L’Europe doit-elle lancer un programme spatial de vol habité ? La question n’avait jamais été si vive depuis l’abandon du projet de navette Hermes, il y a trois décennies. Ces dernières années, elle suscitait des réponses timides.
En 2022, les principaux acteurs de l’industrie spatiale européenne se sont manifestement entendus sur le message : c’est le moment ! Le patron d’ArianeGroup fait même figurer un casque d’astronaute sur une planche de son exposé à la presse. Le vol habité est mis sur le même plan que deux autres ambitions spatiales européennes, entérinées celles-là : une constellation souveraine à haut débit et des lanceurs réutilisables.
Les pièces du puzzle ne demandent qu’à être assemblées. Les ingénieurs ont déjà démontré leur savoir-faire en de nombreux domaines. Deux exemples : la rentrée atmosphérique est maîtrisée, grâce au démonstrateur IXV en 2015. Et le guidage et l’arrimage n’ont plus de secret pour les Européens, grâce aux livraisons effectuées par leur cargo automatique ATV à la station spatiale internationale.
D’autres développements seront nécessaires mais aucun ne paraît hors de portée. Le système d’éjection de la capsule, en cas de problème lors du lancement, pourrait utiliser des techniques connues chez les missiliers.
Les usages en orbite basse vont se multiplier, prédisent les spécialistes du secteur spatial. Mini-lanceurs, constellations, stations spatiales privées, logistique des satellites, relais pour l’exploration… Comme avec les premiers smartphones, le matériel arrive et on n’en imagine pas toutes les applications. L’humain sera indispensable face aux imprévus et les Européens doivent en être, soutiennent les promoteurs du vol habité.
En revanche, affirment-ils, l’Europe sera déclassée si elle n’est pas capable d’envoyer des humains dans l’espace. Elle pourrait néanmoins emprunter la voie de la coopération – avec l’Inde par exemple, suggère-t-on au CNES.
Alors, l’Europe à l’heure de l’ambition ? Les politiques vont se trouver devant une décision difficile.
L’Union Européenne est en passe d’atteindre la maturité. Elle ne se focalise plus sur les questions économiques intérieures. Elle ose parler de défense. Un programme spatial de vol habité répondrait à cette volonté de souveraineté. Comme d’autres grands projets, d’Airbus au réseau ferroviaire à grande vitesse, il donnerait une perspective d’avenir aux jeunes Européens. Il coûterait 4 à 10 milliards d’euro.
Or des investissements massifs sont nécessaires pour la transition écologique. Un projet qui, lui aussi, peut faire rêver les jeunes générations d’ingénieurs, de techniciens et au-delà.
Le secteur spatial doit regarder la réalité en face. Aussi motivant soit-il, un programme de vol habité ne peut que passer après d’autres priorités. Le secteur doit réduire son empreinte carbone. Une voie sur laquelle il s’est engagé mais de façon moins résolue que l’aéronautique. Autre urgence, nettoyer l’orbite basse : un axe sur lequel l’Agence spatiale européenne est la plus avancée… mais où le budget peine à atteindre les 100 M€.
Thierry Dubois
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Je me souviens que lors d'une réunion qui doit dater de 1981 ou 1982, voire avant, le représentant de la DGRST, monsieur Delamare, s'est félicité de ce que nous ne financions pas de programme spatial habité. Il me semble qu'il avait tout à fait raison. Plus tard j'ai entendu la même opinion émise par le professeur Curien disant que ni la synthèse de cristaux en apesanteur ni les préludes à une colonisation de la planète Mars qui avaient été évoqués devant lui n'étaient des arguments sérieux pour justifier de tels programmes.
Est-ce bien raisonnable que tant de nations se lancent dans un projet identique avec les coûts énormes mis en œuvre?