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Défense

Mission Pégase 2024 (2/5) – L’heure de l’A400M

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Frédéric Lert

On l’a déjà écrit sur Aerobuzz.fr, mais on ne va pas se priver de le redire aujourd’hui : l’A400M donne des ailes à l’Armée de l’air et de l’espace (AAE) qui a fait du Pacifique son terrain de jeu. Illustration avec la participation des quadrimoteurs à l’exercice Arctic Defender, un des piliers de la mission Pégase 2024.

Et un, et deux, et trois A400M français sur le parking d’Elmendorf Air Force Base, à proximité d’Anchorage. Au sein de la mission Pégase, trois avions sont donc venus d’Orléans pour appuyer le détachement de Rafale mais aussi participer à l’exercice Arctic Defender. C’est tout l’intérêt de l’avion :  il prend sa part du fardeau logistique et une fois arrivé à destination, une fois la soute vidée, il devient un « joueur » dans les exercices tactiques.

Les trois A400M de la 61ème escadre de transport d’Orléans sont partis de France le 27 juin 2024. Deux des avions ont fait escale à Goose Bay au Canada tandis que le troisième faisait un léger écart pour aller rendre visite à la communauté française de St Pierre et Miquelon. Tous se sont ensuite retrouvés à Elmendorf le 1er juillet.

Avant de rentrer en France là la mi-août, ces trois avions seront passés par Singapour, l’Inde et le Qatar. D’autres A400M partis de France par la route Est et feront escale quant à eux en Indonésie, aux Philippines ou encore en Malaisie, mais c’est une autre histoire…

La Nouvelle Calédonie et la Réunion seront également visitées au titre de l’appui à l’Outre-Mer. Les deux escadrons de l’escadre d’Orléans, le Béarn et le Touraine, se partagent la mission, et conjuguent leurs moyens pour fournir équipages et mécaniciens. On trouve également dans les avions un commandant de bord et un loadmaster (chef de soute) en provenance du CIET, le Centre d’Instruction des Equipages de Transport.

« Pour trois avions, nous sommes partis avec simplement trois équipages » souligne le commandant Christophe, commandant en second de l’Escadron Béarn. « Mais chaque équipage est renforcé et composé de trois pilotes : un commandant de bord instructeur, un jeune en formation copilote avec seulement quelques heures d’expérience sur l’A400M et un copilote confirmé en formation pour passer sa qualification  commandant de bord. Une mission comme Pégase est essentielle pour acquérir de l’expérience dans des environnements particuliers, appréhender les spécificités des vols océaniques, les opérations depuis les aéroports internationaux etc. Le but est d’avoir assez appris pour être prêt, une fois rentré en France, à passer le test « Pilote opérationnel » dans le cas du jeune copilote, ou la qualification commandant de bord pour le copilote ».

A noter que chaque équipage rassemble des navigants d’origines différentes : on va par exemple retrouver dans un même équipage un commandant de bord en provenance du Touraine, un copilote provenant du Béarn et un loadmaster du CIET.

Les trois A400M ont transporté une trentaine de tonnes de fret sur le vol transatlantique. Le premier emportait une douzaine de tonnes, les deux autres respectivement 10 et 8 tonnes. Comme souvent, le facteur limitant était moins la masse des équipements emportés que leur encombrement. Un réacteur M88 et son chariot de transport accompagnés de 5 palettes de fret occupaient par exemple un premier avion.

Un deuxième chariot, divers autres équipements pour les Rafale et un lot de déploiement pour les A400M (un seul lot pour trois avions) étaient également emportés. Un des trois appareils était en outre en configuration ravitailleur : l’emport des nacelles de ravitaillement en vol sous la voilure se traduit par une diminution d’environ 1,5 tonnes de la charge utile en soute.

La ressemblance entre l’A400M et le C-17 en arrière plan est forte. Le choix de l’hélice sur l’A400M a été dicté avant tout pour offrir à l’avion des capacités tactiques étendues. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

« Un des objectifs d’une mission comme Pégase est de montrer que l’on peut être facilement autonome avec le triptyque Rafale, Phénix et A400M » souligne quant à lui le général Guillaume Thomas qui dirige la mission. « On cherche à avoir l’empreinte logistique et humaine la plus légère possible en étant totalement autonome : on transporte les équipements nécessaires à la projection de puissance et une fois arrivé à destination, on est capable d’engager très rapidement les avions sur des missions d’entraînement, de coopération voire si nécessaire des missions opérationnelles. Voyager léger implique une certaine prise de risques pour ce qui concerne la disponibilité des avions, mais elle permet inversement de changer de posture rapidement : le cas échéant, nous serions capables de rentrer très rapidement en France sans avoir à solliciter des moyens extérieurs ».  

Pendant Arctic Defender, les trois A400M ont été engagés sur une grande variété de missions : parachutage de commandos américains par la rampe (en ouverture commandée), largages de colis par les portes para et par la rampe et donc ravitaillement en vol. « Nous n’avons pas largué de palettes note un chef de soute. Il aurait fallu pour cela que nous emportions nos propres palettes et parachutes, ce qui aurait encore complexifié la manoeuvre logistique. Par contre, l’avion qui fera un crochet par la Réunion sur le chemin retour pourra le faire en utilisant le matériel qui est prépositionné là-bas ».

Les équipages retiennent aussi d’Arctic Defender la richesse des scénarios et l’exceptionnel cadre d’entrainement offert par l’Alaska. Les COMAO (Composite Air Opérations) multinationales comprenaient une cinquantaine d’appareils avec en leur sein des avions de transport tactique pour les missions d’infiltration, de poser d’assaut et de parachutage. Les zones de travail étaient non seulement immenses mais également très généreuses pour les conditions de vol, avec une hauteur minimale d’évolution de 100 pieds/sol en général.

Côté français les règlements permettent aux A400M de descendre à 330 pieds en entrainement, voire 150 pieds sous dérogation.  Autant dire très peu de chose pour un avion de 120 tonnes évoluant à 270 noeuds. Un polygone regroupant divers systèmes sol-air permettait en outre de simuler les menaces sol-air et d’ajouter un volet de guerre électronique…

L’exercice Arctic Defender est l’occasion de faire travailler ensemble des A400M français et allemands. Des opérations d’entretien sur les avions sont également conduites en commun. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

La participation aux missions a été l’occasion d’un partage de responsabilités avec les allemands : un A400M a assumé la fonction de package leader sur deux missions, avec sous ses ordres deux appareils allemands. Inversement, un avion de la Luftwaffe a « leadé » un avion français sur une troisième mission. « Les savoir-faire, procédures et réglementations sont standardisés entre les deux armées” souligne le commandant Christophe, qui rappelle également que certaines formations de base des équipages se font en Allemagne. Inversement, la formation tactique de la plupart des pilotes allemands se fait en France.

Moment fort du déploiement à Elmendorf pour les A400M, deux missions ont été organisées en direction du terrain Eagle posé à proximité immédiate du fleuve Yukon et de la frontière avec le Canada. Un terrain sommaire avec une piste d’un peu plus de 1000 m de long par 28 m de large, avec un revêtement en gravier.

Sur la base d’Elmendorf, le relief rugueux de l’Alaska disparait partiellement dans les nuages. L’état américain, immense et très peu peuplé, offre un remarquable terrain d’entraînement aux avions de transport. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

« Un spécialiste du Génie de l’air s’est rendu sur place en avance de phase pour évaluer la résistance du sol et nous permettre de faire une étude de risque et préparer un dossier technique » explique le commandant Christophe. “Les Américains nous avaient fourni leur propre  dossier mais leur méthode d’évaluation ne permettait pas de répondre à toutes les questions que nous nous posions. Nous avons donc rédigé notre propre évaluation qui a été envoyée à la Brigade aérienne d’assaut et de projection (BAAP). Dans les faits, la Brigade disposait déjà d’une étude obtenue en préalable à notre engagement dans Arctic Defender, mais elle a vérifié que notre dossier technique étant bien monté. Au niveau de l’escadre, des interprétateurs photo ont également utilisé des photos satellites pour identifier les obstacles. En retour de vol, nous avons également mis à contribution Airbus Defense & Space, en expliquant ce que l’on avait fait sur place et en demandant un avis technique sur l’avion. Il s’agissait simplement pour nous de familiariser l’industriel à ce genre de situation dans le but de préparer nos futurs engagements opérationnels ».

Au cours des longs survols maritimes, un A400M est utilisé pour assurer la sécurité et se tient prêt à larguer une chaine de secours maritime à un équipage de Rafale qui devrait s’éjecter. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Pour les équipages, le poser sur le terrain d’Eagle s’inscrivait dans le cadre non pas d’une COMAO mais plutôt à un besoin d’entrainement organique propre aux escadrons. Deux atterrissages et deux décollages ont été réalisés par deux équipages distincts, le 9 et le 15 juillet. En raison de la longueur de piste et de la qualité du terrain, les avions étaient limités à 108 tonnes et les atterrissages se sont fait effectivement à la masse de 106 tonnes. L’occasion d’acquérir une expérience originale et, pour l’excellente équipe photo-video du Sirpa Air, d’engranger quelques images spectaculaires…

Mardi 10 septembre 2024, à midi.

Retour en direct sur la mission Pégase 2024.

Le général Guillaume Thomas qui dirige la mission Pégase 2024 est l’invité de Frédéric Lert, sur le plateau de JumpSeat. Ensemble et en direct, ils reviendront sur cet exercice XXL. Vous pourrez leur poser vos questions ! Dès à présent, activez la notification pour être prévenu du démarrage du direct.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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