Les directeurs des quatre grandes écoles de navigants d’essais se retrouvent chaque année pour partager leurs expériences et faire converger leurs enseignements. Cette année, les patrons des Test Pilot School de l’US Air Force et de l’US Navy, de l’Empire Test Pilot School britannique et de l’EPNER française avaient rendez-vous à Istres pour trois jours de séminaire pour parler de contenu de la formation toujours plus pointue, mais aussi de simulation.
« Nous échangeons sur nos formations respectives et la meilleure façon de les harmoniser » explique le colonel Williams Grac, directeur de l’EPNER. « Notre souci est de ne pas diverger dans nos enseignements et de délivrer des formations qui présentent les mêmes bases. Nos quatre écoles prétendent au même niveau d’excellence et elles forment un groupe homogène. Même si nous avons chacun nos spécificités, 90% de notre enseignement est commun et le but de nos réunions annuelles est de préserver cette base commune ».
Face au développement de la technologie aéronautique et à l’évolution rapide des systèmes, les écoles comme l’EPNER sont placées face à une équation délicate à résoudre : comment faire entrer dans la formation (une année universitaire, une centaine d’heures de vol…) un nombre toujours croissant de savoir-faire ? « Nous sommes toujours tentés d’introduire de nouvelles disciplines dans notre enseignement, mais cela nous oblige à faire des choix, détaille le colonel Grac. Nous assurons par exemple de plus en plus de cours sur des systèmes modernes, mais sans rien perdre des enseignements fondamentaux sur les qualités de vol et les performances des avions ».
La marge de manœuvre est donc étroite et l’objectif des quatre écoles est de rester coordonnées dans le choix des enseignements académiques fondamentaux et dans celui du socle des essais en vol pratiques.
« Nous nous sommes posés cette année la question des compétences fondamentales demandées à un équipage d’essais, poursuit le colonel Grac. Nous avons commencé à y réfléchir ensemble et nous allons élaborer un questionnaire détaillé pour répondre à cette question ». Autre objectif fixé à Istres, la rédaction d’un référentiel commun aux quatre écoles sur les exigences académiques en mathématique, aérodynamique, mécanique du vol etc…
La question de la place de la simulation a également été abordée par les quatre directeurs. Il serait erroné de croire la simulation en compétition avec les équipages d’essais. D’abord parce que ce sont bien les équipages qui permettent à la simulation d’exister : si les simulateurs sont aussi performants, c’est que des navigants ont su modéliser le comportement des aéronefs pendant les essais en vol.
La pratique militaire américaine évolue vers l’intégration systématique d’un pilote d’essais dans le processus de certification d’un simulateur. « Si notre cursus permettait de dégager du temps pour cela, j’introduirais des enseignements sur la définition et la certification d’un simulateur » note Williams Grac.
« La simulation est aussi à notre service pour préparer les vols poursuit le directeur de l’EPNER. Nous étudions par exemple le flutter en simulant des valeurs hors-norme sur un Alphajet spécialement équipé : nous récupérons les signaux de sortie des vibrations de l’avion et nous les multiplions pour amplifier artificiellement les valeurs transmises à l’équipage. Cela permet de confronter le pilote à une situation au cours de laquelle il approcherait des limites ».
Le paradoxe est que la simulation montre dans le même temps plus de limites dans les essais en vol que dans le reste de l’aéronautique, le propre de l’équipage d’essais étant de travailler dans les coins du domaine de vol plus difficiles à modéliser…
Mis bout à bout, ces exemples montrent que les quatre grandes écoles d’essais en vol sont plus engagées dans une politique de coopération plutôt que de concurrence. Les échanges de stagiaires sont courants, le patron actuel de l’EPNER étant lui-même diplômé de la Test Pilot School de l’Air Force.
La collaboration se retrouve également dans l’échange des appareils d’essais lors des évaluations de fin d’année ou encore dans l’utilisation commune du Learjet à stabilité variable « Calspan ». L’appareil est équipé à la fois d’un minimanche latéral et d’un volant classique et son architecture ouverte permet de faire varier certains paramètres de vol pour simuler différentes configurations de stabilité.
De manière plus anecdotique, la réunion de cette année à Istres a également été l’occasion de travailler sur un logo commun entre les quatre écoles. « Nous formons une communauté assez fermée qui possède une identité assez forte. Il s’agirait simplement de le montrer… » résume le colonel Grac.
Affaire à suivre l’an prochain à Edwards, quand l’US Air Force Test Pilot School accueillera la prochaine réunion au sommet.
Frédéric Lert
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La formation de telles écoles ne peut être que basique car le métier comporte trop d'aspects différents. Un sociologue suédois Anders Ericsson a expliqué que, dans n'importe quelle discipline, sport, musique, ou autre, il fallait dix mille heures de travail pour devenir un expert. C'est ce que je disais aux jeunes pilotes d'essais embauchés chez Airbus. Il leur faudrait 6 à 7 ans pour avoir couvert tout le spectre des manoeuvres de développement et de certification. A la sortie de ces écoles, on a un diplôme, mais on n'est pas un expert. C'est d'ailleurs aussi vrai dans un bureau d'études. On ne devient expert en commandes de vol électriques qu'après plusieurs années de travail dans ce domaine.