« Le train de l’innovation »

Déjà que nous avons compris que nous ne pourrions pas compter sur la discipline reine des jeux olympiques pour faire le plein de médailles d’or, nous savons depuis cette semaine qu’il ne faudra pas trop compter nous consoler en éblouissant la planète avec des eVTOL en vol au-dessus de la Seine. Ce monde est cruel. Si le projet de taxis volants dont a hérité le groupe ADP après que la RATP se soit défaussée, n’est pas encore tombé à l’eau, il n’en est pas plus loin. Le Conseil de Paris n’en veut pas. Il a émis un avis négatif en début de semaine. Si cette position, comme celle de l’Autorité Environnementale quelques semaines plus tôt, n’a pas valeur de véto, c’est quand même un nouveau nuage dans le ciel des eVTOL olympiens. Il ne s’agit ici, ni de le déplorer, ni de s’en réjouir. D’autant que les vrais obstacles sont encore à venir.

Lors du cinquième comité stratégique des mobilités des Jeux olympiques et paralympiques, en juin dernier, le ministre des Transports a lancé cette mise en garde à l’attention des cassandres de tout bord. « Le taxi volant paraît un peu fou, mais devient une réalité technique qui marche. Bien sûr ce sera exceptionnel, mais l’idée est de ne pas manquer le train de l’innovation pour que, dans les années qui viennent, cela devienne un mode de transport plus large et démocratique et que la France soit bien positionnée« . On remarquera au passage que même quand il s’agit de transport du futur, Clément Beaune ne peut s’empêcher de faire référence au train ! (Elle était facile celle-là, je vous le concède…)

« Ne pas manquer le train de l’innovation ». Oui, mais lequel ? Cela fait longtemps qu’Uber ne parle plus de taxi volant. Il a pris conscience qu’il faudra laisser passer beaucoup de trains, avant d’embarquer à bord de celui qui permettra de proposer des courses en eVTOL au prix d’une course en voiture. Uber n’est pas le seul à se rendre à l’évidence.

Ces dernières semaines, plusieurs porteurs de projets d’eVTOL ont choisi de débarquer leurs passagers en dévoilant de nouvelles applications utilitaires, du transport de marchandises jusqu’à la lutte contre les incendies de forêts. Sans parler évidemment de ceux qui, comme Joby, se positionnent sur le marché militaire et qui sont en train de prendre une longueur d’avance… Que ces débouchés fassent parties ou non des promesses faites aux investisseurs, cette altération de cap semble devenu nécessaire. Il est urgent de faire ses preuves avant d’espérer embarquer, plus tard, des passagers payants. Une fois de plus, les lois de la physique ont eu raison du glamour.

A défaut d’expérimenter un service de transport de passagers en région parisienne, le Groupe ADP et ses partenaires devront sans doute se contenter de modestes vols de démonstration. Histoire de sauver la face et de tenter de convaincre ceux qui doivent l’être que la France a pris place dans le « train de l’innovation« . Et pendant ce temps, l’héliport d’Issy-les-Moulineaux est assiégé.

Espérons que lorsque les taxis voleront, quand Paris 2024 ne sera plus qu’un lointain souvenir, la France ne réservera pas aux eVTOL, le sort qu’elle fait, aujourd’hui, aux hélicoptères à Paris. Et pourtant, le premier constructeur d’hélicoptères civils au monde est un peu français, et le H160 n’a rien à envier au Volocity !