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Défense

Première apparition dans le ciel français pour les F-35A de l’US Air Force

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Frédéric Lert

Pour sa troisième édition, l’exercice trilatéral de haut niveau Atlantic Trident s’est tenu en France du 17 au 28 mai 2021, avec la BA118 de Mont-de-Marsan comme point d’ancrage. Français, Britanniques et Américains se sont retrouvés dans les zones d’exercice en façade Atlantique et dans le Massif Central. Reportage sur la BA118 sous la férule de l’US Air Force.

Atlantic Trident est un exercice d’envergure qui s’est tenu par le passé depuis la base américaine de Langley (Virginie) en mettant aux prises Rafale, Typhoon, F-22 et F-35, avec en outre une solide flotte de ravitailleurs et d’Awacs.

Pour sa troisième édition, l’Armée de l’air et de l’espace (AAE) s’est sentie à juste titre très honorée de pouvoir l’organiser dans son pré carré, avec la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan comme point d’appui principal, et la capacité de lancer chaque jour plusieurs dizaines d’avions. Sans doute plus important encore, la BA118 disposait des équipement et du savoir-faire pour préparer, organiser et suivre en temps réel des missions pouvant compter simultanément jusqu’à soixante avions.

On parle là de « COMAO » (Composite Air Operations) lancées chaque matin en zone d’entrainement en façade Atlantique, sans aucune limitation de vitesse ni d’altitude, et avec une prédominance du combat radar, c’est à dire « BVR » (au-delà de la portée visuelle).

Les après-midi étaient consacrés à des « shadow wave » plus restreintes, une vingtaine d’appareils toutefois, cette fois au-dessus du Massif Central, avec des restrictions en vitesse et hauteur d’évolution. Très classiquement, les combats opposèrent les Bleus (Rafale, Typhoon et F-35) aux Rouges (appareils français servant de plastrons et simulant des avions plus exotiques. Suivez mon regard vers l’est…) Au sol, des batteries de missiles Mamba intégrées dans le rang des Rouges simulaient quant à elles des systèmes sol-air hostiles.

Des combats suivis à la loupe

« L’objectif d’Atlantic Trident n’est pas d’évaluer les performances des uns et des autres, mais bien d’apprendre à travailler ensemble et d’aboutir à une meilleure connaissance mutuelle explique l’AAE. Une illustration de la plus value apportée par un tel exercice se retrouve par exemple dans l’opération Hamilton, bombardement de la Syrie en avril 2018, quand les appareils de nos trois nations se sont retrouvés ensemble pour une mission réelle »

Briefing depuis l’amphithéâtre du Normandie Niémen avant une shadow wave de l’après midi. Les unités non présentes physiquement suivent le briefing en visio-conférence. © Frédéric Lert/Aerobuzz

Atlantic Trident est d’ailleurs un exercice non classifié avec des échanges portant moins sur les performances des appareils et des armements que sur leurs méthodes d’emploi. Les participants simulent des missiles génériques dont les performances sont établies par convention d’exercice.

Un élément important et qui a pesé lourd dans la capacité de l’AAE à organiser l’édition 2021 de l’exercice était fourni par le CECC (Centre Expert du Combat Collaboratif) créé en 2018 et implanté sur la BA 118. A l’aide de différents outils numériques comme JEANNETTE et TACVIEW,  le CECC a créé le scénario des missions, défini des objectifs, suivi les opérations en direct et mélangé le monde réel et le virtuel en injectant des éléments simulés dans les opérations. Le CECC permettait ensuite de débriefer les missions dans les moindre détails malgré la dispersion géographiques des différents acteurs.

Sous la supervision d’un Airboss, expert tactique aguerri, des Range Training Officers suivaient les combats en direct, assuraient la sécurité des engagements, évaluaient les tirs annoncés, annonçaient les coups au but ou les échecs et régénéraient les avions des Rouges quand il fallait donner du grain à moudre aux Bleus…

La liaison de données L16 a tenu une place essentielle dans ce travail collaboratif en permettant non seulement de suivre précisément les appareils, mais aussi d’afficher sur les écrans des avions de combat les pistes virtuelles créées par le CECC. Pour les appareils non équipés de L16, comme par exemple les Alphajet du 3/8 Côte d’Or exclusivement engagés dans les missions red air, le suivi se faisait uniquement via les transpondeurs et l’emploi des radars de surveillance aérienne.

Décentralisation des moyens

Outre l’organisation confiée à la France, l’édition 2021 comportait quelques autres nouveautés, avec en premier lieu le COVID 19. Au prix de consignes sanitaires strictes, l’exercice a été maintenu malgré la présence de quelque 450 personnes supplémentaires sur la base aérienne. Autre point remarquable,  la très large engagement des F-35 dans l’exercice. Ceux de l’US Air Force, et nous reviendrons dessus un peu plus loin, mais également ceux embarqués sur le HMS Queen Elizabeth qui croisait en Méditerranée avec à son bord un contingent mixte de F-35B du 617 Squadron de la RAF et de la VMFA-211 des Marines américains.

Le F-35, c’est un réacteur Pratt&Whitney F135 offrant 19 tonnes de poussée avec la post-combustion associé à quelques millions de lignes de codes et une aérodynamique… brutale. © Frédéric Lert/Aerobuzz

Le Queen Elizabeth participa à l’exercice en deuxième semaine, avec comme contrat l’engagement quotidien de quatre appareils britanniques et autant d’américains. Des Typhoon britanniques du XI(F) Squadron de la RAF étaient également engagés chaque jour directement depuis leur base de Coningsby, ce qui impliquait des transits de deux heures vers les zones de travail, des missions d’environ 5 heures au total et au moins deux ravitaillements en vol assurés par les Voyager de la RAF.

La grosse attraction tenait bien entendu à la présence de douze F-35A du 388th Fighter Wing  déployés depuis leur base de Hill (Utah).

Les appareils étaient arrivés le 10 mai 2021 après un vol sans escale d’environ onze heures et « un certain nombre » (le nombre précis est un secret aux yeux de l’USAF) de ravitaillements en vol. Les vols depuis Mont-de-Marsan ont débuté une semaine plus tard et les deux premiers jours, les 17 et 18 mai, ont été consacrés à la familiarisation des pilotes avec les zones de travail.

Départ en vol d’une shadow wave le 25 mai dernier. Un appareil du 4th Fighter Squadron/388th Fighter Wing roule devant un Rafale biplace de St Dizier détaché à Mont-de-Marsan le temps de l’exercice. © Frédéric Lert/Aerobuzz

Les F-35F étaient au block 3F, avec une première capacité opérationnelle mais toujours en attente, à l’instar des autres F-35 et après 20 ans de développement, de leur pleine capacité opérationnelle. Avec ces douze avions, 25 pilotes et 213 spécialistes pour la maintenance, le contrat des américains était de fournir 8 avions pour les COMAO du matin et 6 pour les shadow waves de l’après midi.

Mont-de-Marsan Air Force Base

Les pilotes américains interrogés par Aerobuzz se sont déclarés très satisfaits des performances de leurs appareils, de leur disponibilité et de leur « niveau de maturité qui progresse ». L’évocation du logiciel ALIS, clef de voute de la maintenance et de l’exploitation des appareils et en même temps talon d’Achille de leur mise en oeuvre, n’a pas soulevé de critiques, les pilotes affirmant que « tout se passait bien ».

A l’instar des autres appareils engagés dans l’exercice, les F-35A furent utilisés pour les missions de bombardement, d’escorte et de « sweep » en avant des raids et en simulant des missiles AIM-120C-7.

En début de deuxième semaine, et après moult tergiversations, deux F-35A ravitaillèrent sur un Phénix de l’escadron 1/31 Bretagne.

Quiconque a travaillé avec les militaires américains, ou même plus simplement passé une frontière de l’Empire, connait le sens de l’humour qui caractérise le porteur d’un uniforme Outre Atlantique. Une illustration inédite en fut donnée à Mont-de-Marsan où les Américains avaient mis la main sur la médiatisation de l’événement, imposant aux indigènes leur conception de la sécurité et de la confidentialité.

Seuls les Rafale et F-35A étaient visibles à Mont-de-Marsan. Les Typhoon opéraient directement depuis leur base de Coningsby et les F-35B américains et britanniques depuis le HMS Queen Elizabeth en Méditerranée. © Frédéric Lert/Aerobuzz

La surveillance des prises de vue s’étendit jusqu’aux photographes de l’Armée de l’air et de l’espace et se manifesta vis à vis des médias civils par un contrôle extrèmement tatillon. Les photographes avaient été tenus à bonne distance des F-35, ce qui n’empêcha pas les Américains d’emprunter les appareils photo à l’issue de la journée pour en vérifier toutes les images et en effacer un bon nombre. La raison de cette censure demeura mystérieuse au prétexte qu’expliquer quelle image était effacée, et pour quelle raison, revenait à dévoiler le secret qu’elle contenait. Malin ! Pendant Atlantic Trident, l’Oncle Sam avait donc rendez-vous avec le père Ubu sur le parking de la BA118.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • Et à l'issue, tout le monde dira dans l'Armée de l'air : "les Américains ont été impressionnés par notre... " (remplissez comme vous voulez) alors qu'ils étaient simplement polis.
    Pour les photos que vous avez dû effacer, rien de surprenant : ils se comportent comme s'ils étaient chez eux, car ils le pensent. Par contre ils ne se priveront pas de venir démonter la nuit vos systèmes, s'ils le peuvent (déjà vu lors de manœuvres du même niveau)
    A comparer avec l'échange franco-russe d'août 2013 (Mirage F1/Mig 29) qui vit dans la bonne humeur les deux escadrons s'exercer aux misions conjointes pendant une semaine, sur la base de Savasleyka 400 km à l'est de Moscou. On s'est bien efforcé de l'oublier depuis, celui-là, sur l'injonction de ceux qui ont effacé vos photos à Mont-de-Marsan. Dommage, l'ambiance n'était pas la même.

  • Fin, élancé, doté d'un système CDVE utilisant le contrôle actif généralisé maîtrisant de façon optimal le couple canard/voilure delta, le Rafale montre chaque jour la réussite unique de sa conception. Ses démonstrations dynamiques sont toujours tellement époustouflantes avec cette pureté de lignes... Comme le disait quelqu'un, un avion, pour bien voler, il doit être beau... La force du Rafale est la... Que ce vent soudain soit sans fin et emporte tout!...

  • Tellement particulière, que le F-35 est incapable de tenir la super croisière. C'est un des 800 défauts toujours pas résolus à ce jour.

  • En tous cas, il est sûr que ces 2 chasseurs sont d'une philosophie différente. Ils ont des avantages et des inconvénients. Le F-35 mets tout dans l'ultra-technologie et la furtivité totale avec un armement léger où la priorité est la frappe en premier de cibles de haute avec tout un écosystème hautement interconnecté en support de sa progression. De l'autre on est dans le chasseur omnirole pur avec une polyvalence ultime, rustique et capable de progression en terrain hostile en TBA/TGV sur fichier numérisé 3D avec 10T d'emport et cela sous la protection du système spectra rendant très difficile son interception. Quoi qu'il en soit, ces 2 appareils restent de redoutables combattants.
    Force au Rafale

  • Il est bien vrai que ces 2 chasseurs sont d'une philosophie différente. Ils ont des avantages et des inconvénients. Le F-35 mets tout dans l'ultra-technologie et la furtivité totale avec un armement léger où la priorité est la frappe en premier de cibles de haute valeurs avec tout un écosystème hautement interconnecté en support de sa progression. De l'autre on est dans le chasseur omnirole pur avec une polyvalence ultime, rustique et capable de progression en terrain hostile en TBA/TGV sur fichier numérisé 3D avec 10T d'emport et cela sous la protection du système spectra rendant très difficile son interception. Quoi qu'il en soit,ces 2 appareils restent de redoutables combattants.
    Force au Rafale

  • Très mauvaise nouvelle pour l'aérodynamique du F-35 ! J'en suis abasourdi ! Basse vitesse, sous faible facteur de charge, et le F-35 fume comme pas permis de tous les bords !!! Alors que le Rafale semble à son aise.
    Heureusement que le F-35 a un gros moteur qui pousse fort pour combattre toutes ces traînées parasites... Beurk !

    • Plus que des tourbillons, ces vortex qui sont dus a l'humidité ambiante, les pilotes diraient «MARKING» (s'ils évoluaient a fl300 ou + ... et là t'es repéré, même avec toute la techno mise en place pour la furtivité . Le rafale plus fin a tjr une longueur d'avance, lol.

    • En 30 ans 200 Rafale vendus, en 15 ans 600 F35 vendus. Le marche a tranche. Une precision, le F35 ne pretend pas rivaliser avec le Rafale en dogfight, il est aerodynamiquenent trop "pateaud". Dernier point et non des moindres, les seuls fait d'armes du Rafale sont la neutralusation de 4x4 dans le desert lybien, le F35 lui, evolue depuis 3 ans en environment hostile au dessus de la Syrie.

      • @M
        "Le Rafale est entré en Lybie « en premier »,
        Et alors ais je envie de dire, il était guidé par des AWACS qui leur ont fait contourner toutes les sources de menaces possibles ! Ils étaient encore plus sécurisés que vous en traversant votre trottoir pour aller acheter votre baguette le dimanche matin ! Un moment il faut arrêter avec les superlatifs absurdes. Surtout que bombarder des 4x4 Toyota dans le désert n'a pas fait du Rafale un avion combat proven ! Sinon dites moi combien d'avion il a abattu !

      • Seul fait d'armes ? Le Rafale est entré en Lybie "en premier", c'est à dire en environnement hostile non controlé, ce que ne font jamais les américains sans avoir tapissé de Tomahawk au préalable.

        Le Rafale est aussi de toutes les campagnes actuelles de la France comme l'Irak, le Mali, la Lybie et aussi la Syrie où il doit dépasser les 10000h d'opérations en vol. Sinon le Rafale vole en opération de guerre depuis 2007, en Afghanistan. Donc on peut dire que le Rafale évolue depuis 14 ans en environnement hostile....

        Et je ne parle pas des autres missions comme la police du ciel dans les pays Baltes ou les exercices nombreux depuis le Charles de Gaulle.

        De toute évidence, vous êtes mal renseignés, ou de mauvaise foi.

      • Le marché tranche... Mouis... Quand l'armée de l'air commande 40 Rafales, l'armée américaine commande 400 F-35, juste pour ses besoins (et ne s'en sert pas en opérations externes, sauf en bordure de la Syrie pour les rares opérationnels). Du coup, forcément, c'est pas à notre avantage.
        A l'étranger, les USA IMPOSENT le F-35 dans plusieurs pays sous des prétextes politiques divers, sans laisser le choix sous menace de couper les vivres et le soutient US. Une sorte de captation... Voir le Royaume Unis, le Japon, divers pays du golfe, etc, etc...
        Tout le monde militaire dit : le Rafale est le meilleur et correspond exactement à nos besoins. Mais le monde politique dit quand même qu'ils vont acheter des F-35, ou alors des vieux F-16, plutôt que des Rafales parce que transfert de techno (usagées) ou chaînes de production en local...
        Ceux qui s'émancipent de la domination économique US ont plutôt tendance à acheter du Rafale s'ils achètent pas du Russe...
        A noter qu'on ne parle jamais du Typhoon Européen... (et je me marre...)

      • "Le marché à tranché" pour le F35, c'est comme dire que le marché avait tranché pour le minitel dans les années 80 en France… La comparaison s'arrête là, les minitels avaient assez peu de bugs :-)

      • Michael voyons... nous n'allons pas arriver aux commentaires type Opex360.... Cet avion a été financé par une quirielle de pays qui s'en sont donc équipés d'où le nombre... et ne pas oublier l'USAF pour faire du nombre.... Le reste sont des achats plus orientés protection par l'oncle Sam...

    • C'est pas vraiment une nouvelle !
      Et il a un gros moteur mais il ne peut pas maintenir la pleine puissance car il surchauffe.
      C'est fâcheux !

    • Carrément ! Vapeur dit détente de l air ce qui veut dire depression ce qui veut dire trainée. C est vraiment une merde cette avion. En dogfight il doit se prendre une caisse.

      • Oula Laza calmez vous
        Bien sûr sur que la depression montre la portance qui se crée. Mais vous remarquerez qu à même vitesse que le rafale, le f35 semble être à plus grande incidence car la dépression semble plus forte.
        Le rafale aurait pu créer ce genre de condensation mais sûrement à incidence plus élevée.
        Donc il y a 2 raisons pour laquelle il y a ses zones de detente :
        Le f35 avait une charge alaire plus importante lors de la photo. Plus de fuel ou arme ou alors surface d aile moins grande
        Le f35 a une aéro... particulière

      • Vous n y connaissez rien, la dépression est en fonction de l incidence. C est comme dire qu une 4l est meilleure qu une f1 parce qu elle ne condense pas l air dans sa trainée. Parlez de ce que vous connaissez le foot, ou les jeux video. Pitié!

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