première ligne pour encaisser ce choc et le Lcl Ricci reconnait sans peine que « c’est un défi » : « La réalité est que malgré nos sept simulateurs et nos 26 Pilatus, dont les neuf supplémentaires arrivés cette année, les moyens de l’école sont sollicités à plus de 100% ! On tourne dans le rouge pour honorer les besoins français et former nos stagiaires ! Avions, instructeurs, contrôleurs, disponibilité et volumes des espaces aériens, disponibilité des aérodromes environnants, tous les leviers sur lesquels nous pouvons agir sont en butée avant ! La machine tourne à fond et nous avons du mal à dégager des marges ».
Dès lors l’EAC pourrait-elle augmenter encore son envergure, recevoir plus d’avions, de simulateurs et d’instructeurs ? « La question dépasse mon niveau de responsabilité mais je ne le pense pas » répond le Lcl Ricci. « Nous avons obtenu tous les moyens possibles et nous sommes déjà les enfants riches des Lois de Programmation Militaire précédentes. Le format actuel de l’EAC représente déjà de gros efforts pour la nation ».
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