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Défense

Les Mirage 2000-5 au combat en Ukraine

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Frédéric Lert

Le président ukrainien Zelensky a annoncé hier le premier emploi au combat des Mirage 2000-5F donnés par la France. Les avions ont été engagés face aux drones de bombardement russes.

Livrés au début février, officiellement engagés au combat un mois plus tard, jour pour jour. Comme pour les F-16 arrivés six mois plus tôt, les Mirage n’auront pas attendu très longtemps leur baptême du feu dans le ciel ukrainien.

« Ciel ukrainien » parce qu’il n’est pas encore question d’utiliser ces avions de manière offensive contre la Russie. On en est donc resté hier soir à une posture purement défensive face à plusieurs vagues de drones et missiles russes. Selon l’Ukraine, près de 70 missiles de croisière et balistiques ainsi que près de 200 drones ont été tirés depuis le territoire russe contre les infrastructures énergétiques dans les régions d’Odessa, Poltava, Tchernihiv et Ternopil. Le président ukrainien a par ailleurs précisé que les Mirage avaient intercepté avec succès des missiles de croisière russes.

L’interception, c’est le métier premier du Mirage 2000-5, même si l’avion a reçu pour l’Ukraine une bonne capacité air-sol avec la possibilité d’emporter et tirer des missiles de croisière SCALP-EG, des munitions AASM et peut-être aussi des bombes à guidage laser GBU-12. Mais c’est un autre sujet dont nous aurons sans doute l’occasion de reparler.

Le radar RDY offrait un excellent niveau de performance au moment de son entrée en service… il y a plus d’un quart de siècle. Aujourd’hui on fait certes mieux, mais bien utilisé, il peut encore faire des dégâts chez l’adversaire. © Frédéric Lert/Aerobuzz

Si on revient à la nuit d’hier, on peut déjà constater qu’aucun avion n’a été annoncé perdu. Ni du fait de la chasse russe (les Mirage opéraient sans doute très loin de la ligne de contact), ni du fait de la défense anti-aérienne locale. Le 26 août dernier, un F-16 avait été détruit et son pilote tué à la suite d’un tir fratricide de la défense anti-aérienne ukrainienne. Face à des vagues de missiles et de drones qui manœuvrent beaucoup dans le ciel ukrainien pour exploiter les « trous dans la raquette » de la défense anti-aérienne, les avions de chasse présentent l’avantage de pouvoir se porter rapidement sur les points sensibles et mal défendus. Devant l’impossibilité actuelle des Ukrainiens à assurer une étanchéité totale de leur espace aérien depuis le sol, l’avion de combat est donc le moyen complémentaire et indispensable pour augmenter le niveau de protection.

On ne sait pas encore combien de Mirage ont été engagés ni comment ils sont intervenus précisément. Quelques certitudes toutefois : la défense aérienne de nuit pour aller chercher des drones ou des missiles de croisière évoluant en basse altitude ne peut se faire qu’au missile et au radar, en gardant pour l’avion un minimum d’eau sous la quille pour ne pas risquer de percuter le sol. Le radar RDY du Mirage 2000-5 joue un rôle essentiel dans ce scénario, puisque sa capacité « look down shoot down » permet aux avions de rester à une altitude de sécurité, d’où la portée radar est meilleure, tout en conservant la capacité de repérer les cibles filant à très basse hauteur.

Deuxième point, le Mirage est en théorie équipé de missiles MICA, jusqu’à six pouvant être installés sous le fuselage et la voilure. Mais le missile MICA est cher et même si l’Ukraine a sans doute reçu des exemplaires sortis des stocks français qui arrivaient en fin de potentiel, les tirer contre des drones bon marché ou même des leurres n’est pas la meilleure idée. L’Ukraine souhaite sans doute les réserver à des cibles plus juteuses, ravitailleurs, bombardiers stratégiques, avions de commandement ou même chasseurs russes. Les Ukrainiens, qui ne manquent pas d’imagination, sauront sans doute monter des embuscades quand leurs pilotes auront acquis assez d’expérience.

Entré en service à la fin des années 1990, le Mirage 2000-5 a permis à la France d’entrer dans le club « fox 3 », c’est à dire utilisant des missiles à autodirecteur actif, en l’occurence les MICA. Des missiles qui avaient d’ailleurs été conçus pour équiper le Rafale, mais qui avaient migré sur le Mirage en raison des retards du programme Rafale… © Frédéric Lert/Aerobuzz

Inversement, les Russes connaissent encore très mal les MICA et son niveau de performance. La version à guidage terminal infrarouge, qui est donc entièrement passif et indétectable par les contre-mesures électroniques ennemies, avait causé quelques remous au sein des forces aériennes amies lors des premiers exercices OTAN auxquels avaient participé les Mirage 2000-5 sous les couleurs françaises. Un effet de surprise qui pourrait donc rester intact face à la Russie, un quart de siècle plus tard !

Cherchant à économiser les MICA, il est donc probable que les Ukrainiens utilisent également des missiles Magic 2 à guidage infrarouge . Ceux-ci, parfaitement compatibles avec les Mirage 2000-5, ont été retirés du service dans l’armée de l’Air française d’abord avec le retrait de service du Mirage 2000C en juin 2022 et dans un deuxième temps avec la rénovation des Mirage 2000D qui suit son cours.

Ce retrait de service est donc récent et il serait on ne peut plus logique que plusieurs dizaines ou centaines de missiles soient stockés au frais dans les dépôts français. Et donc susceptibles d’être donnés aux Ukrainiens avant que leurs propulseurs n’arrivent en butée de potentiel. Incidemment, un missile tiré est un missile de moins à démanteler en fin de vie… Une autre hypothèse pouvant être envisagée est la greffe sur les Mirage du missile AIM-9 Sidewinder américain, dont il existe des stocks très généreux à travers le monde.

Les Mirage sont également équipés de deux canon de 30mm mais leur utilisation est hors de propos dans cet exercice de chasse au drone, particulièrement de nuit. L’utilisation des canons obligerait l’avion tireur à se rapprocher ce qui le rendrait vulnérable à l’explosion de la cible. Au moins un MiG29 et son pilote ont été perdus par l’Ukraine dans cet exercice périlleux.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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