Un discours, c’est un orateur, des idées, des sous-entendus et des non-dits, mais aussi un calendrier, un lieu, une audience. Tout compte. Le premier intérêt de l’ordre du jour du 24 octobre dernier consacré à la Direction générale de l’Armement, la DGA, c’est que l’orateur, le ministre des armées, est un rescapé. Et qu’il a, à ses côtés, tandis qu’il parle, un autre rescapé : le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva. Les deux hommes auraient pu ne pas survivre au remaniement ministériel qui fit frissonner la France tout au long de l’été. Mais ils survécurent. Comme disait Dechavanne à la télé « Coucou c’est nous ».
Ensuite les non-dits. « J’aime les non-dits » expliquait Mylène Farmer en 1996 dans une interview sur Radio Nostalgie avant de préciser « Maintenant, est-ce que je suis caractérisée par le non-dit, je ne le crois pas… » Le rapport avec la DGA ? Peut-être le fait que ni Mylène Farmer, ni Sébastien Lecornu, ni Emmanuel Chiva ne sont ingénieurs de l’armement. Et ce sont pourtant ces deux derniers qui dirigent la DGA où se retrouvent tous les ingénieurs de l’armement de France et de Navarre.
Et que disent les deux hommes qui ne sont pas du sérail ? « Bon d’accord les gars, vous avez tiré des missiles qui ont super bien marché, mais il faudrait maintenant que vous vous intéressiez d’un peu plus près aux trains qui n’arrivent pas à l’heure, on vous l’a déjà dit d’ailleurs… »
Le propre d’un discours est d’être prononcé en public. Alors on ne déballe pas tout. Mais Aerobuzz.fr est à la pointe du combat pour la liberté de l’information, avec un budget très inférieur à celui de Lilium, mais avec une production bien plus conséquente.
Alors de quoi cette ire est-elle la conséquence ? De différents programmes d’armement peu satisfaisants. Voici un exemple, avec une charade pas trop compliquée en forme d’indice : mon premier est le préfixe qui caractérise ce qui est européen, mon second est un engin sans pilote à bord et mon tout est un programme franco-allemand qui se propose de faire deux fois plus cher, deux fois plus lentement et avec deux fois plus de moteurs ce qui pourrait être fait deux fois moins cher, deux fois plus vite et avec deux fois moins de moteurs.
Dans les années 1960 on pouvait se permettre des trucs rigolos et complètement à côté de la plaque comme le Mirage III V ou le Potez 75. Aujourd’hui c’est verboten. L’heure est à l’innovation utile et pragmatique, tout en souplesse et en agilité. Et c’est là que le ministre s’énerve un peu dans son discours, tout d’abord en glissant le mot inconnu du pékin moyen mais qui fait super sérieux, il en faut toujours au moins un dans un discours : le mot mystère ce coup-ci, c’est « comitologie ».
Puis vient le coup imparable de l’anaphore, la botte secrète qui a permis à un boute en train et en scooter de devenir président de la République : « Je vous demande de renouer avec la prise de risques, Je vous demande de renouer avec le doute, Je vous demande aussi de donner sa chance à ceux qui pensent autrement, »
J’allais vous parler d’autres morceaux de bravoure de ce discours, comme l’exigence de contourner les règles civiles trop gênantes, ou l’interdiction de gaspiller de l’argent (et c’est vrai que le gaspillage ce n’est pas bien), mais la place me manque. Mais comme il n’y aura pas de non-dit entre nous, je résume : j’ai adoré.
4 commentaires
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Oui, très bel article, et le « en train » ne m’a pas choqué, comprenant qu’il se voulait coller à « en scooter »., et puis, ma foi, la première fois que l’ancien président s’était déplacé en visite officielle, il l’avait bien fait – mais pas dans le sens où c’était bien, car la démagogie s’exerçait alors à fond… de train -, il l’avait bien fait donc en train. Et pour aller voir sa « belle » (bof !) en scooter. ce qui d’ailleurs, après la démagogie, était de l’infantilisme caractéristique d’une adolescence inassouvie, il aurait mérité une procédure d’empêchement. En outre, ayant jugé l’humour de Frédéric en phase avec le mien suite à son commentaire quant à l’un de mes calembours dans ‘Envols vers l’inconnu’, j’ai bien compris celui-ci. Bon, revenons au sujet ! Oui Lecornu fait bien de pousser sa corne pour, entre autres, cette raison : les ingénieurs n’ont souvent pas de recul sur le contexte de leurs travaux. Je le sais pour avoir un vieux frère – pas de problème, il ne lit pas les chroniques d’Aerobuzz – qui a travaillé sur les parties hydrauliques du char Leclerc. Et le plus clair de l’affaire, qui n’était pas de haute cloque, c’est qu’il a toujours été incapable de voir la finalité de tels engins, et en particulier leur extrême vulnérabilité aux attaques venant du zénith. Et là, on rejoint Mylène, avec qui, le corps nu, j’aurais aimé partager un fromage maison dans une ferme du Berry.
Comme le chante Mylène, dont je présume que tu as tous les disques, les mots sont nos vies. Mais pourquoi donc cette fixation des commentateurs sur « boute-en-train » ?
Merci pour cette analyse. Le discours complet est ici : https://www.vie-publique.fr/discours/295957-sebastien-lecornu-24102024-direction-generale-de-larmement
Bonjour, Frédéric, j’ai bien aimé votre article qui me laisse quelque peu sur ma faim : un lien vers le discours des « estraingers au sérailleu » eut été bienvenu après cette mise en appétit. Cela m’aurait accessoirement permis de comprendre à quel degré il faut lire votre article.
Sinon, pour avoir eu la chance de rêver devant le XB70 – dont le projet initial était de le doter de moteurs à énergie nucléaire – et un certain nombre d’autres extravagances sortis des cerveaux imaginatifs d’ingénieurs aéronautiques échauffés par la guerre froide, je regrette le rejet systématique des fous qui proposent des trucs bizarres comme de laisser au sol le train d’atterrissage ou encore d’embarquer les passagers dans différents tronçons de cabine, acheminés par rail et assemblés sur une cellule d’un nouveau genre.
P.S. A propos de rail, j’ai aimé le « boute en train et en scooter .. » mais à entrain, j’aurais laissé les wagons assemblés