Le 16 mars 2023, l’Armée de l’air et de l’espace a célébré à Cazaux le « macaronnage » de la dernière promotion de pilotes de chasse formés sur Alphajet. Le témoin est désormais passé à Cognac et au PC-21, mais l’Alphajet n’a pas encore dit son dernier mot…
Ils étaient six jeudi dernier et il n’y en aura pas d’autres : six jeunes pilotes de 25 ans en moyenne, tous « directs » issus de l’Ecole de l’air de Salon-de-Provence. Après une phase de tronc commun conduite à Cognac sur Grob 120 (une quarantaine d’heures de vol), ils ont donc été orientés vers la chasse et rejoint Cazaux pour la suite d’une formation exclusivement réalisée sur Alphajet.
« Certes la marche était haute entre le Grob 120 et l’Alphajet explique l’un des douze instructeurs de Cazaux. L’élève passait d’une vitesse d’environ 100 noeuds à plus de 400 noeuds. Mais le syllabus était suffisamment progressif pour permettre aux élèves de s’adapter à cette situation et à leur nouvel avion »
Cette formation 100% Alphajet a été mise en place en 2018, au moment où l’arrivée du PC-21 et le retrait de l’Epsilon bouleversaient le cursus de formation et lançaient l’Armée de l’air dans une phase intense de réflexion et d’expérimentation. L’Armée de l’air avait alors choisi de développer en l’espace de quelques années deux formations parallèles, la première mêlant une progression sur PC-21 pour les phases dites 2B et 3, puis sur Alphajet pour la phase 4, et la seconde entièrement sur Alphajet à Cazaux depuis la phases 2B jusqu’à la phase 4. Cette deuxième filière a concerné une quarantaine d’élèves pilotes de chasse de 2018 à aujourd’hui.
Avec la phase 2B (une quarantaine d’heures de vol), les jeunes pilotes ont appris à maitriser l’Alphajet à traiter les pannes en vol, ils goûtaient à la voltige, au vol aux instruments et au vol en formation. La phase suivante, conduite sur Alphajet modernisé, leur ouvrait les portes du perfectionnement avec des vols plus complexes, plus bas, plus rapides, au sein de formations plus étoffées. L’ensemble a duré environ une année au sein de l’escadron 3/8 Côte d’Or.
Depuis qu’ils sont officiellement des pilotes de chasse, ces six pilotes, ultimes représentants de cette filière, ne sont plus aujourd’hui des élèves mais des stagiaires. Ils ont désormais entamé leur phase 4, toujours à Cazaux et toujours sur Alphajet modernisé. Cette phase, la dernière avant de rejoindre une escadron de combat, leur permet d’aborder le combat, avec notamment des tirs au canon. Lorsqu’elle se terminera cet été, la page de la formation des pilotes français sur Alphajet sera définitivement tournée.
Pour ces jeunes pilotes, la formation sur Alphajet était une dernière opportunité de voler à bord d’un avion déjà entré dans la légende. « Mon père a aussi été formé sur Alphajet., expliquait l’un d’entre eux à l’issue de la cérémonie. Quand j’étais au lycée à Salon, je voyait passer la PAF et l’avion me faisait rêver. C’est un avion qui va vite, qui pousse bien et qui permet de passer la voltige dans toutes les dimensions. Je suis heureux d’avoir pu faire partie de son histoire… ».
Pour les instructeurs, l’Alphajet était une merveille : un appareil redoutablement manœuvrier, avec un domaine de vol en subsonique peu ou prou égal à celui du Mirage 2000. C’était un vrai dogfighter qui pardonnait également beaucoup. Bien entendu, l’avion pêchait ces dernières années par une avionique limitée. Il était également de plus en plus coûteux à entretenir, avec ses deux réacteurs et le vieillissement de ses équipements. « Nous avons besoin d’un appareil plus adapté au combat aérien d’aujourd’hui, axé sur la travail radar et le bénéfice d’un système d’arme évolué, et de moins cher à mettre en oeuvre » résume le commandant de l’escadron Côte d’Or.
Ce quelque chose, c’est le Pilatus PC-21. Avec l’avion suisse, qualités et défauts s’inversent par rapport à l’Alphajet. Pour un avion à hélice, le Pilatus s’en tire plutôt bien dans les évolutions en deux dimensions. Les performances dans le plan vertical sont bien entendu moins ébouriffantes que sur Alphajet.
En revanche, le système embarqué de ce dernier ne permettait que de gérer le plan de vol (position, carburant, panne…) alors que le PC-21 va beaucoup plus loin en permettant de simuler l’emploi d’un radar ou de conduites de tir de chasseur modernes. Il permet également une intégration dans les réseaux sans lesquels le combat ne se conçoit plus… Et bien entendu il est moins cher à l’heure de vol.
Le macaronnage de jeudi dernier constitue une étape importante pour les jeunes pilotes, mais également pour l’escadron Côte d’Or et pour l’Alphajet lui-même. Le 3/8 Côte d’Or avait progressivement repris la mission de formation ces dernières années en succédant à l’EC 1/8 Saintonge et l’EC 2/8 Nice mis en sommeil respectivement en 2020 et 2022. Le 3/8, qui avait auparavant pour mission principale le Red Air (mission de plastron aérien) a donc viré sa cuti et réorienté son activité autour de l’enseignement, avec un renfort d’instructeurs. « En 2022 nous avons connu une grosse baisse de régime sur la mission Red Air explique son commandant. Nous avons juste gardé nos missions exclusives, le tractage de cibles à Solenzara, la formation des JTAC et la présence dans les exercices majeurs. La charge du travail Red Air a été répartie dans les escadrons de chasse ». Cette période est en train de se clore et l’escadron pourra revenir pleinement au Red Air à la fin cet été.
Quant à l’avion, il est lui-même l’objet de nombreuse interrogations et son remplacement s’annonce compliqué. Une quarantaine d’Alphabet seraient encore disponibles à ce jour, avec grosso modo une dizaine d’années de potentiel devant eux. Leur remplacement devra donc intervenir entre 2030 et 2035.
La Patrouille de France est aujourd’hui l’utilisateur principal, autour duquel tournent la gestion des potentiels et le travail de l’escadron de soutien technique (ESTA) également installé à Cazaux. Accessoirement, deux avions sont encore utilisés par le CEAM à Mont-de-Marsan ou sa facilité d’emploi, ses performances et sa réputation méritée de « couteau suisse » rend encore de très grands services. N’oublions pas non plus les six avions encore utilisés par DGA Essais en vol pour les missions au profit des programmes d’armement et de la formation des équipages d’essai. Pour tous ces utilisateurs, aucune réponse définitive n’a encore été apportée à ce jour à la question de son remplacement.
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A Dominique BRESSON, CE MOT SYLLABUS se trouve également et abusivement dans des textes règlementaires concernant les meetings, ! Terme inapproprié et consternant, de la part de rédacteurs officiels qui devraient préserver la langue française, surtout que celui ci est de plus hors sujet dans les textes concernés...Mais on fait n'importe quoi maintenant.
Concernant les alphajet, il est dommage que leur avionique n'ait pas été modernisée, et leur motorisation également, car ses qualités de vol sont excellentes .
Compte tenu de sa signification exacte 'support de cour) et de son origine (vocabulaire belge), je m'interroge sur la présence du mot "syllabus"...
Je pense que le mot tout simple "programme" aurait été plus approprié... Non ???
On rencontre, hélas, de plus en plus de mot utilisé dans un sens qui n'a rien à voir avec leur sens réel, du genre SOPHOMORE ou MOMENTUM, qui, par exemple, ont un sens très précis ...et très limité !!!