En mai 2020, la filière aéronautique a eu le sentiment d’être trahie par les siens. Souvenez-vous ! Un collectif baptisé Supaero Decarbo composé d’anciens élèves de l’ISAE-Supaero, associé au laboratoire d’idées Shift Project, déclarait que le principal levier de réduction des émissions de CO2 de l’aviation était « la réduction progressive du trafic ». Dans le même temps, 700 étudiants du secteur aéronautique dont 335 de l’ISAE-Supaero signaient une tribune dans Le Monde pour plaider en faveur d’une réduction du trafic aérien.
Et comme si cela ne suffisait pas, l’année suivante, le duo Supaero Decarbo – Shift Project auquel s’était joint, entre temps, de nouveaux contributeurs, remettait ça, dans un nouveau rapport. Il proposait « l’ajustement du trafic aérien » au rythme du déploiement « des technologies décarbonantes ».
L’ISAE-Supaero se retrouvait une nouvelle fois en porte-à-faux. Son directeur ne pouvait que saluer « cette contribution de certains de ses élèves et de ses anciens à un débat public rationnel et structuré. » Toutefois, il tenait à souligner que « comme tout travail prospectif », la démonstration « repose sur des hypothèses dont certaines sont contestables et doivent encore faire l’objet de discussions approfondies. »
Le message reçu 5 sur 5 ; quelques mois plus tard, un sextet d’enseignants-chercheurs de l’ISAE-Supaero jetait dans la mare son référentiel « Aviation et Climat ».
A ce moment-là, ceux qui pensaient que la coupe était pleine, n’allaient pas être déçus…
C’était, en effet, sans compter sur les déclarations d’Augustin de Romanet, le 19 septembre dernier, sur BFM Business. « Il faudra inviter les gens à être plus raisonnables dans le voyage aérien ». Le patron d’ADP prévenait alors : nous devrons « accepter une certaine modération » pendant la période de transition, c’est-à-dire, selon lui, sur les 20 à 30 ans à venir. Une semaine plus tard, c’est l’ADEME qui lui emboitait le pas.
Que le débat interne soit notamment porté par la génération montante des ingénieurs aéronautiques peut déstabiliser certains. C’est pourtant une chance. La preuve de l’engagement de cette jeunesse en faveur de l’aéronautique qu’elle a choisie pour faire carrière.
L’ENAC vient d’annoncer qu’il a décidé d’accompagner ses élèves dans leur réflexion. Le 10 octobre prochain, elle lance « la rentrée climat« . Une semaine de formation et d’information sur les enjeux de la transition écologique du transport aérien. 400 élèves de première année concernés. Futurs pilotes de ligne, futurs ingénieurs de l’aviation civile, futurs contrôleurs aérien… tous mélangés dans le même bain. Ils seront notamment sensibilisés « aux controverses sociotechniques« . Belle réactivité.
L’aviation continue de faire rêver. Mais, la passion n’empêche pas de se poser des questions. Au contraire ! En faisant le choix de permettre un débat constructif de s’installer au sein même de leurs campus, l’ENAC, mais aussi les écoles du groupe ISAE, répondent à l’attente des futurs ingénieurs. Cette jeunesse engagée a la nouvelle aviation entre ses mains. De toute évidence, Augustin de Romanet lui fait confiance : « Sur le long terme, c’est le transport aérien qui sera le système le moins émetteur de CO2. Parce que l’infrastructure de l’avion c’est l’air. » Il ne reste plus qu’à le démontrer. Tous les talents sont les bienvenus.
Gil Roy
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Est il pertinent de généraliser le comportement méfiant des jeunes vis à vis de l’aérien ? Plusieurs études montrent que la masse communément appelée « les jeunes », semble-t-il également préoccupée par le coût des billets... (cf le coût potentiel de la décarbonation…), continue de consommer (généreusement ?) du transport aérien... tout en étant considérée aujourd’hui plus sensibilisée par l’état de la nature que le corps social des « vieux ».
Qu’il puisse y avoir, comme dans l’ensemble de la population française, des jeunes jusqu’auboutistes voulant éradiquer le secteur aéronautique, dont acte. Mais le propre de la jeunesse, qui n’est jamais qu’une étape de vie de tout individu, n’est il pas de contester le passé tout en évoluant ensuite massivement vers la passivité du confort des adultes (en continuant de penser qu'elle est moins "conne" qu'eux) ?
Donc, vrai qu’il ne faut pas faire n’importe quoi avec ce qui pollue. Mais vrai aussi que l’écho qui est donné aux mouvements extrémistes (dans beaucoup de domaines…) alimente opportunément certains business, ce qui n’enlève rien au côté positif de la réflexion de fond sur certains sujets.
On parle beaucoup de cette prise de conscience de quelques élèves qui effectivement sont extrêmement bien relayés par les médias... mais est ce réprésentatif réellement de tous les élèves qui ont bossé comme des dingues pour intégrer ces prestigieuses grandes écoles et qui se destinent à ces carrières dans l'aéronautique.
Cela fait 30 ans que les ingénieurs bossent pour réduire la consommation de carburant et par la même l'impact environemental...
N'est ce pas le moment d'annoncer haut fort et clair ce que représentent réellement les émissions CO2 du transport aérien? Au 100 km par passager qu'est ce qui consomme moins qu'un avion de type A320 néo ou A350 récent???
N'est ce pas le moment de rappeler à ces ingénieurs ce qu'on attend d'un ingénieur et de décrire toutes les avancées de leurs ainés depuis quelques décennies?
A aucun moment je ne remettrai en cause les effets catastrophiques du CO2 sur le déréglément du climat...
Mais force est de constater que notre aviation est vertueuse : aéroport à hydrogène en cours, optimisation des trajectoires, des montées, des descentes, fellow fly, moteur de plus en plus économiques, SAF,... des ingénieurs qui se bougent pour tendre toujours plus vers une aviation toujours plus respectueuses de l'environnement.
Quel autre secteur peut se vanter d'avoir progresser de la même manière ou dans les mêmes proportions?
N'est ce pas le moment de rappeler la part des émissions du transport en général? de l'industrie textile? de l'industrie du numérique, de l'industrie de la mode et du luxe...
Pourquoi laisser toujours planer ce doute sur une aviation qui serait si polluante et laisser écrire des articles toujours à charge sans évoquer les tous les tenants et les aboutissants?
A titre professionnel, et ce depuis plus de 8 ans et pour la 3ème année consécutive en Occitanie, je passe mon temps en collèges et lycées sur la Région Occitanie à faire la promotion des métiers de l'industrie aéronautique... et malgré ce capharnaüm médiatique qui a duré tout l'été sur les meetings, les jets et cie, je fais en ce moment la meilleure rentrée avec une demande toujours plus forte des chefs d'établissements, des enseignants, profs de techno, math, physique ... je vais rencontrer au moins 1 000 élèves de plus que les années passées... actuellement5 700 inscrits...
Combien de jeunes initiés sur nos camps d'été aéronautiques sont aujourd'hui partis sur différentes carrières ... chasse, hélico, contrôle aérien, pilote de brousse au Canada,...
L'aviation fait rêver...
Le secteur de l'industrie recrute
La filière des cadets d'Air France ouvre à nouveau ses portes...
Nous pourrions et devrions être fier de tout cela et j'ai pourtant l'impression que la pression médiatique de quelques uns en amène gaiement certains à se tirer tout seul une balle dans le pied!
Bonne fin de journée.
Je pense que vous n'avez pas tout saisi.
On ne remet pas en question les efforts de la filière, qu'ils soient techniques, industriels, structurels, organisationnels.
Mais vous n'avez pas saisi que nos jeunes appellent le monde à une réaction intelligente de la part des usagers.
Le discours qui tend à dire que la consommation au passager est plus faible qu'en voiture (thermique) est exact, mais tellement fallacieux.
On veut juste inviter le monde à faire moins de km (prendriez-vous un avion pour faire 100 km, ce que n'hésitent pas à faire certains d'ailleurs dans une polémique récente ?).
Un A320neo, qu'il soit plein ou vide, va faire des centaines/milliers de km en consommant 2 T/heure de kérosène, qui fabriqueront 6 TCO2/heure. Point.
(le rapport de masse molaire entre la molécule de kéro et la molécule de CO2 créée au moment de la combustion est de 3,09).
"On veut juste inviter le monde à faire moins de km (prendriez-vous un avion pour faire 100 km, ce que n’hésitent pas à faire certains d’ailleurs dans une polémique récente ?)."
Bien sûr que oui si je vis dans un coin comme la Norvège où c'est un bras de mer qui fait 100 km qui me sépare de ma destination et qui nécessiterait sinon 5 ou 6 heures de bateau ou de faire 500 km de voiture pour rester en transport terrestre
Encore une fois c'est une Lapalissade que de dire que pour diminuer l'émission de CO² il faut diminuer le trafic. Un gamin de 10 ans vous le dira. Nul besoin de faire MathSup
J'ai entendu dire que le méthane est 30 fois plus efficace que le CO² pour favoriser l'effet de serre, mais je n'ai pas entendu dire qu'il fallait allumer les dégagements de méthane en mer Baltique pour remplacer l'émission des centaines de tonnes de méthane en CO²
Bravo Thierry !! CQFD !
Pour moi le plus évident avec toutes ces affirmations c'est que nos "chercheurs" sont des fainéants car il est infiniment moins fatiguant de dire :" le principal levier de réduction des émissions de CO2 de l’aviation est « la réduction progressive du trafic » que de faire des recherches qui tendraient à trouver des solutions constructives pour traiter ce problème.
TRISTE FRANCE car elle a une jeunesse calamiteuse.
Cher Stanloc,
Vous nous avez habitué à mieux en termes de réaction. Franchement, voilà un argument pour le moins fallacieux, tendancieux, complètement erroné, irrespectueux de nos jeunes ingénieurs qui ont déjà prouvé qu'ils savaient travailler (ils se sont tapé sup/spé, les concours et ont réussi). Je ne doute pas un instant qu'ils se creusent peut être deux fois plus la cervelle pour sauvegarder un domaine dont vous avez profité en toute quiétude pendant des décennies.
Cela tend à prouver que vous n'avez plus rien à dire de constructif sur le sujet.
Je pense même que vous devriez présenter des excuses à nos jeunes que je côtoie régulièrement avec grand respect.
Mr bdd,
C'est vous qui n'avez plus rien à dire de constructif sur le sujet : ce n'est pas parce que nos jeunes ont fait math-sup et math-spé qu'ils doivent se croire supérieur et avoir la science infuse. Comme dit plus haut, on n'a pour l'instant que des déclarations politiques (votez pour nous regardez on est "green"). Mais quand il faut agir concrètement, il n'y a plus personne.
Quand les " low cost " qui traitent les gens comme du bétail auront disparu, une partie non négligeable de la pollution aura diminué !
Sans compter les bienfaits de la diminution de ce tourisme de masse qui pollue
même la notion de découverte de l'autre !
Cher Gil, le débat est interne certes, mais pas tant que cela...il est surtout politique.... comment s'y retrouver?
Au même moment, La Première Ministre du Royaume-Uni, Lizz Truss, empêche le Roi Charles III de se rendre à la prochaine COP27 en Egypte, ne s'y rendra vraisemblablement pas elle-même et songe à supprimer toutes les lois Européennes sur l'environnement au UK...
On nage en plein délire de toutes parts et çà ne fait que commencer !!!
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/le-roi-charles-iii-n-ira-pas-a-la-cop27-en-egypte-20221002