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Défense

L’Inde se contentera-t-elle de 36 Rafale ?

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Frédéric Lert

La livraison du premier Rafale à l’Inde le 8 octobre 2019 a été l’aboutissement d’un très long processus entamé il y a plus de dix ans avec le programme MMRCA. Cette réussite préfigure surtout le début d’un nouveau chapitre d’une coopération franco-indienne qui a toujours été très riche et qui pourrait se montrer fructueuse.

Soixante-six ans après la vente des premiers Ouragan, la vente de 36 Rafale à l’Inde a été bien plus que le simple choix d’un avion de combat moderne. Elle traduisait également la volonté pour la France et l’Inde d’entretenir et d’approfondir un véritable partenariat stratégique. Le contrat Rafale fut pourtant tout sauf simple. Les hindous croient en la réincarnation et la notion du temps qui passe n’est sans doute pas la même que dans les sociétés occidentales…

Un contrat export tant annoncé

L’annonce du choix du Rafale fut faite finalement en avril 2015 lors de la visite officielle du premier ministre Narendra Modi à Paris. Après 18 mois de négociations entre les deux gouvernements, la signature du contrat intervint le 23 septembre 2016. Le premier Rafale construit pour l’Inde, porteur du numéro 008 et utilisé pour les vols de développement, effectua son premier vol en 2018.

Eric Trapier, PDG de Dassault Aviation, Rajnath Singh ministre indien de la défense et Florence Parly ministre des armées, devant le 001 aux couleurs indiennes le 8 octobre 2019. L’aboutissement d’un très long processus entamé il y a plus de dix ans ! © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

La délégation indienne a parcouru le hall d’assemblage au pas de charge. N’étaient visibles que des appareils destinés à l’Inde… © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Lors de la cérémonie du 8 octobre 2019, trois avions terminés étaient visibles : les 001, 002 et 003. Deux autres appareils en chaine, les 004 et 005, étaient pratiquement achevés. Les plans actuels prévoient la fin des livraisons des 36 appareils commandés en 2022.

Un appel d’offres indien pour 110 avions de combat

Mais d’ici là de nouveaux développements ne sont pas à exclure sur le plan commercial, l’avion de combat de Dassault Aviation étant de nouveau en piste pour des contrats complémentaires. La force aérienne indienne a envoyé des demandes d’informations aux avionneurs, dont bien évidemment Dassault, pour la fourniture de 110 appareils supplémentaires. Le Rafale est en concurrence avec le F-16V (alias F-21) de Lockheed Martin, le F/A-18E/F Super Hornet de Boeing, le Gripen E/F de Saab et l’Eurofighter Typhoon. La Marine est également à la recherche de 57 avions embarqués.

Rajnath Singh, le ministre indien de la défense sur la chaine d’assemblage final Rafale à Mérignac. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Avec 36 avions commandés et de très forts investissements en Inde, l’équipe de France Rafale a les bonnes cartes en main pour les compétitions à venir en Inde. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Vu depuis Paris et Mérignac, un scénario à la française, avec une Armée de l’air et une Marine disposant du même avion, semblerait non seulement logique, mais aussi idéal… La politique indienne du « make in India », un slogan qui traduit l’exigence de fabriquer en Inde, sera centrale dans l’attribution des futurs contrats. Ce qui permet à Dassault Aviation d’être raisonnablement optimiste.

Les atouts de l’offre française

Il serait bien entendu logique que l’Inde poursuive dans la constitution d’une force cohérente centrée autour du Rafale. Et puis l’avionneur français a investi plusieurs dizaines de millions d’Euros en Inde pour se conformer aux exigences indiennes des compensations industrielles.

A noter sur le 003, en arrière-plan, la cocarde appliquée sur le nez de l’avion. Le nouveau plan de peinture des avions indiens prévoit l’installation de la cocarde sur le dessus du fuselage et le 003 devrait être modifié à terme. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Une co-entreprise a été constituée avec le groupe Reliance Aerospace et une usine de production installée à Nagpur. Dassault s’est également engagé dans le soutien de la politique éducative et scientifique du gouvernement indien avec l’implantation d’un centre d’ingénierie à Pune, la constitution de la « Dassault Skill Academy », ou encore la mise en place d’un programme de formation professionnelle au métier d’ajusteur structures et équipements aéronautiques.

Dans le sillage de Dassault Aviation, Thales, Safran et une vingtaine d’autres entreprises de tailles diverses se sont également implantées dans le pays.  « D’autres sociétés ont choisi le Maroc, la Tunisie ou le Mexique pour développer leur outil industriel à l’étranger. Nous avons fait le choix stratégique de l’Inde » expliquait-on à Mérignac, le jour de la livraison du premier Rafale à l’Inde. « Le cas échant, et si l’équation économique le justifie, nous pourrons monter une usine d’assemblage du Rafale sur place ».

Montée en puissance de la coopération industrielle franco-indienne

Pour l’heure, l’usine de la coentreprise Dassault-Reliance à Nagpur produit des pièces de structure de Falcon 2000. Ces fabrications vont monter en puissance et il sera possible de voir l’assemblage complet des Falcon à l’horizon 2021. Dassault pourrait garder une double chaine pour ce modèle de Falcon. Si les Falcon 2000 venaient à être assemblés seulement en Inde, il est toutefois certain que les équipements de mission des versions militaires, en particulier des Falcon 2000 XLS « Albatros » destinés au remplacement des Falcon 200 Gardian et Falcon 50 Surmar de la Marine nationale, continueraient à être intégrés à Mérignac.

L’aventure indienne est révélatrice d’un fonctionnement qui a toujours réussi à Dassault depuis un demi-siècle, avec des activités civiles et militaires parfaitement complémentaires. Une fois n’est pas coutume, c’est aujourd’hui le Rafale qui sert de locomotive à Dassault Aviation, alors que le marché des avions d’affaires est déprimé.

Le Rafale tire Dassault Aviation

Dassault prévoit en effet de livrer 26 Rafale en 2019, contre onze seulement les années précédentes. L’Egypte a déjà réceptionné la totalité de ses 24 appareils commandés. Au 31 août, 15 avions avaient été livrés au Qatar et deux autres sont actuellement en chaine. L’émirat a commandé un total de 36 appareils.

Rappelons enfin que Dassault a livré un total de 152 Rafale « Air » et « Marine » sur les 180 commandés par la France. La livraison des 28 derniers appareils destinés à l’armée de l’Air reprendra en 2022. Et en 2023, le gouvernement français devrait commander une dernière tranche de 30 appareils, pour atteindre à terme une cible de 210 avions.

Frédéric Lert

 

 

 

 

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • La guerre c'est la paix!
    L'ignorance c'est la force!
    Toute cette technologie au service de la mort d'humain...
    L'homme est un loup pour l'homme et la domination mondiale est un projet de quelques milliardaires ...
    C'est comme le foot, ce sont des smicares qui applaudisses des multi-millionnaires qui courrent après un ballon...les jeux de Rômes ...
    Mais pas touche au foot, c'est important de divertire la populasse, ca évite bien toute rebelion.
    Ben les avions de chasse c'est pareil, ca sert a rien, ca coute cher, ca rapporte rien, mais les industriels qui les fabriquent se gave a max...donc touche pas a mon avion de chasse....
    Ou comment détourner de l'argent publique vers des capitaux privés

    • des industriels qui se gavent à max... mmm... pas tant que cela, la marge sur la fabrication des avions n'est pas si élevée que cela. D'ailleurs, un avion de chasse, ce sont aussi des emplois, et dans le cas présent des emplois français dans une entreprise qui prend soin de ses employés (ce qui est de plus en plus rare).

      Pour vous, un avion de chasse, ça ne sert à rien. Pour moi, à l'instar de la bombe nucléaire, cela sert à maintenir un équilibre. En fait, c'est comme si vous disiez que la serrure de la porte de votre maison ne servait à rien. Essayez de ne pas verrouiller votre porte pendant plusieurs mois, et vous verrez le résultat.
      L'armement, c'est la serrure d'un pays, et ceux qui n'en ont pas, sont obligés de faire appel à des pays tiers (ex Estonie).

      • Ceux qui veulent vraiment rentrer chez vous, ce n'est pas une serrure qui les arrêtera. Nombre de gens pourront en témoigner, à leur dépend...
        Pour ce qui est de l'arme nucléaire, l'équilibre tient à peu près, parce que peu de pays la possèdent.
        Mais je ne connais aucune chose qui ait été inventée et dont on ne se soit pas servi, et resservi. Donc, elle resservira un jour. C'est fatal. Si un pays qui la possède est en conflit, et sur le point de le perdre, perdu pour perdu, il s'en servira. Et les autres après. Le gagnant sera celui qui vit une demi heure de plus que le perdant.

    • "ça sert à rien" : faux, d'abord ça dissuade, et si ça ne dissuade pas assez, ça empêche l'ennemi de venir se servir chez vous comme il en aurait envie: La bataille d’Angleterre en est un bel exemple, les chasseurs Anglais de l'époque ont changé le cours de la seconde guerre mondiale pour ne prendre que cet exemple...
      "ça rapporte rien" : au contraire, ça rapporte énormément, ça apporte dèjà beaucoup de progrès technologique que l'on retrouve ensuite dans de multiples applications civiles. Les produire ça rapporte de la compétence, du savoir faire, et de l'indépendance stratégique. Ensuite, il ne faut pas être naïf, si l'inde n'avait pas trouvé ses chasseurs en France elle les aurait achetés ailleurs, USA, Russie, Chine, Italie, Suède les fournisseurs ne manque pas et se bousculent au portillon. Personnellement, je préfère qu'ils soient fabriqués en France et les dizaines de milliers de personnes qui chez Dassault ou chez les sous-traitants en vivent sont probablement du même avis. Argent public ? ça en rapporte aussi à l'Etat et énormément, de l'impôt sur les bénéfices de l'industriel et des sous-traitants, à l'impôt sur le revenu de l'ouvrier qui travaille sur la chaine, l'Etat prend sa légitime part à tous les étages: pourquoi croyez vous que les politiques de chaque pays s'investissent à ce point quant un gros contrat est en jeu ?

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