En choisissant Boeing pour le F-47, le Pentagone a beaucoup surpris, en premier lieu en raison de la mauvaise réputation trainée par l’avionneur ces dernières années. Sans même évoquer les déboires de sa gamme commerciale, Boeing a accumulé (et continue de cumuler) les avanies avec des programmes militaires aussi variés que le T-7 Red Hawk, le VC-25 présidentiel ou bien entendu le KC-46 de ravitaillement en vol. Autant d’exemples qui font douter de la capacité de l’avionneur à mener à bien des programmes majeurs « on time, on cost, on spec ».
Le choix de Boeing est aussi une surprise parce que Lockheed Martin est l’avionneur possédant aujourd’hui la plus grande expérience dans la conception et la fabrication des chasseurs furtifs. Ou même, diront les mauvaises langues, la plus grande expérience tout simplement dans la conception des avions de combat. Il est vrai que tous les avions de combat à réaction ayant porté la marque de Boeing depuis 1997 ont fait partie de l’héritage McDonnell Douglas.
Mais que pèsent ces arguments face à l’ingénierie économique qui a cours Outre-Atlantique, où la répartition des programmes est aussi conçue de manière à faire prospérer les champions nationaux et maintenir une solide base industrielle ?
Lockheed Martin a aujourd’hui les mains pleines avec les dernières itérations du F-16 et surtout le F-35. Northrop Grumman est engagé jusqu’au cou dans le bombardier B-21. Restait alors Boeing qui faisait figure de parent pauvre avec un F/A-18E/F en soins palliatifs et un F-15 âgé d’un demi-siècle. Une petite piqûre d’EPO s’imposait…
En signant des chèques de plusieurs dizaines de milliards à ses trois champions, le Pentagone fait bien plus que les rassasier : il leur donne les gages nécessaires pour leur permettre d’investir sur le long terme. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Boeing a consenti des investissements industriels majeurs ces dernières années, boostant les capacités de son bureau d’études « Phantom Works » et faisant sortir de terre dans son fief de Saint Louis (Missouri) une nouvelle usine d’assemblage pour avions de combat.
Il y a une dizaine d’années, l’auteur d’anticipation chinois Liu Cixin publiait une trilogie époustouflante dont le premier volet avait pour titre « Le problème à trois corps ». Un titre faisant référence à la difficulté de décrire les mouvements de trois astres s’attirant mutuellement. De toute évidence, le Pentagone écrit avec constance depuis plusieurs années un scénario diamétralement opposé qui pourrait s’appeler « La solution à trois corps ».
Un commentaire
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Oui, mais le Pentagone, qui a, on le sait, cinq côtés, l’a fait à son corps défendant… Donc, ça en fait quatre… corps !