« La France est en voie de désindustrialisation. » L’alerte a été lancée cette semaine par Geoffroy Roux de Bézieux. Le président du Medef rejoint le ministre des Finances qui, quelques jours plus tôt, avait pris Safran en exemple pour illustrer la menace. Le groupe aérospatial a décidé de reporter sa décision d’implanter, à Feyzin, dans la proche banlieue lyonnaise, sa nouvelle unité de production de freins carbone. La pandémie a déjà retardé de trois à quatre ans ce projet de 230 M€. Lui faire traverser l’Atlantique est désormais une option. Et le pire dans cette affaire, c’est que les raisons avancées de ce revirement sont recevables.
« L’énergie représente 40% du coût de la fabrication des freins carbone », affirme Olivier Andriès, le président de Safran. Depuis 2019, date du lancement du projet de Feyzin, le prix de l’énergie a été multiplié par cinq en France. Il est resté stable aux Etats-Unis et en Asie. Safran en tant qu’équipementier aéronautique est obligé de se poser la question. Et le faire publiquement est peut-être un bon signe du point de vue lyonnais. Et pas seulement…
Safran met les décideurs politiques locaux, français et européens face à leur responsabilité. Il se fait le porte-parole des industriels en ramenant le débat politique sur la désindustrialisation, au niveau du terrain. Les déclarations politiques de bonnes intentions ne suffisent pas. Il faut des actes. Les mécanismes européens de tarification des énergies créent des aberrations et conduisent aux distorsions auxquelles sont confrontés, actuellement, les entrepreneurs. Sans remettre en question la solidarité européenne, il y a sans doute des assouplissements à apporter à cette usine à gaz… Qu’est-ce qu’on attend ?
Le coût de l’énergie, c’est l’actualité chaude. Mais ce n’est pas le seul frein à la réindustrialisation de la France. Les difficultés de recrutement ne facilitent pas le mouvement. En région, et en particulier en Auvergne-Rhône-Alpes, les initiatives se multiplient dans le domaine de la formation professionnelle ciblée, mais tout prend du temps. Les lourdeurs administratives ne sont pas une fatalité. Elles restent un frein qui peut décourager les plus entreprenants. Et ne parlons pas des autorisations de permis de construire…
Quand le consensus politique est réuni, ça fonctionne. Hexcel en est l’exemple. Le spécialiste américain de la fabrication de fibre de carbone possède trois implantations en Auvergne-Rhône-Alpes (plus de mille salariés). Elles sont toutes les trois proches de Feyzin. Outre la proximité géographique avec Airbus (pour l’A350 XWB) et Safran (moteur LEAP de CFM International), plusieurs raisons ont guidé son choix, notamment le coût de la fourniture d’électricité. En France, Hexcel a implanté ses sites de production à l’ombre des centrales nucléaires de Saint-Alban et du Bugey. Bien que ce ne soit évidemment pas sa motivation première, à son niveau, Hexcel contribue à la réindustrialisation de la France. En pareil cas, les dirigeants politiques préfèrent parler de l’attractivité de la France.
Au-delà du débat du moment, pour Safran comme pour Hexcel, et d’une manière générale pour tous les équipementiers et sous-traitants de la filière aéronautique, l’implantation géographique est liée à la localisation des clients finaux. Les avionneurs et motoristes pour la première monte, les compagnies aériennes et la maintenance, pour les pièces de rechange. L’industrie aéronautique est mondialisée, parce que les avions sont partout autour de la planète.
Ce serait bien néanmoins que les collectivités locales et l’état français trouvent les bons arguments pour convaincre Safran de créer le plus moderne des sites de production de freins carbone dans la région lyonnaise, à deux pas de son centre de recherche. A quelques centaines de kilomètres de Toulouse et d’Hambourg aussi…
Gil Roy
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vous oubliez le dialogue social et l’élitisme managérial à la française - la culture d‘entreprise des gd groupes, du système éducatif, des employés et syndicats français est un véritable frein carbone du maintien de l‘industrie en France!
bon baiser de Berlin.
Il me semble que si Hexcell est implanté vers Lyon, c'est au départ parce qu'ils ont racheté à Brochier SA la partie fibre composites à la fin des années 90. Lyon a d'ailleurs une forte historique sur les tissus.
Depuis ils se sont développés de façon impressionnante