Cette semaine, au moment où Michael O’Leary renvoyait Carsten Spohr dans ses 22, Anne Rigail encaissait les premiers euros de sa contribution « Carburant Aviation Durable ». Le tacle du patron de Ryanair sur le PDG de Lufthansa, à propos des « vols fantômes », a totalement occulté la mise en œuvre du dispositif inédit imaginé par Air France pour amortir le surcoût du carburant d’aviation durable. Le spectacle d’abord…
Dans les années 2010, quand le cours du pétrole s’est envolé, le transport aérien a instauré la « surcharge carburant » qui aux yeux des passagers a été assimilée à une nouvelle taxe. Dix ans plus tard, il n’est plus question de taxe, mais de « contribution ». Le passager ne subit plus. Il est associé à l’effort de réduction des émissions de CO2. Les temps changent, les mentalités évoluent. La communication s’adapte…
Depuis le 10 janvier 2022, Air France facture donc de 1 à 4 euros supplémentaires en classe Eco, et de 1,50 à 12 euros en classe Affaires, selon la distance. La compagnie justifie sa décision, en expliquant que le carburant d’aviation durable coûte 4 à 8 fois plus cher que le kérosène classique. Un surcoût lié aux quantités disponibles « encore très limitées », explique-t-elle.
Le transporteur rappelle au passage que depuis le 1er janvier 2022, la réglementation française impose une incorporation moyenne de 1% de carburant d’aviation durable pour les vols au départ de la France.
Toujours aussi prompte à montrer l’exemple, la compagnie porte-drapeau française est convaincue qu’il est possible, dès la première année, de faire mieux, et ainsi d’accélérer la mise en place d’une filière de production. Après avoir renoncé à opérer une partie de ses vols domestiques au profit du train, à la demande du gouvernement français, Air France affirme désormais qu’elle ne se contera pas de 1%. Elle vise 15.000 tonnes dès la première année, soit « bien au-delà du mandat obligatoire ».
Elle incite même ses clients à la suivre dans sa démarche vertueuse en « contribuant volontairement à l’achat de carburant d’aviation durable supplémentaire » sur son site pour réduire l’empreinte carbone de leurs voyages. Bientôt, il leur sera même possible d’en acheter avec leurs miles. Ce n’est plus un drapeau, c’est un étendard…
Cette implication de ses clients est la voie choisie par Air France pour convaincre le public que le transport aérien est à la hauteur de l’enjeu. C’est aussi une manière courageuse d’amener les passagers à une prise de conscience : la transition énergétique du transport aérien ne se fera pas sans eux. Ou alors, elle se fera sur le dos des assistants en escale, des agents de sûreté et de l’armée de précaires par la répercutions des surcoûts. A un moment, il faut que quelqu’un règle la facture… C’est inéluctable.
Air France a le mérite d’oser placer ses clients devant leur responsabilité. La démarche est d’autant plus risquée que dans le même temps, le patron de Ryanair conseille à Lufthansa de casser ses prix, pour remplir ses avions, et en finir avec les « vols fantômes ». Entre promotion et contribution, le dilemme est cruel, même pour le passager-citoyen.
Gil Roy
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La façon de communiquer est en effet bien pensée. Cela étant, même si je comprends la notion d'inflation, force est de constater, que si les prix en toute logique augmentent, la qualité de service, y compris chez Air-France, diminue.
Il n'y a pas si longtemps que ça, on avait un bagage enregistré inclus dans le billet, un vrai repas - même dans les moyens courriers - un espace entre les sièges plus humain, les places aux issues de secours non surtaxées et tout ça, en classe éco. La classe éco d'antan est devenue éco "premium" avec un surcoût significatif par rapport à la classe éco régulière, qui a déjà augmenté en tarif, mais qui se rapproche des bétaillères O'Leariennes.
Je comprends que les taxes aéroportuaires y sont pour beaucoup - mais c'est aussi aux compagnies de faire front, face aux aéroports qui abusent - et ce genre d'augmentations seraient beaucoup plus acceptables, s'il n'y avait pas cette baisse de qualité de service.
Qu'il s'agisse d'Air France ou d'un aéroclub de province, il est essentiel de se montrer proactif dans l'amélioration de la performance environnementale des acteurs de l'aérien, face à l'évolution des mentalités sur le sujet et l'énorme pression qu'elle entraîne. S'il est bien évident qu'1% de carburant durable ne change grand chose sur le plan environnemental, et bien évident aussi qu'il n'est pas possible d'envisager rapidement une proportion beaucoup plus importante, eu égard aux capacités de production de ce type de produit, la démarche est plus que nécessaire, comme toutes les autres actions menées par les acteurs conscients du secteur aéro. Quant à la contribution demandée aux passagers, elle est indispensable et finalement pédagogique. Faisant comprendre, comme dit l'article, que "la transition énergétique ne se fera pas sans eux", les consommateurs, devenant conscients des impacts qu'elle entraine sur leur vie de tous les jours, peuvent être amenés à réfléchir sur leur propre niveau d'exigence en matière de transition, et des délais à imposer aux acteurs de "la vraie vie". Avouez qu'un peu moins d'idéologie et un peu plus de pragmatisme dans le domaine ne serait pas forcément du luxe...
Ben Smith n'étant pas naïf, j'ose espérer dans cette démarche vertueuse.
Cependant, entre volontariat écolo et réalisme éco, l'avenir dira quel sera le choix des passagers, s'ils seront prêts à choisir Air France pour se donner l'impression de participer à la sauvegarde de notre atmosphère.
Je crains que ceux qui survolent la Chine ou l'Inde n'y perdent leur vocation.
(Par ailleurs : Air France est déjà la compagnie la plus lourdement handicapée par tout un tas de taxes et charges.)
C'est encore de la "com" et toujours de la "com" car 4 euros multipliés par 250 passagers cela fait 1000 euros alors que l'on nous dit que ce carburant est 4 à 8 fois plus coûteux que le kérosène. Qui va payer réellement le surcoût ???? Les gens qui ne prennent jamais l'avion comme d'habitude.
non je ne pense pas qu'il s'agisse que de communication mais de développer une filière afin de faire baisser les coûts de production des SAF. Actuellement ils sont bien trop chers pour être autre chose qu'une goutte d'eau mais si la production se développe, les prix baisseront et ce sera une alternative crédible. La question est de faire un choix stratégique et de s'y tenir.
@ stanloc.
Un peu d'arithmétique ...
Considérons un A320 sur Paris-Toulouse qui emporte 170 passagers, il va consommer environ 2,4 tonnes de carburant : valeur moyenne qui dans la réalité dépend de la météo, de la masse réelle, du moteur (CFM versus LEAP) ... mais c'est ici un ordre de grandeur réaliste.
Pour Air France (et toutes les compagnies aériennes), le prix du kérosène est une info stratégique et très confidentielle; par ailleurs cette valeur est hautement volatile.
Je propose de considérer ici 500 €/tonne.
Depuis le 01 janvier 2022, la Loi de Finance impose aux compagnies aériennes d'incorporer 1% de SAF et si le volume n'est pas disponible de payer une pénalité en compensation.
Donc en incorporant 1% d'un produit coutant 8 fois de plus il est facile de calculer l'augmentation du prix moyen du carburant : 7%.
Pour revenir à notre avion : 2,4 tonnes x 500 € x 7% = 84 €
Répartis entre 170 passagers : environ 50 centimes/passager..
Alors si la facture de 1€ supplémentaire comprend les taxes associées et anticipe la volatilité du cout du kérosène, son ordre de grandeur ne me choque pas.
Seulement incorporer 1% de SAF cela ne va rien faire pour sauver la ^planète. C'est un coup d'épée dans l'eau et je persiste à dire que c'est purement de la com pour faire taire les plus virulents des écolos s'ils ne savent pas compter Parce que si vous refaite le calcul sur un Paris Los Angeles, qu'en sera t'il ?
D'autre part j'aimerais avoir la preuve que lorsqu'on voudra passer de 1% à 50% ce ne sera pas en utilisant de riches terres agricoles utilisées jusque là pour nourrir la population sans cesse plus nombreuse