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Défense

Un nouveau rapport du BEA-E impliquant un Rafale M

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Frédéric Lert

Le 4 avril 2023, le Rafale M n°39 de la flottille 11F est victime d’un grave incident mécanique et doit rentrer à Landivisiau en monomoteur. Le rapport publié ces jours-ci par le Bureau enquêtes accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État est extrêmement instructif, une fois de plus. Il nous en apprend notamment beaucoup sur le fonctionnement des aéronefs modernes.

La scène se passe de nuit, lors d’un entrainement à l’assaut de nuit en très basse altitude avec une patrouille de quatre Rafale M. Il est 21h20et les avions travaillent au-dessus de la mer, à environ 100 nautiques de Landivisiau. Voici le récit qu’en fait le BEA-E au terme d’un travail d’enquête comme d’habitude très pointilleux :

« Après avoir accéléré vers 480 kt enlégère montée, le pilote n°3 d’une patrouille de quatre Rafale perçoit une détonation et un flash lumineux, ressent de fortes secousses, suivies de l’allumage des alarmes « R.ENG VIB »et « R.ENG FLAMEOUT » associées au moteur droit. Il annonce immédiatement un « stop combat (…) Le pilote n°3, qualifié chef de patrouille, a pour équipier le pilote n°4 qui est à l’entraînement pour acquérir la qualification de pilote opérationnel. La patrouille monte à 5 000 ft en direction du terrain de Landivisiau et la décision est prise de ne pas rallumer le moteur droit. (…) Le pilote n°4 se rapproche du pilote n°3 pour procéder à une vérification visuelle de l’aéronef sur d’éventuels dégâts, feu ou fuite carburant. Il ne remarque aucune anomalie sur l’avion de son leader.

Le pilote à bord de l’avion endommagé procède alors à une vidange carburant pour alléger son aéronef jusqu’à la masse permettant un atterrissage monomoteur. Une fois en bon contact radio avec le contrôle local d’aérodrome et à 25 nm du terrain, en coordination avec le n°3, les autres appareils de la patrouille font demi-tour pour poursuivre leur mission. La finale et l’atterrissage avec prise de brin se passent sans encombre et le pilote roule en autonomie jusqu’au parking.L’aéronef est endommagé, le pilote est indemne.

Le rapport d’enquête du BEA-E nous apprend ensuite que le Rafale M n°39 affiche alors 3076 heures de vol et ses moteurs gauche et droit respectivement 3181 et 3468 heures de fonctionnement. Le dernier chantier du moteur droit a été réalisés sur le porte-avions Charles de Gaulle le 6 février 2023, avec à la clef le remplacement de plusieurs modules du réacteur, dont la turbine haute répression. Depuis, il a accumulé 68 heures de vol.

Au terme de son analyse technique du moteur endommagé, le BEA-E reconstitue le scénario de l’incident :

« A 21h20, alors que la Rafale n°39 est en montée vers 5 000 ft en plein gaz sec, laube n°27 de la turbine HP se rompt consécutivement à la propagation dune crique de type C en base de pale entraînant la destruction de l’ensemble de la turbine HP. Le moteur perd du régime, commence à vibrer et un pompage moteur s’initie. Les alarmes « R.ENG VIB » puis « R.ENG FLAMEOUT » s’affichent sur le tableau dalarme. Le calculateur moteur tente plusieurs rallumages en automatique sans succès. Le pompage a pour effet dinverser le flux dans la veine dair, provoquant les autres déts constatés sur le moteur et l’aéronef (…) Une partie des débris des pièces rompues est fondue dans la chambre de combustion, certains étant retrouvés sur les volets de la tuyère.

Quant à la cause racine de la rupture de la crique, le BEA-E explique que l’état de la pièce ne permet pas d’en déterminer avec certitude l’origine. Une amorce en fatigue est citée comme étant l’hypothèse la plus probable. Tout indique d’ailleurs que cette crique sur l’aube n°27 était déjà présente lors du dernier contrôle binoculaire, mais n’a pas été identifiée par l’opérateur en charge du contrôle. S’ensuit dans le rapport un long développement sur les raisons ayant pu conduire à cette non détection lors des opérations de contrôle. Celles-ci ont été effectuées sur le porte avions et c’est justement l’environnement du navire et ses contraintes particulières qui prennent une place centrale dans les hypothèses émises sur les raisons de cette non détection. Le passage sur ce travail de maintenance, aussi peu connu qu’il est exigeant, est extrêmement intéressant.

Quelques paragraphes sont également consacrés à la gestion de l’incident et notamment au fait que l’avion endommagé se soit retrouvé seul, de nuit, pour les sept dernières minutes de vol (en monomoteur) avant son atterrissage, les trois autres appareils repartant s’entrainer. Une décision qui fait tiquer les rapporteurs et qui est le fruit d’un compromis entre l’exigence d’accompagner l’avion endommagé et une volonté de mener à bien, avec les trois avions restants, un exercice nécessitant une préparation complexe et un nombre conséquent d’aéronefs.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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