Ce n’est pas dans mon style d’étaler ici mes états d’âme, mais difficile, ce matin, de contenir toute ma tristesse. Je ne trouve pas d’autre mot pour évoquer mes sentiments face à la crise qu’affronte Boeing. Cette semaine encore a apporté son lot de révélations sur la profondeur du problème auquel doit faire face l’avionneur de Seattle. Rien ne semble pouvoir enrayer cette vrille infernale.
C’est chaque fois le même scénario. Des révélations de la presse américaine et en particulier du Seattle Times, le plus fin expert du cas Boeing, viennent réduire à néant les espoirs de redressement, suscités par l’annonce, quelques jours ou semaines plus tôt, d’un audit, ou la perspective d’une refonte de l’organisation. Colmatage ici d’une brèche pendant qu’une autre s’ouvre ailleurs. On croyait avoir atteint le fond avec le 777X… La situation apparaît encore plus grave avec le 787. Que nous réserve la semaine à venir ?
Pas question de paraphraser Shakespeare. Au risque de me répéter, le cœur n’y est pas ce matin.
Pas question non plus de désigner des coupables, ni d’invoquer des causes de cette dérive mortifère, encore moins de trancher dans le vif à coup de tournures de style sentencieuses qui flattent l’égo de l’auteur, mais ne font qu’ajouter à la confusion.
A ce moment précis, je me souviens du jour où pour la première fois j’ai pu m’approcher d’un Boeing 747. De le toucher. J’étais alors bagagiste à Lyon-Satolas et j’ai patiemment attendu le milieu de la nuit pour voir de près mon premier Jumbo Jet. C’était un vol spécial. Dans les années 80, les plus gros avions qui fréquentaient Lyon étaient des 737. Le seul 747 de la saison était prévu en dehors de mes heures de service. J’ai patienté. C’était l’été. La température était agréable. La nuit fut merveilleuse.
Boeing restera le constructeur qui a permis la démocratisation du transport aérien. Boeing écrira d’autres pages de l’histoire de l’aviation. Même si dans l’encrier, l’encre est sèche, je ne veux pas croire que le centenaire ne réussira pas à dessiner un nouvel avion.
Le défi est immense, parce qu’il est acquis, que le nouvel avion qu’il soit produit d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique, ne sera pas seulement un fuselage avec des ailes et des moteurs, mais aussi un nouveau système industriel qui reste à inventer. L’un n’ira pas sans l’autre.
Boeing a oublié que sa vocation première était de construire des avions. Il est urgent de recaler les gyro. En d’autres termes, il doit tout remettre à plat et réapprendre. Disposera-t-il des ressources indispensables ? En aura-t-il le temps ?
Je n’imagine pas le monde sans Boeing.
Gil Roy
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Et pour ma part, "je vois difficilement pourquoi, étant Français", je devrais me réjouir à tout prix, même si les récents et actuels dirigeants de Boeing l'ont assez amplement cherché. Si le retrait de Boeing profite uniquement à Airbus, pourquoi pas, soyons cyniques. Mais il profitera à nos "amis" Chinois de Pékin. Et ça...
Beau texte, en tout cas.
Bonjour,
On ne peut dissocier ce qui arrive à Boeing de l'histoire des Etats-Unis et de sa sociologie. Une petite anecdote.... Les USA ont été leaders dans le développement du chemin de fer (avant de le délaisser au profit de l'avion) au point d'en avoir fait pendant la guerre civile (1861-1865) l'élément de la première guerre moderne de l'histoire, c'est à dire grâce à l'emploi de moyens de transports de masse rapides (pour l'époque). Et les trains américains devaient toujours aller le plus vite possible, par ce qu'en Amérique on a toujours été pressé : le court terme d'abord. Ainsi, pour des raisons de sécurité, les règles d'ingénieries anglaises limitaient la courbure des rails de chemin de fer dans les virages. Les ingénieurs anglais étaient effrayés quand ils voyaient les rayons de courbure des rails du chemin de fer américain.... faits pour aller plus vite. Quand un train roulait (à l'époque du far-west), il devait aller le plus vite possible quoi qu'il en coûte. Le chauffeur s'employait à cela, et si jamais la chaudière de la locomotive explosait et le train stoppait, les voyageurs allaient féliciter le conducteur..... Il en a été toujours ainsi notamment pour le profit : gagner de l'argent, le plus vite possible. Je vous passe les 2 ruées vers l'or. Plus récemment, le laboratoire Purdue Pharma a été mis en faillite..... mais après avoir gagné beaucoup d'argent en vendant des opiacés de synthèse qui on fait...autour de 400 000 morts entre 1999 et 2017. https://www.france24.com/fr/20190916-crise-opiaces-laboratoire-pharmaceutique-purdue-declare-faillite-sackler-etats-unis
C'est ainsi aux USA : il faut faire de l'argent, vite et à n'importe quel prix !!!
J'ai aimé piloter des Airbus, j'ai encore plus aimé piloter des Boeing, surtout le B777.
Quel désastre.
Pour moi ce qui arrive à Boeing, certes ne me réjouit pas, mais ne m'attriste pas non plus. Quant on joue avec le feu on finit par se brûler.
Pour moi l'Amérique c'était : Lockheed et le Super Constellation . Boeing c'était les bombardiers : beurkkkkk
J'ai jamais aimé le 747 avec sa bosse.
Bon Aerobuzz nous a appris dernièrement que Boeing faisait travailler plusieurs dizaines (plus d'une centaine ?) d'entreprises françaises. Donc il est inutile de tirer sur un blessé.
Stanloc,
Oui, bon, Lockheed a fait le Constel. mais a aussi commis quelques bombardiers, me semble-t-il ?
(Rien que le F35 en photo en haut de cette page, déjà....)
Sinon, pour l'esthétique, c'est question de goût, moi, la bosse, j'aime bien. (Mais c'est peut-être parce que je suis de parti-pris, 8 ans de bonheur en compagnie de cette merveille technologique ont peut-être altéré mon objectivité...)
Je vois difficilement pourquoi, étant Français, je devrais pleurer sur le sort d'une industrie située dans un pays lointain, pour une firme qui de surcroît n'a jamais caché son désir d'éliminer toute concurrence, le tout avec une morgue et une condescendance difficilement égalée (" if not Boeing, ain't not going" - qui n'a pas vu ou entendu ça ?)
C'est la grande force des Américains, de faire croire au reste du monde que leurs problèmes les concerne : en aéronautique comme en politique, en sociétal comme en militaire.
"If it's good for US, it's good for the world" osait dire Saint-Obama. A d'autres...
Stormy,
D'accord avec vous sur le comportement impérialiste des Américains et leur volonté d'imposer leur "pax Americana" partout sur terre (avec le succès qu'on connait).
Par contre, la condescendance que vous dénoncez chez Boeing a au moins un équivalent en Europe....et c'est Airbus !
Et on peut quand-même accorder aux Américains qu'ils ont su, après le désastre du "max" remettre en cause toute leur chaine de surveillance (les politiques Américains n'ont jamais été tendres avec la FAA ou avec Boeing depuis, y compris Donald qui est pourtant un des plus âpres défenseurs du "made in USA".)
J'aurais aimé que l'EASA et les politiciens Européens fassent preuve d'autant de fermeté face aux défauts, beaucoup mieux et subtilement cachés des Airbus, entrainant au moins autant de victimes, même si la presse aux ordres a systématiquement accusé les équipages en protégeant le génie des protections accidentogènes et des inventions ergonomiques contre nature du constructeur Européen.
Après, pays lointain ou pas, c'est toujours un désastre social et humain quand un grand groupe se casse la figure, et ce ne sont jamais les patrons ni les directeurs financiers qui sont les plus affectés !
Bonjour Gil, moi aussi je suis triste lorsqu'un si bel avion disparait. Par contre, j'aime encore moins lorsque ce sont les passagers qui payent de leurs vies, des vices (ou vis) cachés. L'un des nôtres peut être dans ces avions. Ce qui est inadmissible, est la dérive des organismes de contrôle chargés de vérifier la capacité de voler en toute sécurité, qui ont délégués au constructeur lui-même des fonctions de contrôles de leur responsabilité. Le congrès américain s'est saisit de ces anomalies.
Joli texte...
+1 🙁