Bonjour tristesse…

Depuis quelques mois déjà, la situation se dégradait. Des petits gestes de la vie quotidienne qui prenaient de faux airs de déclaration de guerre, ou d’opération spéciale comme on dit maintenant. Ce lancinant sentiment que la vie commune n’était plus possible, que le divorce n’était plus vu comme un problème mais comme une solution.

Et voilà que sont arrivées, le 12 septembre dernier, les déclarations du général Eberhard Zorn, chef d’état-major de la Bundeswehr. Et qu’a dit Zorn ? Qu’il préférait des matériels qui roulent et qui volent à des projets européens à l’avenir très flou. Comment lui en vouloir ? Zorn ne dit pas que des Zornettes et tous les chefs d’état-major du monde pourraient s’exprimer comme lui.

Après quelques décennies de vie commune d’un couple à la Dubout, c’est un peu comme si le mari français s’apercevait que l’épouse allemande avait passé son temps à simuler…  Horreur, malheur ! Le Transall, l’Alphajet, le Milan et le Roland, ce n’était pas de l’amour, c’était le devoir conjugal. Tout ça pour se racheter d’avoir fauté quelques années plus tôt avec un aventurier moustachu, pour nous faire plaisir, pour nous laisser assouvir notre passion pour les avions et les trucs de mecs. Pendant ce temps, miss Allemagne faisait des choses utiles, gérait les comptes, tenait la maison et construisait des Mercedes. Elle tenait tellement à ce partage qu’en 2018, le bon général Müllner, chef d’état-major de la Luftwaffe, se fit sèchement remercier pour avoir évoqué sa préférence pour le F-35 face à l’Eurofighter. Mein Gott ! Il avait eu le malheur d’avoir raison trop tôt.

Car depuis que Vladimir s’est entiché de l’Ukraine, l’Allemagne a sifflé la fin de la récréation et viré casaque. Point de salut hors de l’Otan et de l’amant américain. Surtout que le voisin polonais avait déjà mis la barre bien haut avec des centaines de blindés, d’obusiers, d’hélicoptères et d’avions de combat commandés Outre-Atlantique. Qui sait si à force d’écouter du Chopin, les Polonais n’allaient pas se décider un jour à envahir la Teutonnie ? Hypothèse totalement insupportable pour Berlin qui décida donc de réarmer.

Et quand l’Allemagne agit, tout le monde l’écoute. Et quand elle dit que l’Europe de la défense se fera sous leadership américain, personne ne proteste. A part (peut-être) la France, éternelle rebelle, qui finira cocue et SDF, collectionneuse d’APL et de RSA. Alors adieu veaux, vaches, cochons, Tigres, MGCS, MAWS, SCAF et autre CIFS. Adieu les acronymes, bonjour le monde réel… Et bonjour tristesse !

Frédéric Lert