Les avions et hélicoptères militaires basés à Tahiti font face à la « tyrannie des distances » propre à la Polynésie française. Une situation mise en lumière au cours de l’exercice Marara qui vient de se conclure.
Prenez un espace maritime grand comme l’Europe de l’ouest. Saupoudrez de 118 iles et 280.000 habitants. Faites réchauffer à 30-35°C de janvier à décembre et vous obtiendrez la Polynésie française. Attention toutefois de ne pas trop remuer le plat en le sortant du four : ça donne des cyclones et personne n’aime ça. La dernière catastrophe d’ampleur dans le Pacifique sud date de l’été austral 1982/83, quand la succession rapide de six cyclones en quatre mois dévasta l’archipel des Tuamotu.
C’est pour se préparer à cette éventualité que les FAPF (Forces armées de Polynésie française) jouent chaque année l’exercice Marara. Les années paires, c’est uniquement une affaire d’état-major. Les années impaires, les FAPF engagent près de 90% de leurs moyens sur le terrain dans les exercices d’évacuation des populations, de rétablissement de l’ordre et de gestion de la situation sanitaire…
Pour ajouter à la difficulté mais aussi coller à la réalité, Marara s’est principalement déroulé cette année sur l’atoll de Rangiroa, 350 km au nord-est de Tahiti. Avec un diamètre de 75 kilomètres, Rangiroa est le deuxième atoll le plus vaste au monde.
La France dispose dans la zone de trois unités aériennes essentielles, toutes colocalisées sur l’aéroport international de Tahiti Faa’a : l’escadron de transport ET 82 Maine de l’Armée de l’air doté de deux Casa 235-200 et les flottilles 25F et 35F de la Marine avec respectivement deux Falcon 200 Gardian et deux hélicoptères Dauphin N3+.
Six aéronefs donc pour faire respecter une zone économique exclusive (ZEE) d’environ 5,5 millions de km2, pour montrer le drapeau chez tous les voisins, assurer le secours en mer et les évacuations sanitaires, et d’une manière générale assister les populations quand les moyens civils sont hors de portée. C’est peu, mais les militaires français sont raisonnables : « nos moyens sont adaptés aux missions que l’on nous confie » entend-on dire à Tahiti.
Au jeu de la vitesse, les Falcon l’emportent haut la main et sont bien logiquement affectés aux missions de surveillance lointaine. La 25F dispose de trois équipages de six personnes et tient en permanence un avion en alerte SAR à une quatre heures. L’autonomie du Falcon est d’environ cinq heures à la vitesse de croisière économique de Mach 0,7. Avec des navigations finement ciselées, l’avion peut rayonner sur tout le Pacifique.
En mars dernier un appareil a rejoint la base américano-japonaise de Kadena dans le cadre de la mission de surveillance de l’embargo contre la Corée du Nord. Trois jours de transit aller, autant au retour et, entre les deux, quinze jours de travail dans un cadre international. Les sauts de puce bien calculés sont aussi consubstantiels à l’emploi des hélicoptères.
Le Dauphin est limitée à environ 2h30 de vol, mais toute la Polynésie reste à portée de rotor en passant d’un confetti de terre à un autre. En août 2018, il a fallut 14 heure de vol et de multiples escales pour couvrir une distance équivalente à Helsinki-Gibraltar afin de réaliser une évacuation sanitaire depuis l’ile de Tenarunga, dans l’archipel des Tuamotu.
Les missions d’assistance aux populations ne sont pas rares et les Polynésiens sont bien conscients des efforts consentis. C’est une des raisons pour lesquelles les armées jouissent en Polynésie d’une popularité en acier inoxydable, avec des témoignages de sympathie rarement égalés en métropole.
La flottille 35F est armée par seulement 22 personnes, réparties en trois équipes de six, complétées par un échelon technique de quatre personnes. Deux équipes sont en alerte à 1h et 6h, tandis que la troisième se repose ou s’entraine. En 2018, la flottille a secouru 80 personnes, mais l’activité va bien au-delà du secours en mer ou des évacuations sanitaires.
Les Dauphin sont également utilisés pour le secours à terre ou la lutte contre les incendies à l’aide d’un « bamby bucket ». A noter qu’un troisième appareil pointe parfois le bout de son nez rond sur l’aéroport de Faa’a : il s’agit de l’Alouette 3 embarquée en temps normal sur la frégate de surveillance Prairial, qui a le Pacifique pour zone d’action et Tahiti comme port d’attache.
Les effectifs sont très réduits également pour l’ET82 qui ne peut compter que sur 27 personnes, dont six pilotes et quatre mécaniciens d’équipage, pour la mise en œuvre de deux avions. A l’instar des Falcon, l’entretien est toutefois assuré par les équipes de Sabena Technics présentes sur l’aéroport.
Un premier avion est en alerte à quatre heures pendant la période cyclonique qui court de novembre à avril. Le « Maine » réalise une moyenne de deux évacuations sanitaires par mois, avec la possibilité d’intervenir de nuit sur une trentaine de terrains d’un bout à l’autre de la Polynésie.
Les DHC6 Twin Otter et Beech 200 King Air d’Air Archipels n’interviennent quant à eux qu’en journée. Sur les terrains non contrôlés et non éclairés, les pompiers locaux sont formés pour mettre en place un éclairage sommaire composé de six balises.
La deuxième mission de l’ET82, c’est le secours en mer. L’avion peut emporter des chaines SAR largables par les portes « paras » latérales. « Le Casa offre une autonomie de 1.200 nautiques avec 2,5 tonnes en soute » explique un pilote de l’ET82. « L’avion fait le job, on peut par exemple rejoindre la Nouvelle Calédonie en une douzaine heures de vol et deux stops intermédiaires, mais un avion un peu plus gros nous donnerait un peu plus de liberté de mouvement. Par exemple quand il s’agit d’aller jusqu’à Hawai pour travailler avec les Américains… » Le remplacement à terme des Casa basés Outre Mer par des C-130 Hercules est une hypothèse évoquée..
Quatre avions, deux hélicoptères : les moyens sont donc limités et exigent une gestion très fine des potentiels et des capacités des uns et des autres. Mais ces moyens sont loin d’être ridicules et sont en tout état de cause des outils essentiels au service de la politique française dans la région. La France, qui est le seul pays européen à disposer d’une présence permanente dans la région, y est reconnue comme une puissance qui compte.
Au cours de l’exercice Marara, une quinzaines d’officiers des états voisins avaient fait le déplacement comme observateurs : des représentants des poids-lourds régionaux comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Chili ou les Etats-Unis, mais aussi de micro-états comme les Iles Cook (environ 22.000 habitants !), Kiribati ou encore Tonga.
Dans le grand jeu qui se joue, face à l’ogre chinois dont la croissance effrénée bouscule l’ordre établi et inquiète, la France veut montrer qu’elle existe et qu’elle compte et les avions sont un atout essentiel.
Frédéric Lert
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Est-ce que dans le cadre de ces missions en Polynésie, des hydravions ne seraient pas intéressants ?