Quatre Rafale tiennent l’alerte sur la base de Siauliai depuis le premier décembre 2022, et pour une durée de quatre mois. Le détachement français est fort d’une centaine de militaires. Bien que l’on soit dans l’enceinte d’une base militaire lituanienne, les commandos de l’air sont présents pour surveiller les avions H24. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr
Avec les Alpha Scramble, les Tango Scramble, synonymes d’entrainement, rythment la vie du détachement français de Siauliai (4 Rafale). L’heure est à la coopération entre nations de l’Otan dans le ciel des pays Baltes. Reportage à Siauliai.
L’Alpha Scramble terminé, les deux Rafale sont revenus se poser. Les missiles Mica sont toujours en place sous les avions, nulle trace de poudre sur les décompresseurs des canons… Les Rafale ne se sont pas battus contre le Sukhoi et la troisième guerre mondiale n’est pas pour aujourd’hui.
Pour les pilotes français, les règles d’engagement sont claires : l’ouverture du feu ne peut se faire qu’en cas de légitimité défense. Seul dans son avion et face à des manoeuvres qui seraient agressives, le pilote de Rafale devrait donc analyser rapidement une situation tactique, évaluer les risques et prendre une décision engageant potentiellement son pays. Réfléchir vite et bien est le propre du pilote de chasse.
Pour l’heure, la confrontation reste feutrée et se joue sur le terrain des images. Celles ramenées par l’appareil photo, l’OSF (Optronique de Secteur Frontal) ou la nacelle Talios du Rafale font le bonheur du lieutenant Virgile, officier renseignement, et de sa petite équipe composée d’un interprétateur photo, un opérateur renseignement, un exploitant renseignement et deux spécialistes de guerre électronique. La cellule est en contact direct 24h/24 avec le CAOC (Combined Air Opération Center) installé à Udem, en Allemagne.
C’est ce CAOC qui contrôle l’ensemble des opérations dans l’espace aérien des pays baltes. C’est également le CAOC qui donne l’ordre, le cas échéant, de faire décoller la patrouille d’alerte. A l’équipe du lieutenant Virgile ensuite de lui transmettre un compte-rendu de la mission.
« Nous donnons un produit fini à l’OTAN explique l’officier. Des images, mais aussi l’analyse de la façon dont s’est faite l’interception : le comportement de l’avion à identifier était-il simplement passif ou bien a-t-il fait preuve d’agressivité, par exemple en s’engageant dans des manoeuvres violentes ? »
Le ressenti du pilote est essentiel dans ce travail d’analyse. Chaque interception (encore que le mot semble mal choisi, puisqu’il s’agit avant tout d’observer un autre avion qui n’est pas dans l’illégalité) est unique dans son déroulement. Le type d’avion, son point d’origine, sa destination, la météo, les circonstances, tout contribue à nourrir des scénarios à chaque fois différents.
La plupart des pilotes du détachement français de Siauliai ont déjà une expérience des Opex, avec à la clef des missions de bombardement, comme par exemple dans le cadre de l’opération Chammal contre l’Etat Islamique « La pression est très différente dans ce cadre-là, explique un capitaine. Les missions sur la Baltique sont en général beaucoup plus courtes, la fatigue propre aux longues missions d’appui-feu est absente. Mais on fait face en revanche à plus d’inconnues. Quand l’alerte est déclenchée, la première urgence est d’aller très rapidement à l’avion et de décoller. Les informations sur le scénario qui nous attend nous sont transmises progressivement pendant le vol par les contrôleurs d’interception lituaniens. Il faut être prêt à faire face à un grand nombre de possibilités ».
Le détachement de Siauliai vit en fait au rythme de semaines « hot » avec tenue d’alerte, ou « cold » réservées aux entrainements et aux « Tango Scramble ». Pendant les semaines « cold », les interceptions réelles sont assurées par les autres détachements de l’Otan dans les états baltes. Aux côtés des Rafale français, on trouve en ce moment quatre F-16 polonais à Siauliai et autant d’Eurofighter de la Luftwaffe en Estonie. Au total, l’OTAN déploie donc douze avions de combat en trois « plots », chaque nation prenant la semaine d’alerte à tour de rôle. Et quand l’une prend l’alerte, les deux autres peuvent se retrouver pour des exercices conjoints : « Hier nous avons fait du DACT (Dissimilar Air Combat Training) avec les Allemands, tout en nous ravitaillant sur un Airbus britannique, avec le guidage de contrôleurs lettons » résume le Lcl Jonathan.
« Nous profitons également de l’emport d’une nacelle de guidage laser Talios sous l’un de nos avions pour nous entrainer avec les contrôleurs avancés (JTAC) lituaniens. Ils sont qualifiés par l’OTAN, la formation est très standardisée et leur savoir-faire est comparable à celui des JTAC des autres pays de l’alliance ». Le paysage uniformément blanc ne facilite pas le travail de guidage, mais est-ce si différent finalement du travail dans le Sahel où les points remarquables ne sont pas toujours nombreux au sol ? On peut en revanche se demander si l’utilisation d’un Rafale équipé d’une nacelle Talios et de deux réservoirs de 2.000 litres, une configuration empêchant de facto de passer en supersonique, est compatible avec des missions d’interceptions…
« Oui elle l’est ! répond sans hésiter le Lcl Jonahtahn. D’abord parce que la nacelle Talios fait un très bon complément à l’OSF et à l’appareil photo pour l’identification et le recueil de renseignement. Ensuite parce qu’il reste toujours dans la patrouille un des deux avions capable de passer supersonique si la situation l’exige. Avec d’ailleurs la possibilité pour l’avion subsonique d’obtenir une meilleure appréciation de la situation tactique en restant en retrait… »
Une bonne appréciation de la situation est primordiale, parce qu’avant de se jeter à la gorge d’un adversaire, les Rafale de Siauliai sont bien là pour dissuader, lever des doutes et contrôler une situation. Et finalement tout faire pour éviter une escalade que personne ne souhaite.
Frédéric Lert
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