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Défense

Pour équiper sa marine, l’Inde préfère le Rafale M au F/A-18 Super Hornet

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Frédéric Lert

L’Inde est pressée. Son nouveau porte-avions INS Vikrant est en cours d’essais à la mer. Reste à savoir combien de temps va prendre l’officialisation de la commande de Rafale M et la signature du contrat. Au passage, Dassault réalise sa toute première exportation d’un avion de combat embarqué.

La présence de trois Rafale indiens, de 240 soldats et du premier ministre Narendra  Modi au défilé du 14 juillet ne laissait guère planer de doute : on ne fait pas d’un pays d’un milliard et demi d’habitants l’invité d’honneur du défilé sur les Champs Elysées sans une bonne raison.

Le communiqué de presse de Dassault Aviation indique simplement que « le Rafale Marine a démontré qu’il répondait totalement aux besoins opérationnels de l’Indian Navy et était parfaitement adapté aux spécificités de son porte-avions ». Du côté indien, aucune raison officielle n’est donnée pour expliquer ce choix. Le montant de la transaction, qui reste à négocier précisément, est estimé à 5 ou 6 milliards de dollars. En 2016, l’achat de 36 Rafale Air avait été facturé 8,2 milliards d’euros par la France.

La marine indienne est aujourd’hui contrainte par le calendrier et sans doute pressée de recevoir ses avions. Son nouveau porte-avions, l’INS Vikrant auquel sont destinés les Rafale, poursuit ses essais à la mer depuis la fin de l’an dernier. Reste à lui fournir un groupe aérien embarqué. Le faire opérer avec les MiG29K actuellement en service reviendrait à équiper une Porsche d’un moteur de Clio.

Mais l’Inde devra être un peu patiente : lors de la vente des 36 Rafale à l’Indian Air Force, il avait fallu un an et demi de négociations entre l’annonce du contrat début 2015 et sa signature effective en septembre 2016. Et quatre ans de plus avant la livraison des premiers avions en septembre 2020. A l’aune de cette expérience, on peut donc imaginer voir les premiers Rafale M arriver en Inde à l’horizon 2028. Peut-être un peu avant en mettant les bouchées doubles et/ou en mettant la marine française à contribution…

L’achat de Rafale M s’accompagnera d’un lot de munitions. Le missilier européen MBDA peut se frotter les mains… © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Avec la sélection du Rafale M, Dassault Aviation réalise plusieurs premières. C’est avant tout la première exportation d’un avion de combat embarqué pour l’avionneur de Saint-Cloud. Les très rares Super Etendard ayant porté des couleurs étrangères étaient soit en prêt (Irak) soit de deuxième main (Argentine). L’occasion de remarquer également que pour la première fois, un pays aura la même dotation que la France avec des Rafale simultanément en service avec son armée de l’air et sa marine.

Il y a derrière le choix du Rafale des arguments techniques mais aussi un choix économique logique : les Indiens vont pouvoir capitaliser sur les investissements déjà réalisés pour les Rafale Air en matière de formation, de maintenance, de logistique… Opter pour le Super Hornet aurait obligé à mettre en place une nouvelle filière.

L’autre satisfaction est d’avoir battu à la régulière le Super Hornet block III de Boeing. Les deux avions sont de la même génération (premier vol du Rafale M en 1991, premier vol du Super Hornet en 1995). Ils remplissent tous deux les mêmes missions, mais affichent une différence de taille considérable : le Super Hornet pèse 13,8 tonnes de masse à vide, soit 30% de plus que le Rafale (un peu plus de 10 tonnes). Quand la marine nationale fit embarquer une dizaine de Rafale M sur l’USS Bush en 2018,  les marins de l’US Navy furent surpris par deux choses : l’ouverture de la verrière sur le coté (mais oui, c’est plus simple pour déposer un siège éjectable…) et la petite taille de l’avion.

Small is beautiful mais small is compliqué : certes le Rafale Air et le Rafale Marine partagent énormément de points communs et le premier est conçu d’origine pour donner naissance à une version embarquée. Mais le passage de l’un à l’autre exige tout de même de déplacer quelques boites dans l’avion avec un chausse pied certifié aéronautique (le manque de volume intérieur est sans doute une raison pour laquelle le biplace marin ne s’est pas fait). On peut d’ailleurs prévoir que les Indiens auront leurs propres exigences et que le bureau d’études de Dassault devra transpirer un peu sur les aménagements intérieurs avant de lancer la fabrication.

Les Rafale M embarqueront donc sur l’INS Vikrant, porte-avions de conception locale. On peut estimer qu’une quinzaine pourront prendre la mer simultanément pendant que le reste des appareils restera à terre pour la maintenance ou la formation. Le Vikrant est en configuration « stobar » : décollage court sur un plan incliné, sans catapulte, atterrissage conventionnel avec des brins d’arrêt. Ces contraintes particulières avaient conduit à des essais et des tests courant 2022 sur un tremplin basé à terre, sur la base de Goa.

Le choix entériné, se posent maintenant les questions opérationnelles et industrielles : la marine indienne se contentera-t-elle de Rafale M monoplaces ou achètera-elle également une poignée de biplaces terrestres pour entrainer ses pilotes, sans faire appel à l’Air Force ? Les marins français quant à eux serrent les fesses : devront-ils se séparer de quelques Rafale pour accélérer la mise en service de l’avion en Inde ? L’Armée de l’air  et de l’espace a déjà eu à le faire avec d’autres clients, chacun son tour…

Que ce soit le cas ou non, la commande indienne sera-t-elle ou non l’occasion pour la marine française de commander quelques Rafale M supplémentaires ?

Les questions sont posées également du côté de Boeing, mais les réponses sont pratiquement connues d’avance : avec sa victoire en Inde, le Rafale plante un clou supplémentaire dans le cercueil du Super Hornet, à sec de commandes après ses échecs en Finlande, au Canada et en Suisse, et le renoncement de l’Allemagne au profit du F-35. On évoque chez Boeing un arrêt de la chaine en 2025, après la livraison des derniers appareils commandés par l’US Navy. La prolonger au-delà de cette date exigerait sans doute de commander dès maintenant des pièces à cycle long, et ça n’en prend pas le chemin.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • Merci pour votre appréciation Anemometrix. Pour ce qui est de la masse, elle est en général assez représentative des dimensions. Et si le Super Hornet est plus long que le Rafale de 3m, son envergure est inférieure d'un mètre voilure repliée...

  • Je trouvais déplacée la Légion d'Honneur au président indien. Votre excellent article, Frédéric Lert, m'amène à plus de tempérance ...
    Un autre facteur, l'envergure et la longueur, environ 3 m à l'avantage pour le Rafale. Important sur un porte-avion ou l'espace est compté, plus que le poids.

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Frédéric Lert

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