Le 22 septembre 2023, un Rafale de l’armée de l’air et de l’espace est intervenu pour porter assistance à un DR400 en panne de radio et de transpondeur. Aerobuzz a pu recueillir le récit détaillé de cette mission auprès du pilote du Rafale. Un cas d’école et l’illustration parfaite du fonctionnement de la « permanence opérationnelle ».
Le capitaine Romain est un chef de patrouille très expérimenté, avec près de 4.000 heures de vol à son crédit. Il est aujourd’hui commandant d’escadrille au sein de l’escadron de chasse 3/30 Lorraine et il évolue sur Rafale depuis une dizaine d’années, après une première partie de carrière sur Mirage 2000C à Cambrai.
Le « Lorraine » est un habitué des permanences opérationnelles (PO), fournissant en temps normal un « plot », et parfois même deux. Les travaux en cours sur la base d’Orange font que cette PO est installée en cette fin d’année 2023 sur la base aérienne 125 d’Istres, dans les installations auparavant occupées par les Mirage 2000N des Forces Aériennes Stratégiques. Chaque plot de PO en France regroupe deux avions de chasse, deux pilotes et cinq mécaniciens, tous déployés en groupe pour des vacations d’une semaine, du jeudi au jeudi. Voici le décor planté, revenons à présent au 22 septembre 2023…
Il est un peu plus de 18h et le premier pilote d’astreinte est donc le capitaine Romain. Son camarade, le commandant Matthieu, vient de lui passer le relais quelques minutes auparavant. Le contrat est clair : le premier pilote doit pouvoir décoller en quelques minutes, le second se tenant en réserve. Le pilote est donc en tenue de vol avec pantalon anti-G et il se tient à quelques mètres de son avion, le casque et le gilet de combat à portée de mains. Le Rafale est équipé de son canon de 30mm alimenté à 125 obus et de deux missiles MICA (un à guidage électromagnétique et l’autre à guidage infrarouge). Un bidon de 1.250 litres dit « supersonique » (c’est à dire permettant à l’avion de passer supersonique sans devoir être largué) complète ses charges. La masse au décollage est d’une quinzaine de tonnes.
Le klaxon d’alerte sonne et la lumière orange s’allume : il s’agit d’une intervention réelle pour une mission d’assistance. Une lumière verte aurait signifié un entraînement et une lumière rouge une interception contre un appareil hostile. Donnons maintenant la parole au capitaine : « Je suis scramblé par le directeur des vols d’Istres qui a lui même été prévenu par le CNOA (Centre National des Opérations Aériennes) installé à Lyon. Le niveau de risque indiqué est « moyen », ce qui traduit en fait l’acceptation d’une certaine prise de risque en matière d’évolution à basse altitude et basse vitesse ».
Aidé par son pistard, le capitaine se précipite vers son avion après avoir ramassé son casque et son gilet de combat à la volée. La visite pré-vol a été faite à la prise d’alerte, inutile de la refaire. Installation à bord, lancement de la centrale inertielle, fermeture de la verrière, lancement des moteurs, débranchement du groupe de parc… le Rafale roule et il s’est à peine écoulé une toute petite poignée de minutes depuis le coup de klaxon.
« La tour d’Istres me donne la priorité pour rejoindre la piste. Je roule rapidement, alignement, manette en avant et décollage. Les roues quittent le sol à 18h15 et le contrôleur d’Istres me donne un premier cap et une première altitude avant de me transférer au contrôleur tactique qui va me guider vers ma cible. J’accélère à Mach 0,95 vers le niveau 200 quand les premières infos me parviennent sur la mission : il s’agit d’une mesure d’assistance réelle sur un DR400 qui a décollé du Castellet, avec pour destination Saint Etienne. L’avion est en panne électrique, sans radio, ni alternateur ou batterie ».
Le pilote, seul à bord, a eu le temps de voir venir la panne et a contacté Aix pour annoncer ses problèmes et demander une assistance. L’information a été très vite passée au CNOA qui a déclenché la PO. Il fait encore jour à 18h15, le plafond est correct, environ 9.000 pieds, mais il se dégrade dans la vallée du Rhône.
« Quand le contrôleur tactique me prend en compte, le DR400 n’est qu’à une quarantaine de nautiques de ma position. A Mach 0,95, il me saute aux yeux ! J’ai passé la zone de Marseille, j’ai Avignon devant moi et je commence à descendre. Etant en intervention réelle, je suis prioritaire partout où je passe. Mon code transpondeur agit comme un véritable gyrophare ! Très rapidement, je vois le DR400 au radar et la position de l’avion est confirmée non seulement par le contrôleur tactique, mais aussi par un E-3F (Awacs) qui est dans la région pour assurer la surveillance du ciel au-dessus de Marseille à l’occasion de la venue du Pape ! »
Le Rafale rejoint le DR400 après quelques minutes de vol. Le pilote ralentis pour se mettre en formation sur l’avion léger, mais il est encore un peu trop lourd, avec trop peu de carburant consommé jusque là, pour descendre en dessous de 150 noeuds. Une tentative de liaison radio confirme que la radio du DR est bien morte.
« Je double donc le DR400 avec une vitesse relative d’une cinquantaine de noeuds. Ca reste très modéré, cela revient à doubler un poids-lourd sur l’autoroute… Je suis à 26° d’incidence, mais l’avion reste très stable, parfaitement contrôlable et aussi très sécurisant. Merci les commandes de vol électriques et la présence des deux réacteurs ! Je fais donc un passage lent, échange quelques signaux visuels, puis je breake pour faire un hippodrome qui vient ensuite me replacer sur ma positions départ. Le pilote bat des plans pour me faire comprendre qu’il m’a bien pris en compte. J’engage ensuite un petit virage par la droite pour éviter le survol de la centrale nucléaire de Tricastin. Là j’ai un petit moment d’inquiétude, car le DR400 est un peu trop dans mes 6 heures et à mon altitude de vol. J’ai peur qu’il prenne mon souffle… Je me décale et comme entretemps le réservoir supplémentaire s’est vidé, je peux accéder à un mode plus fin des commandes de vol et descendre à 100 noeuds pour ensuite venir me placer en patrouille à son niveau. Le DR400 s’est mis en légère descente, vers 2.500 pieds, je pense qu’il le fait pour gratter quelques noeuds et me faciliter la tenue de patrouille. Et là, le pilote me fait signe avec son pouce en l’air en me montrant son téléphone portable ».
Pendant que le Rafale rejoignait l’avion, le CNOA avait en effet réussi à appeler l’aéroclub du pilote et obtenir son numéro de portable. Il l’avait ensuite appelé directement pour le prévenir qu’un Rafale était en route pour l’assister et lui proposer un déroutement : poursuivre vers le nord n’était plus possible en raison de la dégradation de la météo. Un atterrissage était envisageable à Valence ou, mieux, Montélimar, le terrain le plus proche. C’est ce terrain qui est choisi par le pilote et l’information est relayée au capitaine Romain. Un battement d’aile et le Rafale prend le lead de la formation, direction le terrain installé au nord de la ville, en bordure du Rhône.
« On était donc en légère descente et nous avons fini vers 1.000 pieds quand le DR400 a entamé son circuit d’atterrissage. Pour un Rafale évoluant à cent noeuds, cela représente une certaine prise de risque mais elle assumée par le commandement dans le cadre d’une mission d’assistance. Le risque, ça peut être la collision avec un oiseau avec la perte d’un moteur ou plus encore un abordage, les avions et ULM sont nombreux à circuler en basse altitude dans la région… Arrivé en vue du terrain, je suis monté à 2.500 pieds tout en m’assurant que le DR400 se posait correctement. Le contrôleur tactique m’a ensuite signifié la fin de la mission et je suis remonté en moyenne altitude ».
Le Rafale se repose à 19h15 sur la BA125, moins de 50 minutes après le déclenchement de l’alerte. Il a brûlé environ trois tonnes de carburant.
« Dans les minutes suivantes, j’ai eu le plaisir d’avoir le pilote du DR400 au téléphone poursuit le capitaine Romain. Il était très heureux d’avoir pu bénéficier de l’assistance de l’Armée de l’air et de l’espace dans cet espace aérien très encombré. Pour ma part, j’étais extrêmement satisfait de ce vol qui avait montré le bon fonctionnement de toute la chaine de responsabilité, depuis la détection, la coordination avec le contrôle civil, la conduite de l’opération par le CNOA, jusqu’à l’exécution par l’équipe de la PO en lien avec le contrôleur tactique ».
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Excellent! Merci
F. Henriot
Merci pour ce reportage captivant.