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Défense

Les Gazelle et les Puma de Djibouti attendent la relève

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Frédéric Lert

Malgré la forte présence militaire américaine, la France est aujourd’hui le principal utilisateur d’hélicoptères militaires à Djibouti, en attendant l’éveil de la Chine sur ce sujet là ! L’Armée de l’air et de l’espace et l’Armée de terre, également amenées à rendre service à leurs alliés et aux populations civiles, ont chacune leur détachement : un héritage de l’histoire…

Djibouti n’est pas très grand, mais son environnement désertique fait qu’il est tout de même possible de s’y perdre pendant quelques heures, particulièrement la nuit. La mésaventure est arrivée il y a quelques semaines à deux soldats américains en exercice dans le désert. Les Américains ont appelé les Français qui ont engagé un Puma SAR et les deux hommes ont été retrouvés rapidement.

L’anecdote illustre non seulement la bonne coopération franco-américaine mais aussi un paradoxe : les Américains de l’autre côté de la piste ne disposent pas d’hélicoptères ! Ils travaillent avec leurs V-22 et quand les convertibles ne sont pas adaptés à la tâche, notamment pour les missions de secours, ou quand il s’agit d’entrainer leurs propres sauveteurs, ils font appel aux Français. Echange de bons procédés, puisqu’on a vu précédemment que les Mirage se ravitaillent couramment sur les KC-130J des Marines…

Sur la base aérienne 188 française, deux flottes d’hélicoptères cohabitent : celle de l’Armée de l’air et de l’espace (AAE) et celle de l’ALAT. L’une et l’autre disposent de Puma usés jusqu’à la corde mais qui font encore bonne figure, le mérite en revenant à un entretien méticuleux.

Les Puma sont systématiquement rincés après chaque survol maritime, ce qui ne les empêche pas de souffrir de la corrosion due à l’air salin et aux rudes conditions du territoire.

Départ pour une mission d’entrainement pour ce Puma du Detalat dont les bandes blanches sur la poutre de queue sont un clin d’oeil aux opérations de la première guerre du Golfe, en 1991. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Nos successeurs nous diront si les appareils modernes qui les remplaceront un jour, Caracal et/ou NH90 Caïman, tiendront aussi bien la recette djiboutienne de la tarte à l’hélicoptère : pâte sablée et croute de sel, cuisson au four à chaleur tournante pendant cinquante ans. Servir tiède. On en reparlera plus tard.

Les visites des 600 heures sont réalisées dans l’enceinte du Detalat par des contractuels de la société portugaise OGMA. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Pour l’instant, « on tient la flotte à bout de bras » résume un pilote de l’Escadron de Transport 88 Larzac, ajoutant toutefois que « l’industriel (Airbus Helicopters) fait un gros travail pour tenir les calendriers de visites, avec une disponibilité qui s’est sensiblement améliorée ces derniers mois ».

Avec ses trois Puma, le Larzac fait des miracles et tient une astreinte 24h/24, 365 jours par an.

De jour comme de nuit, le Puma d’alerte doit décoller en moins d’une heure avec un équipage au complet : deux pilotes, deux mécaniciens navigants (un dans le cockpit, l’autre en soute), deux plongeurs, un médecin et un infirmier. Un week-end sur deux, le détachement de l’ALAT (DETALAT) prend le relai pour les évacuations sanitaires, mais un appareil du Larzac reste tout de même disponible en deuxième rideau. En cas d’indisponibilité totale des moyens d’évacuation par hélicoptère, tous les exercices militaires des Forces Françaises stationnées à Djibouti (FFDJ) sont interrompus.

Entrainement au treuillage sur le Chaland de Transport de Matériel (CTM) de la marine nationale, un des deux navires de ce type encore présent à Djibouti. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

L’Escadron de Transport ET88 Larzac utilise un Casa 235 et trois Puma, pour lesquels six plongeurs sauveteurs sont disponibles. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Le rythme est intense et pourtant l’ET88 est une petite boutique : 6 pilotes, 5 mécaniciens navigants et six plongeurs pour la partie « navigants ». Au sol, la maintenance est réalisée par huit mécaniciens «vecteur » et quatre spécialistes avionique. A noter que l’escadron de transport intègre également un unique Casa 235 servi par cinq pilotes et trois mécaniciens navigants. Lors du passage d’Aerobuzz, l’avion était parti en mission en Côte d’Ivoire.

Déjà utilisé en France pendant les dernières inondations, la nacelle de sauvetage spécialement adaptées aux enfants en bas âge. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

« Notre richesse cest la SAMAR de nuit soulignent les équipages du Larzac. Tout l’équipage est alors équipé de JVN et le Puma nous offre un rayon d’action d’environ 150 nautiques, avec 30 minutes d’endurance sur zone. Nous nous entrainons souvent au treuillage en mer, de jour comme de nuit, et nous travaillons également beaucoup au-dessus de la terre ferme, en appuie des FFDJ. Quand les chasseurs sont en vol, nous nous tenons prêts à intervenir immédiatement en cas d’éjection ».

Les Puma du Larzac ont connu les missions de sauvetage au combat dans une vie antérieure et ils en gardent quelques souvenirs avec la présence des réservoirs supplémentaires sur les trains d’atterrissage, et les excroissances diverses ayant abrité des équipements d’auto-protection, aujourd’hui démontés. Le surpoids par rapport à un Puma standard de l’ALAT est d’environ 200kg, ce qui n’est pas anodin.

L’ALAT justement célèbrera cette année les 50 ans de présence à Djibouti de son DETALAT. Le détachement est installé à l’extrémité Est de la base aérienne avec ses locaux, ses hangars en toile et son propre parking. Si le travail de l’ET88 est majoritairement engagé dans les missions de sauvetage, le Détalat est quant à lui tourné vers l’aérotransport et l’assaut héliporté. L’activité se fait au profit du 5ème RIAOM (Régiment Interarmes d’Outre-Mer) dont il dépend, mais aussi des commandos marine et des quelques forces spéciales présentes dans le pays.

En attendant l’entrée en service du H160 Guépard, les Gazelle continuent de rendre de très grands services, et à moindre coût ! © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Particularité de cette Gazelle Viviane, outre le treillis de son tireur chef de bord, l’absence du viseur qui a été démonté. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

L’unité dispose de quatre Puma et trois Gazelle (deux Viviane et une « lisse ») servis par une soixantaine de personnes. La majorité des militaires présents viennent de France pour des missions de courte durée dans le cadre de « modules tournants ». « Le souci est que le Puma est en fin de vie en métropole note toutefois un pilote. Il n’est plus en service que dans un seul régiment d’hélicoptères de combat (le 3ème RHC d’Etain) et le vivier de compétence dans lequel nous pouvons puiser se réduit, même si nous pouvons également compter sur des renforts en provenance du Gamstat, du GIH (Groupe Interarmées d’Hélicoptères) ou de l’EAALAT du Luc ». La situation est plus simple pour les Gazelle dont on retrouve encore de nombreux exemplaires dans les différentes unités.

Pour les uns et les autres, Djibouti est un excellent terrain d’apprentissage. Le Puma n’étant plus utilisé dans les Opex, Djibouti représente une dernière et excellente opportunité pour enchainer les entrainements dans des environnements aussi divers que le désert, la montagne et la mer, de jour comme de nuit. Les champs de tir permettent le tir à la mitrailleuse MAG58 (Puma), au canon de 20mm monté en sabord (un seul Puma du Detalat peut le recevoir) et, pour les Gazelle, au missile HOT (deux des trois Gazelle sont des Viviane) et au fusil de précision en utilisant un bras d’emport « strike ».

« On profite de chaque bateau français qui passe dans la région pour nous entraîner aux appontages, au moins de jour » poursuit notre interlocuteur. « Mais le maintien en carte pour les appontages de nuit est plus compliqué… Les Mirage de l’escadron de chasse s’entrainent également avec nous pour la lutte contre les cibles lentes ».

On trouve au sein du Detalat des motards qui sont également des artistes…© Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Au gré des détachements, quelques pilotes du 4ème Régiment d’Hélicoptères des Forces Spéciales se retrouvent parfois au sein du DETALAT. La richesse de leur expérience permet alors d’insuffler un souffle nouveau dans les savoir-faire. « On a relancé l’usage des raids autonomes, avec l’utilisation de Puma Kangourou » glisse un pilote. Il s’agit alors de partir avec deux ou trois Gazelle en configuration offensive, avec missiles HOT et tireur de précision, et autant de Puma pour assurer le sauvetage au combat (ou « Imex » pour « immediate extraction »), et l’avitaillement en carburant (avec deux ou trois réservoirs de 450 litres en soute et des motopompes). L’autonomie peut également se concevoir avec le largage ou le prépositionnement de bacs souples de carburant, ou bien en utilisant le Casa 235 de l’AAE comme réservoir ambulant : pour peu que l’avion trouve une surface plane pour se poser, il est ensuite capable de « défueler » (c’est à dire redonner du carburant) jusqu’à 2.000 litres environ au profit des hélicoptères.

Sur la base française de Djibouti, on évoque à présent un remplacement des Puma du Detalat par des NH90 à l’horizon 2025. Comme souvent avec l’arrivée du NH90 Caïman, c’est la mise en place d’une nouvelle infrastructure pour héberger les appareils qui donnera le tempo de cette arrivée. Et qui dit nouvelle infrastructure dit nouvel engagement fort de Paris sur le territoire, pour peu que les accords de défense soient renouvelés en 2024, comme prévu.

En l’état actuel des choses, le récit de la France à Djibouti n’est semble-t-il pas prêt de s’arrêter.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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