Et de trois ! Jeudi 7 mai 2015, un avion cargo a livré à Niamey le troisième MQ-9 Reaper acheté par la France à General Atomics. Cet appareil vient rejoindre dans la capitale nigérienne les quatre autres drones qui y sont déjà utilisés par l’Escadron de Drone 1/33 Belfort.
La France dispose donc maintenant à Niamey de deux Harfang (fruit d’une coopération entre EADS et IAI), et trois Reaper. Le Harfang, spécialiste de l’intérim qui dure, est poussé par un Rotax 914F turbocompressé de 115 cv. Avec 1,2 tonne au décollage, il ne dépasse guère les 180 km/h à un niveau de vol à la portée d’un DR400. En même temps ça tombe bien, parce qu’au delà, ses capteurs de technologie ancienne ne verraient plus grand chose. Le Reaper, c’est autre catégorie : 4,5 tonnes au décollage, une turbine de 900 cv sous le capot, des vitesse de croisière et une altitude d’opération deux fois et demi supérieures à celles du Harfang. Et des caméras bien plus affûtées.
En août 2013, pressée par les événements du Mali, échaudée par les campagnes précédentes en Afghanistan et en Lybie, la France a finalement passé commande d’un premier système Reaper aux Etats-Unis. Par « système » il faut comprendre un ensemble de trois drones et deux cabines de contrôle, de manière à pouvoir relayer les équipages et assurer une permanence en vol. Quelques semaines avant cet achat, Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense, avait même expliqué que la France avait « raté le rendez vous des drones ». On le savait déjà mais ça faisait du bien de l’entendre dire par un haut gradé.
Pour rattraper le coup, il avait donc fallu acheter sur étagère à l’étranger. La France avait donc opté pour un matériel fiable, performant et éprouvé. Mais pour marquer sa différence, Paris avait alors décidé que ses appareils ne seraient pas armés, à la différence des Britanniques et bien entendu des Américains. Quand un opérateur d’Harfang détecte une cible bonne pour être vaporisée, il fait appel aux chasseurs bombardiers de l’armée de l’air ou à tout autre appareil disponible. Pas toujours pratique. Rappelons d’ailleurs au passage que les Américains ont également basé deux Reaper à Niamey, dans une enceinte contiguë à celle des Français.
Une autre épine dans le pied de l’armée de l’Air touche à l’utilisation quotidienne des appareils. Les deux premiers appareils ont été livrés rapidement, dans les dernières heures de 2014. Entre la commande et la livraison, les équipages de l’armée de l’Air (pilote et opérateur des capteurs) se sont rendus aux Etats-Unis pour y être formés à leur utilisation, mais avec un bémol : dans le contrat de vente, il était précisé que les décollages, atterrissages seraient assurés par des employés civils de General Atomics. Officiellement par manque de temps pour former les Français à ces phases de vol délicates.
Car à la différence du Harfang, le Reaper block 1 acheté par la France ne bénéficie d’aucun automatisme au décollage et à l’atterrissage. Non pas que les ingénieurs de General Atomics aient été moins intelligents que ceux d’EADS. Mais parce qu’il avait fallu faire des choix pendant le développement de l’appareil, la priorité avait été donnée à la mise au point du système d’arme et à une mise en service très rapide. Les automatismes sont à présent annoncés pour la version block 5 du Reaper.
La Loi de programmation militaire prévoit l’acquisition d’ici 2019 par la France de quatre systèmes (donc 12 aéronefs) et il était prévu que le deuxième système fasse justement appel à des block 5. Mais une fois de plus l’urgence devra commander : pour gagner du temps et recevoir les prochains Reaper dès 2016, il faudra sans doute se contenter une fois encore de block 1, avec donc les décollages et atterrissages manuels. On se console en se disant que ce délai permettra de former des pilotes français. Sauf que du côté américain, on explique qu’il faut environ 600 heures d’expérience sur l’appareil pour prétendre à cette formation.
Sur les 8 pilotes français déjà formés, certains se rapprochent de ce niveau d’expérience. Et comme tous sont, à la base, des pilotes de chasse, la conduite du motoplaneur devrait être à leur portée. Mais deux autres obstacles viennent contrecarrer ces plans : le premier est, dit-on, le manque de place dans la filière de formation américaine. Le deuxième est plus vicieux : des pilotes qui seraient formés exigeraient de s’entrainer régulièrement pour garder la main. Or les Reaper n’ont pas été « francisés » et fonctionnent avec des gammes de fréquences américaines leur interdisant de facto de voler en France : ils sont pour l’instant cantonnés aux opex.
L’entretien des qualifications obligerait donc les pilotes à multiplier les allers-retours depuis la base aérienne de Cognac, leur port d’attache, vers le Niger ou les Etats-Unis. Bref, rien n’est simple quand on agit dans l’urgence. Pour de nombreux mois encore, les seize contractuels de General Atomics, en tee shirt et baskets, se chargent donc de ce travail à Niamey. Ils font décoller les appareils, les mettent à la bonne altitude et sur le bon cap et passent le relais aux militaires français. Au retour, le processus est inversé. Entre deux vols, ils sont également responsables de la maintenance des appareils.
Frédéric Lert
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Un troisième Reaper français à Niamey
La chaine de commandement française ne doit pas permettre à un drone de tirer tout seul, même si il a détecté la bonne cible. Parce qu'il n'est pas en contact avec Matignon ou l'Elysée... Lourdeurs administratives franco-françaises.
Un troisième Reaper français à Niamey
Voici encore une belle démonstration qui milite pour une industrie militaire, nationale, indépendante de tout allié.