Elon, Jeff, Thomas et les autres…

Le Gifas, qui représente les intérêts de la filière aérospatiale en France, a récemment commandé un sondage sur l’image du secteur spatial. Une bonne idée ! Car utiliser l’espace à bon escient est un enjeu de civilisation. Enjeu qui se retrouve pollué par des projets de tourisme, de militarisation et de commercialisation débridée.

Le sondage Ifop donne des résultats mitigés, ce qui prouve son bien-fondé. Les répondants sont 76 % à avoir une bonne image du spatial. Mais 57 % croient – à tort – que les activités spatiales jouent un rôle peu ou pas important dans leur quotidien.

Ils sont 84 % à savoir ce que la géolocalisation sur les routes doit à l’industrie spatiale… mais 70 % à ne jamais avoir entendu parler de Copernicus. Si l’on pense à l’apport décisif de ce programme d’observation de la terre en matière de connaissance sur le climat, l’agriculture, les océans et l’industrie (liste non exhaustive), l’Agence Spatiale Européenne a du travail en matière de communication.

L’ESA et les autres grands acteurs du spatial doivent donc se prendre en main et mieux faire passer leurs messages auprès du grand public. Dans la boutique d’un grand planétarium français, les t-shirts proposés portent le logo de… la NASA.

Ce travail a commencé. Pour le lancement du téléscope spatial James Webb à Kourou, l’ESA alloue en priorité les places réservées aux journalistes à ceux des médias généralistes, par opposition à la presse spécialisée. Cette dernière peut être légitimement agacée mais ce choix sera, espérons-le, récompensé.

Les médias aussi doivent se remettre en question. Les manières simplificatrices de nombre d’entre eux laissent imaginer qu’Elon Musk et Jeff Bezos sont en avance d’une époque et l’Europe – et avec elle Ariane – dépassée.

Il faut donc remettre les pendules à l’heure. Les lanceurs Falcon 9 ne sont que semi-réutilisables. Leur pertinence économique reste à prouver, SpaceX ne publiant aucun chiffre.

Au lieu de passer du temps à relayer des projets insensés de colonisation martienne, parler de science et de technologie est faisable.

Au cours d’une conférence tenue après sa première mission, Thomas Pesquet avait rencontré des salariés de bioMérieux au sujet d’une expérience conçue par l’entreprise. La conférence était ouverte aux journalistes et les explications de l’astronaute étaient limpides. On n’est donc pas forcé de se limiter à la vie quotidienne à bord de l’ISS pour accrocher le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur.

L’espace, ça coute cher ? Une bonne fois pour toutes, oui… mais moins que le football. Pour preuve, le budget de la mission Rosetta, qui a permis à l’Europe de se poser sur un astéroïde lointain, représentait moins de trois ans de fonctionnement du PSG.

A propos d’Europe : à Turin, chez Thales Alenia Space, on fabrique des modules pressurisés de station spatiales (au pluriel), un astromobile martien capable de trouver des traces de vie et un satellite-téléscope pour cartographier la matière noire. Nous avons nos champions et nous ne le savons décidément pas assez.

Thierry Dubois