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Tom Enders plaide pour une Europe de la Défense

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Pierre Sparaco

L’Europe de la Défense tarde singulièrement à devenir réalité, les efforts en termes de programmes industriels sont trop dispersés, l’efficacité n’est pas au rendez-vous : tel est le credo de Thomas Enders, président exécutif de l’Airbus Group, ex-EADS. Et il le dit haut et clair.

L’accoutumance est telle que les plus réalistes des commentateurs perdent tout recul : le « lobby » militaro-industriel, expression qui n’est pas nécessairement péjorative, se perd constamment dans de vaines circonlocutions pour éviter tout risque de froisser ou de mécontenter les politiques, les autorités de tutelle, les Etats clients. D’où un discours policé, sans relief et souvent …sans contenu. Dans ce contexte, Tom Enders fait figure de brillante exception. Et chacun devrait lui en savoir gré.

Il arrive d’ailleurs au président exécutif de l’Airbus Group (ex-EADS) de se moquer lui-même de ses propos qu’il qualifie de peu diplomatiques mais personne n’ose pour autant lui adresser de quelconques reproches. Et, en ces temps difficiles de restrictions budgétaires et d’inquiétudes ukrainiennes, la langue de bois apparaît plus que jamais comme une règle absolue.

Comme par hasard, de ce côté-ci de l’Atlantique, on ne parle guère des propos tenus il y a peu par Tom Enders à Washington, à la tribune de l’Atlantic Council, un club d’atlantistes de haut niveau qui s’efforce de relayer, notamment, les propos de grands industriels entrés de longue date dans la « vraie » mondialisation. Et bien que l’Airbus Group soit, de fait, tiré par son chiffre d’affaires civil, il demeure une puissance militaire importante et entend bien le rester, malgré des circonstances pour l’instant très défavorables.

Ainsi, depuis la fin de la Guerre froide, la part de l’Europe dans les dépenses de l’OTAN est tombée de 50 à 25 % et celle de la Défense dans le PIB des principaux pays du Vieux Continent tend dangereusement vers un petit 1,5 %, contre 4 % environ aux Etats-Unis. C’est précisément un thème de grande actualité, les dépenses militaires françaises risquant une fois de plus de jouer le rôle bien involontaire de valeur d’ajustement budgétaire.

Tom Enders dénonce aussi en termes sévères l’inefficacité européenne. L’Europe, souligne-t-il, entretient dix-sept lignes de production de chars et de véhicules blindés (deux seulement aux Etats-Unis), seize types de frégates, 89 programmes d’armements divers. Un « malaise » européen, ajoute-t-il, à des conséquences profondément négatives sur l’industrie et les dépenses vont principalement à des programmes nationaux alors qu’il faudrait mettre les moyens en commun et multiplier les réalisations multinationales. Et c’est ici que le discours se durcit, à l’occasion d’un commentaire sur l’OCCAR dont les responsables contrôlent « jalousement » le devenir pour s’assurer que l’agence ne devienne pas vraiment efficace. Demeurent des répartitions des tâches très nationales, des méthodes d’achats nationales, aux dépens des contribuables et de l’industrie.

Pour éviter de rester dans les généralités, Tom Enders cite des exemples qui font mal, à commencer par l’A400M. Lui seul ose rappeler qu’en son temps, Airbus, maître d’œuvre, avait choisi le moteur proposé par Pratt & Whitney Canada mais avait dû, sous la pression des politiques, se résoudre à utiliser un propulseur encore à concevoir par un consortium. Avec les conséquences désastreuses qui, en leur temps, défrayèrent la chronique. Dans le même esprit, l’hélicoptère NH-90 n’est pas épargné : il compte plus de versions différentes que de pays clients.

Les belles déclarations sont légion mais les actes sont rares, déplore le patron de l’Airbus Group, peu enclin à faire l’impasse sur les manquements répétés qui constituent autant d’obstacles sur la voie d’une efficacité budgétaire et industrielle accrue. L’audience de haut niveau de l’Atlantic Council, ce jour-là, a sans doute été surprise par tant de franchise. Et, à n’en pas douter, Tom Enders serait prêt à tenir les mêmes propos dans une capitale européenne. Mais les habitudes politiquement correctes, désastreuses, ne semblent toujours pas le permettre.

Pierre Sparaco

Le 2 janvier 2014, à Toulouse, Tom Enders hisse les couleurs du groupe EADS rebaptisé Airbus Group
Tom Enders, président d'Airbus Group, va droit au but
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Pierre Sparaco

View Comments

  • Tom Enders plaide pour une Europe de la Défense
    Bonjour,
    avant de vouloir rassembler nos moyens de production d'armement, encore faudrait-il avoir des objectifs politiques identiques.
    Ne serait-ce qu'au niveau européen.
    Il suffit de voir l'Intervention française au mali pour comprendre que tel n'est pas et ne sera jamais le cas.
    Alors.......

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