« Gamechanger ». Depuis que Boeing a répondu à sa demande de faire un 737MAX à 200 sièges, Mikael O’Leary sert ce qualificatif à toutes les sauces. Pour une fois, on peut concéder au patron de Ryanair qui ne fait jamais dans la nuance, qu’il a des raisons objectives de s’enthousiasmer pour cet avion. On peut aussi comprendre son impatience face aux reports successifs de livraison.
Il lui a fallu attendre mi 2021. Boeing lui promettait depuis 2014. Un MAX8 avec plus de passagers à bord, c’est 5% de coûts d’exploitation en moins par rapport à la version de basse. 15 + 5 = un gain total de 20% par rapport aux 737 de la génération précédente. L’Irlandais peut effectivement parler de rupture. Mais pendant quelques mois encore seulement. Parce que, quand l’A321XLR entrera en service, au deuxième trimestre 2024, ce pourrait bien être lui, le nouveau « Gamechanger ».
Airbus s’est offert un petit plaisir, cette semaine, à l’occasion d’un vol d’endurance du programme d’essais de la nouvelle version long courrier de la famille A320. En prélude à un tour d’Europe sans escale, un A321XLR a tracé au-dessus du golfe de Gascogne, et en direct sur les réseaux sociaux, les trois lettres de son nom : X, L et R. « Xtra Long Range ». Au total, le vol a duré 13 heures et 15 minutes. Une belle performance pour un monocouloir. La rupture est peut-être là… aussi.
Juste avant la crise du Covid, les annonces d’ouvertures de lignes transatlantiques opérées avec des 737MAX et des A321neo se sont bousculées. La pandémie n’a pas vraiment permis de mesurer les performances de ces machines à la lumière d’une exploitation commerciale intensive. Ce n’est que partie remise. Les frontières prennent du temps à se rouvrir…
L’entrée en service de l’A321XLR, mi-2024, devrait mettre tout le monde d’accord. Ses 4.700 NM d’autonomie, soit 8.700km, ouvrent de nouvelles perspectives aux compagnies qui vont pouvoir faire dans la dentelle, en adaptant le module au flux de trafic long courrier. Cela a toujours été le principe de base de l’économie du transport aérien, mais l’offre des avionneurs, jusqu’à aujourd’hui, en limite sa mise en œuvre et oblige aux compromis. La transition énergétique laisse entrevoir de nouvelles perspectives.
Il y a quelques jours (8 décembre 2022), lors d’une rencontre avec les membres de l’AJPAE, l’association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace, Guillaume Faury qui parlait au nom des industriels de la filière aérospatiale, a expliqué comment la transition énergétique allait rebattre les cartes. Celui qui est aussi le patron d’Airbus est convaincu qu’« il ne faut pas penser remplacement du monocouloir d’aujourd’hui par un monocouloir hydrogène ». Le triptyque Transport régional / Monocouloir / Long courrier aurait-il vécu ? Les multiples déclinaisons des monocouloirs n’est peut-être qu’un prélude…
L’énergie qui remplacera définitivement le kérosène, à l’horizon 2050, conditionnera l’offre des avionneurs. Cette énergie n’existe pas encore. A ce stade, on la suppose. C’est elle qui va imposer une segmentation sans doute plus fine de l’offre de demain. Il faut libérer l’imagination des ingénieurs. C’est maintenant que l’industrie a besoin de jeunes talents pour inventer l’aviation du futur. Il ne s’agit plus de remplacer un monocouloir par un nouveau monocouloir plus performant. Il faut voir plus loin. Les portes de l’industrie aéronautique sont grandes ouvertes aux jeunes passionnés et engagés…
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Gil Roy
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Perdu !
Je me rappelle il y a quelques années, quand j'essayais d'introduire la notion de transition énergétique liée au changement climatique, je me prenais des volées de bois vert. Force est de constater aujourd'hui que ce passage est incontournable.
Depuis, un triptyque, pour reprendre l'expression, s'est dessiné, et semble bien faire comprendre les nouvelles organisations, avec les restrictions associées. Un quatrième larron viendra inévitablement réguler tout cela : la sobriété.
- L'hybridation ou l'électrique, manifestement réservé aux courts courriers, avec les restrictions sur les batteries et les matières premières, auxquelles s'ajouteront les restrictions légales.
- L'hydrogène, limité aux moyennes distances, avec un schéma économique (et énergétique) désastreux, restreint par les volumes à produire.
- Les SAF dévolus aux longs courriers, dont les progrès techniques seront certainement les plus rapides pour une mise en oeuvre quasi effective, mais avec des freins terribles : encore 20% de GES à compenser (en compétition sur les émissions négatives avec le reste du monde, aéronautique ou pas : défense, sécurité civile, approvisionnements de première nécessité, industrie de base, agriculture etc..), et les volumes à produire (en compétition sur les surfaces agricoles avec un monde en proie à la famine).
On voit bien que le 4ème larron, la sobriété, en clair, la réduction des vols, risque fort de transformer le triptyque en "quadriptyque"...