Le 12 janvier 2022, un Tupolev Tu-160M (ou M2 ) s’est élancé sur la piste d’envol de l’usine de Tupolev (KAPO) à Kazan, dans le Tatarstan, pour effectuer son premier vol, en sortie de chaine d’assemblage. Il s’agit du tout premier bombardier stratégique de ce type produit par Tupolev depuis 30 ans. Un avion flambant neuf emblématique de la guerre froide.
Ce vol de 30 minutes s’est déroulé à 600 mètres d’altitude, au cours duquel l’équipage d’essais de Tupolev a vérifié les commandes de vol et la stabilité de l’avion. Il est le produit de la résurrection d’une chaine d’assemblage des Tu-160 à Kazan, fermée en 1992 avec l’annulation du programme, puis ré-ouverte en 2015, dans le cadre d’une modernisation des systèmes des quinze derniers Tu-160 du 121e TBAP d’Engels. Et en 2019, dix avions entièrement entièrement neufs, étaient commandés dans une usine qui en avait perdu la mémoire industrielle.
Ce projet a donc nécessité une remise à niveau des infrastructures et des outillages, intégrés dans un environnement numérique qui n’existait pas du temps de la genèse de l’avion. Il a fallu restaurer des processus de fabrication spécifiques tels que le soudage du titane par faisceau d’électrons, et la cuisson sous vide. C’est pourquoi « l’usine a renouvelé (…) plus de 40 % de ses équipements et dispensé des formations au personnel » a déclaré le PDG de Tupolev, Vadim Korolev. Denis Manturov, ministre de l’Industrie, a souligné le « challenge » posé par ce programme de modernisation, axé sur une re-motorisation avec des NK-32-02M2 dont la production est relancée par Kuznetsov.
Ces réacteurs gérés par un FADEC sont allégés avec de nouveaux métaux permettant de faire des économies de pétrole ; ainsi, le nouveau Tu-160M dispose d’un gain d’autonomie de 1.000 km, avec six missiles Kh-55 de 2.500 km de portée en soute – pour frapper jusqu’à 13.950 km de son point de départ. Le radar Zaslon Novella NV1.70 remplace Obzor-K, et la suite de protection ECM Redut-70M est intégrée dans l’empennage. Le cockpit est rénové avec des écrans à cristaux liquides, et les outils de navigation numérique NO-70M, et inertielle BINS-SP-1, sont intégrés.
La mission de frappe nucléaire stratégique est actuellement confiée aux 15 Tu-160M opérationnels – aux côtés de 55 Tu-95MS et MSM « Bear H » et 60 Tu-22M3 et M3M « Backfire » – au sein de la Dalnaya Aviatsiya ( commandement de l’aviation stratégique à long rayon d’action ) des Vozdushno-Kosmicheskiye Sily (VKS) (Forces aérospatiales ). A l’origine, le Tupolev Tu-160 ( code OTAN : « Blackjack » ) aurait contribué à ruiner le ministère de la défense soviétique, au dire de certains experts.
Le prototype du Tu-160 « белый лебедь », ou « cygne blanc » a volé en 1981. De 1984 à 1994, 36 « Blackjack » avaient été assemblés à Kazan, dont 11 partiellement. 19 sont entrés en service à Priluki en Ukraine, et les 6 autres, à Engels. En 1992, l’Etat russe en cessation de paiement, annulait le programme. En 2007, l’Ukraine restituait ses huit derniers Tu-160 à la Russie, ceux-ci rejoignant quinze avions restés alors, opérationnels à Engels, jusqu’au lancement de leur rénovation en 2015.
François Brévot
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Je me posais la même question que Anemometrix.
Les USA ont aussi leurs bombardiers stratégiques (B-1 et B-2) et investissent dans le B-21, ces avions ne seraient donc pas obsolètes...
Mais si B-2 et B-21 sont furtifs, le TU-160 n'a même pas ces qualités (comme le B-1 d'ailleurs mais lui va être justement remplacé par le B-21).
S'il ne s'agit que de dissuasion nucléaire, quand on a des ICBM disponibles, je ne vois pas l'intérêt d'avoir ces avions en sus. Si le but est de les utiliser aussi en frappes plus chirurgicales sur des champs de bataille, le terme stratégique est peut-être excessif, il serait aussi tactique ?
Si un connaisseur pouvait éclairer ma pauvre lanterne...
J'adore la gueule des avions russes.
Le volet stratégique relève de compétences que je n'ai pas : quel est l'intérêt de ces bombardiers à l'heure de la guerre des satellites, des missiles hypersoniques et autres babioles des temps à venir ? Ne seraient-ils pas détruits, d'un côté comme de l'autre, dès le début de leur croisière ?