Le commandant B. est un « direct », officier passé par l’école de l’Air, qui a servi sept ans au sein de l’escadron de chasse 1/2 Cigognes. Il y a deux ans, il a fait le choix de rejoindre le 1/33 Belfort et ses drones. « Une manière de prolonger ma carrière dans les forces, au contact du terrain » explique-t-il. « J’ai commencé ma nouvelle carrière sur Reaper avec une qualification MCE (Mission Control Element) également délivrée par l’US Air Force sur la base d’Holloman (Nouveau Mexique). J’ai ensuite été déployé une première fois à Niamey, puis j’ai été envoyé à Creech pour compléter ma qualification et devenir pilote ». Le commandant D. fait équipe avec le capitaine P., pilote instructeur à Cognac après une expérience sur Mirage 2000. Le capitaine occupe lui la place de « senso » ou « opérateur capteur ».
A Creech, l’enseignement commence avec une partie théorique et une introduction au fonctionnement des systèmes embarqués. Les deux français formant un LRE (Launch & Recovery Element) se sont retrouvés au sein du 11th Squadron avec trois autres équipages, tous américains.
La base accueille toutefois d’autres équipages européens, la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Hollande et l’Italie comptant parmi les autres utilisateurs du Reaper. « Procédures d’urgence, panne moteur, fonctionnement des systèmes embarqués…, les cours sont intenses note le commandant B. Le but est d’avoir une compréhension totale de l’appareil ».
Après la théorie vient la pratique, au simulateur dans un premier temps. Cinq séances, les Américains parlent d’ « event », au cours desquelles l’accent est mis une fois de plus sur les procédures d’urgence au sol et en vol. L’instructeur montre, les stagiaires reproduisent. Pilote et opérateur capteur mangent du tour de piste…
« On progresse lentement pour avoir de bonnes bases » note notre interlocuteur. Nul doute que pour les anciens du Mirage 2000, les tours de piste à 100 kt présentent un niveau de difficulté assez modéré, même s’il faut apprendre à gérer le vol à distance, avec 30° d’angle de vue.
Pour le premier vol réel, le LRE stagiaire est en position d’observation pour le décollage. Puis les deux hommes prennent la place des instructeurs pendant le vol. Ce n’est qu’au deuxième vol, le septième « event » de sa formation, que le LRE s’installe aux commandes dès la mise en route. L’instructeur du pilote est installé en retrait et n’a pas un accès direct aux commandes : au mieux il pourrait se saisir du minimanche par dessus son épaule. Il ne peut pas atteindre les pédales, bien entendu. Le plus simple est de faire confiance au stagiaire, un peu comme dans une auto-école…
Les missions suivantes sont une succession rapide de simulateur et de vols réels, deux heures de touch & go à chaque fois, pour progresser dans la maitrise de l’appareil et des situations. L’atterrissage intervient à la onzième mission. Comme toute formation qui se respecte, les derniers vols, les events 19 et 20, servent à une pré évaluation puis à une évaluation générale de l’équipage. Le taux de réussite est de 99% selon les instructeurs du 11th Squadron.
Dans le ciel de Creech, jusqu’à quatre Reaper peuvent enchainer simultanément les tours de piste. L’espace aérien de la base, un carré de 7miles de côté au sol, interdit au trafic civil, est suffisant pour que les appareils n’en sortent jamais et restent toujours à portée de la piste en vol plané avec un contrôle par « line of sight » (LOS).
En opération, les LRE sont donc en général directement positionnés sur les théâtres de manière à contrôler les appareils directement en LOS pour plus de facilité. Le travail par liaison satellitaire induit une latence d’environ deux secondes dans la transmission des ordres. C’est un peu gênant pendant le vol mais sans plus. Atterrir avec cette latence représente un autre défi ! « C’est comme garer une voiture en roulant à 80km/h », explique un instructeur
Les vols commencent très tôt le matin, non seulement pour faire face au nombre de stagiaires, mais aussi pour éviter les fortes chaleurs et les coups de vent de l’après midi. Les vols s’arrêtent généralement avec le coucher du soleil, mais pas systématiquement. Les atterrissages de nuit permettent l’entrainement avec la caméra infrarouge et seraient même, de l’avis des pilotes, plus faciles que ceux de jour : la raison en reviendrait à une image monochrome plus lisible que celle en couleurs.
« Les choses sont très normées et nous avons accumulé 73 décollages et atterrissages à la fin du cours explique le commandant B. Tous sont notés et évalués. Le plus important avec le drone est de bien contrôler sa vitesse, de ne pas trop la réduire en finale puis de commencer l’arrondi à 30ft de hauteur. Le plus compliqué est d’arriver à interpréter tous les indices visuels qui nous arrivent par les écrans au lieu de ressentir directement les choses comme dans un avion. Quand on vient d’un chasseur, il faut aussi réapprendre l’impact de l’aérologie et des turbulences ».
Après deux mois et demi de formation à Creech, c’est donc chose acquise. Les équipages de Reaper étant fortement demandés, le retour en France ne dure jamais très longtemps et les officiers formés sont assez rapidement renvoyés à Niamey pour y appliquer leur savoir-faire…
Frédéric Lert
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More