La mission Pégase 2024 de l’Armée de l’air et de l’espace se déroule du 27 juin au 15 août en direction du Pacifique. Cette cinquième édition d’une mission chaque année plus complexe et ambitieuse a pris une dimension multinationale marquée, avec l’association de divers pays européens, la diversification des routes empruntées et des pays visités. Aerobuzz.fr qui était du voyage va vous faire vivre cette mission d’anthologie, avec ici un premier épisode qui va vous conduire de la Provence à l’Alaska …
« COTAM 1016, autorisé décollage piste 33, vent du 010 pour 20 noeuds…«
« La tour de COTAM 1016, autorisé décollage piste 33…«
Un dernier coup d’oeil sur l’approche de la 33 et les deux pilotes de l’Airbus A330 « Phénix » avancent les deux manettes de gaz de quelques centimètres.
A gauche, en place de commandant de bord, le capitaine Luc, officier « direct » passé l’école de l’air. Treize ans d’armée de l’air et déjà une longue pratique des Airbus à cocardes, d’abord au sein de l’escadron Esterel quand celui-ci était basé à Creil, puis à présent avec la 31ème escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégiques (EARTS) installée à Istres. A sa droite, le capitaine Romuald, un officier sous contrat qui a rejoint la 31ème EARTS en 2020 après six ans passés à Avord comme instructeur sur Xingu.
Le Phénix entre sur la piste de 5.000m, la plus grande de France, taillée pour servir de piste de secours à la navette spatiale du temps où la NASA utilisait encore son éléphant blanc.
Loin devant nous, COTAM 1015, notre voisin de parking quelques minutes plus tôt, n’est plus qu’une silhouette en éloignement sur l’horizon. Il nous précédé à la mise en route et il nous a précédé au roulage et au décollage. En bonne logique, il devrait nous précéder à l’arrivée sur la base américaine d’Elmendorf, en Alaska, notre destination.
En ce 16 juillet 2024, les deux avions partent rejoindre le gros des forces de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) engagées depuis déjà deux semaines dans la mission Pégase 2024. Sans doute la mission la plus ambitieuses et la plus complexe de l’histoire de l’AAE, avec deux branches lancées l’une vers l’est (via les Emirats Arabes Unis et Singapour) et l’autre vers l’ouest (via l’Alaska).
Pour chacune d’entre elles, interactions et exercices sont prévus dans les pays traversés. Puis la tenaille se refermera sur le Pacifique sud et sur la base aérienne de Darwin dans le nord de l’Australie, dans le cadre de l’exercice Pitch Black. Et pour ajouter une couche de complexité, l’accent est mis pour cette troisième édition de Pégase sur travail en coalition avec l’intégration de détachements britanniques, espagnols et allemands sur certaines branches de la mission. Le retour des avions vers la France se fera dans un mode uniquement franco-français avec une fois de plus des escales chez plusieurs nations partenaires, comme l’Indonésie, les Philippines, le Quatar et l’Egypte.
Pour les Cotam 1015 et 1016, la mission est de rejoindre le détachement de quatre Rafale qui se battent (fictivement) en Alaska depuis trois semaines. Ils appuieront la poursuite de la mission vers le Pacifique pour deux avions, tandis qu’un autre MRTT déjà présent en Alaska sera libéré pour ramener en France deux autres avions.
Pégase 2024 est un exercice complexe, difficile à embrasser d’un coup d’oeil et encore plus à expliquer en quelques lignes. On retiendra simplement que les logisticiens, hommes et femmes de l’ombre, auront passé quelques nuits blanches à aiguiller le fret vers telle ou telle branche et tel ou tel avion, tandis que les conversations à l’heure des repas tournent souvent autour des va-et-vient des sacs et des valises entre les avions et les hôtels… Mais revenons à Istres…
Alignement en 33. Face à nous à une quinzaine de kilomètres, la chaine des Alpilles et le village des Baux de Provence arrimé à son piton.
Les manettes de puissance sont poussées sur le cran « Flex » : un mode qui va permettre d’économiser les moteurs au décollage en ne leur demandant qu’une puissance minimale, en fonction des conditions du jour et de la longueur de piste disponible. « On y va en douceur pour ne pas taper inutilement dans le potentiel des réacteurs » expliquent les pilotes. Les deux Rolls Royce Trent 770 se réveillent à l’unisson et même si la puissance est artificiellement réduite, l’accélération est franche.
L’avion est à 199 tonnes, dont 64 tonnes de carburant, loin de sa masse maximale de 233 tonnes. La V1 est annoncée à 164 noeuds. Moins d’une second plus tard, le pilote en fonction annonce « rotate », tire souplement sur le manche latéral et soulève le nez de l’appareil. Quelques instants plus tard, l’avion quitte la piste tout en poursuivant son accélération. Il est alors à 167 noeuds et passe le cap de la V2 qui lui permettrait de continuer à grimper en sécurité en cas de panne moteur.
L’avion a parcouru 3.400m depuis le lâcher des freins. Si la pleine puissance des moteurs avait été utilisée (37 tonnes de poussée chacun), l’avion aurait quitté la piste en seulement 2.200m. Le contrôle autorise une première montée au niveau 120 et les premiers changements de fréquence s’opèrent avec le contrôle aérien.
La navigation parait simple et directe : il suffit de suivre le trait qui s’affiche sur les tablettes numériques des pilotes et relie d’un coup d’aile Istres à Anchorage. On quitte la France au niveau 380 à la hauteur de Boulogne puis on remonte l’ensemble du Royaume-Uni jusqu’au sommet de l’Ecosse. L’avion pénètre ensuite dans le NAT-HLA (North Atlantic High Level Airpsace). Avec trois centrales inertielles gyrolaser hybridées GPS, le pilote automatique n’a aucune peine à garder l’avion sur sa route.
Les moteurs ronronnent gentiment et après un peu plus de deux heures de vol et précisément 17,8 tonnes de carburant brûlées, le Phénix se hisse au niveau 400 à Mach 0,82 avec 439 noeuds de vitesse sol.
Droit devant nous, un quart de poil plus bas, une petite tache noire grossit lentement sur l’horizon. Le TCAS nous apprend qu’il s’agit de COTAM 2015 qui est donc parti 8 minutes avant nous mais que nous rattrapons progressivement. « Il avait 40 nautiques d’avance au départ d’Istres mais nous le remontons lentement note le commandant de bord. Il n’est plus qu’à une vingtaine de nautiques maintenant… »
Volant au niveau 380 et confronté à de fortes turbulences, COTAM 2015 a du réduire sa vitesse. « Si on continue comme ça, on le doublera dans un peu moins d’une heure » pronostique notre pilote. Mais COTAM 1015 a sa fierté. Une heure plus tard, loin de s’être laissé rattraper et la zone de turbulence dépassée, l’autre Phénix a retrouvé sa vitesse initiale et rétabli l’écart d’une quarantaine de nautiques.
Après 4 heures de navigation en ETOPS 180, c’est à dire à trois heures de vol du terrain de déroutement le plus proche, nous abordons le continent américain par le grand nord canadien. Sous l’avion, une mer de nuages ne permet pas d’apercevoir les immensités boisées de ces latitudes. Le dernier sprint s’annonce sur la tablette et la descente vers Elmendorf Air Force Base débute 40 minutes avant l’heure d’atterrissage prévue.
L’approche en piste 06 se fait entre deux couches de stratus, la ville et son aéroport civil visibles sur la droite se perdent dans les nuages bas qui filent au ras des eaux grises. Nous défilons en courte finale devant une meute de F-22 qui patiente au point d’arrêt. Toucher des roues, freinage, vitesse maîtrisée, dégagement vers le taxiway et roulage jusqu’au parking.
Sur la gauche et la droite de l’Airbus se déploie un beau résumé d’une US Air Force toujours puissante certes, mais vieillissante : F-22 orphelins, AWACS et C-5 en fin de vie, C-17 sans remplaçant, Hercules sans héritiers… Où est la relève de ces gloires des années 1990 ? A l’inverse, les Européens ont débarqué en force avec une dizaine d’Airbus A400M et A330 MRTT. On en reparle demain…
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