Les chercheurs s’inquiètent. Non, il ne s’agit pas des scientifiques en quête du vaccin contre la connerie ambiante, je parle de ces quelques irréductibles de la recherche historique qui passent une grande partie de leur temps libre à explorer les archives pour étancher leur soif de savoir et parfois même trouver la matière pour rédiger un article inédit ou un gros livre de spécialiste. Ceux que je côtoie s’intéressent principalement à l’aviation – étonnant n’est-ce pas ? – et effectuent régulièrement des pèlerinages studieux, des retraites de moines copistes, dans l’Est parisien, au Fort de Vincennes, au SHD, Service Historique de la Défense.
Là, plongés dans les archives de l’Armée de l’Air, ils exhument des boites Cauchard de quoi remplir leurs œuvres personnelles. Travail de titan bien souvent, où leur motivation et la curiosité deviennent des moteurs absolument indispensables à l’historiographie des ailes françaises. Car c’est ainsi que s’écrit l’histoire, en fouillant parmi les sources primaires. Et les archives militaires sont, sur un nombre infini de sujets, des sources primaires de la plus grande importance.
La création, en 2005, du SHD, s’est accompagnée d’un alourdissement des procédures d’accès aux archives avec un contingentement strict du nombre de cartons consultables par visite. Et comme pour les boites de chocolat, on ne sait jamais vraiment, avant de les avoir entièrement épluchées, si on va y trouver des informations pertinentes. Parfois même, à la dernière minute, on découvre que le carton n’est pas communicable en raison de la présence d’une pièce administrative non-déclassifiée et c’est toute la boite qui retourne en rayon. Pour les historiens venus spécialement de province, il y a eu de bien amères soupes à la grimace et des billets de TGV achetés pour rien.
Et puis la DGSE s’installe bientôt dans le Fort Neuf de Vincennes où justement ces documents étaient entreposés depuis quelques années. 70 km linéaires d’archivage à bouger, ça en fait du taff ! Mais ces chercheurs voient dans ce déménagement impératif et inévitable, un nouveau frein à leurs recherches.
Il faudra rapatrier les archives expatriées pour les consulter à Vincennes pour celles qui seront entreposées dans des sites ne pouvant être ouverts au public – une salle de lecture, c’est un endroit qui ne s’improvise pas – de quoi rallonger encore des délais de communication. Pour l’instant, certaines entités interrogées sur l’accessibilité de telle ou telle archive se renvoient la balle. Les procédures ne sont pas encore bien établies, combien de temps faudra-t-il pour que la situation se stabilise ?
De freins en freins, de mesures incompréhensibles en aberrations administratives, on sent chez eux comme un découragement face à l’inéluctable. Certains ont déjà lâché l’affaire et préfèrent aller à la pêche ! Dommage pour les lecteurs de revues et livres aéronautiques, dommage aussi pour l’Histoire, avec un grand H, tout court.
Et ce n’est pas l’analyse des listes des Dassault Flamant de l’école d’Avord, des F-86K de Colmar ou des Tiger Moth de Cognac qu’on va trouver de quoi faire tomber la République. Or, si on sait que des dossiers « explosifs » peuvent exister, le délai de protection porté aux documents militaires depuis une vingtaine d’années à un demi-siècle désormais et les procédures dérogatoires existent justement pour eux. Mais le reste ?
Le sujet de l’accès aux documents officiels militaires et historiques ont fait déjà l’objet de débats et de polémiques, le sujet ayant même eu les honneurs de la presse généraliste à plusieurs reprises ces dernières années mais du côté de Vincennes, les contraintes qui s’accumulent depuis bientôt 20 ans ne font qu’attiser un vieux refrain suranné : « c’était mieux avant ! »
L’accès aux archives déclassifiées est normalement garanti par la Loi au nom de la démocratie car comme le disait le Président Hollande en 2013 : « La mémoire est garante de notre unité nationale ! » À devenir moins étudiée, moins racontée et donc moins visible, l’histoire de certaines armes, et en particulier l’aérienne, pourrait s’estomper dans l’historiographie courante. Rien ni personne ne pourra se prétendre gagnant d’une telle situation.
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Ben oui, à qui vous le dites, mon pov'Monsieur ! Heureusement que j'ai un pote parisien pour aller fouiller à ma place au SHD. Mais vous oubliez le MAE, l'Aéro-club de France, le Musée Air France faciles d'accès pour les initiés ou les cooptés. En outre, c'est le plus souvent le problème des potentats à la tête de ces institutions. Ils se figurent que les archives qui existaient avant même leurs naissances sont à eux, et eux seuls (ou elle ! suivez mon regard). Nombre d'entre eux ne connaissent même pas le Code de la propriété intellectuelle. Ils ne savent pas qu'au premier janvier suivant les 70 ans du décès du créateur d'un écrit, d'une photo, d'une oeuvre artistique, celle-ci tombe dans le domaine public. Et le domaine public, c'est quoi ? Il y en a qui n'ont pas compris, c'est nous, que diable ! C'est tous les Français et les étrangers aussi. Et quand on veut bien vous céder la recopie d'une oeuvre tombée dans le domaine public, hé bien on vous fait passer à la caisse, autrement dit on vous déclare redevable d'une indemnisation. Mais on n'a rien à indemniser, bon sang ! Ils confondent souvent recopie et original. Seul ce dernier peut se négocier. L'exemple, c'est les musées, les vrais avec des toiles de maître. Vous savez que l'original que vous admirez a de la valeur, qu'il a été négocié. Mais vous pouvez acheter sa reproduction dans la boutique attenante, et là vous ne payez que le support (la brochure, l'affiche, la photocopie) et de menus frais de tenue de cette boutique. Et vous en faites ce que vous voulez, fins personnelles ou de publication à partir du moment où vous respectez le droit moral, c'est-à-dire celui qui est éternel et vous oblige à renseigner le père de l'oeuvre (par opposition au droit patrimonial qui lui disparaît au bout de ces 70 ans). S'il vous arrive d'aller à Buenos Aires, passez à l'archivo general de la Nacion, à 100 mètres de la Casa Rosada. Vous y trouverez des employés affables, qui vous expliquent et vous aident, mettent à votre disposition un ordinateur quand vous avez trouvé ce qui vous intéresse dans les casiers de listage central ; à la fin vous donnez votre clé USB et après avoir payé 4 euros, vous repartez avec votre clé remplie d'une centaine de photos ou documents. Et en plus vous avez des sourires et au bout de trois ou quatre fois on vous appelle par votre prénom. Essayez de vivre une telle expérience en France !