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Dépose minute

Une parenthèse enchantée

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Gil Roy
© Vincent / Aerobuzz.fr

Les dernières infos font craindre le pire pour Lilium. Les 200 millions d’euros promis, en décembre 2024, par de providentiels investisseurs quelques jours après la mise en redressement judiciaire de l’entreprise allemande, n’ont pas été débloqués. Depuis deux mois, les salaires ne sont plus payés. Lilium vient de déposer une nouvelle demande d’insolvabilité qui ne laisse rien présager de bon.

Le site internet continue de donner le change, mais les promesses qu’il porte ont un gout amer. Même ambiance chez Volocopter, même sentiment de gâchis. Il est fort probable, qu’il ne restera de ces projets et de bien d’autres que ces images de synthèse hyper réalistes d’engins volants disruptifs évoluant dans des décors urbains de rêve. Des images généreusement diffusées au cours de ces dix dernières années et qui ont contribué à construire le mythe des eVTOL.

Le contraste est saisissant. Après avoir assailli les médias pendant des années avec une communication intrusive, les porteurs de projets sont aux abonnés absents. Il est plus facile de mettre en scène une levée de fonds que d’annoncer la faillite d’un projet. Pas plus pour les petits que pour les gros.

Airbus n’a pas organisé de voyage de presse à Donauworth, ni fait de conférence de presse pour annoncer qu’il mettait en pause le City Airbus. Et il a confié à ses syndicats maison, l’annonce de la mise en pause de l’avion à hydrogène, en sachant évidemment que les corps intermédiaires allaient s’empresser de relayer l’info. Libre à la presse de faire son boulot !

Au moment où le vent semble tourner, certains ne manqueront pas de reprocher à la presse d’avoir joué, un peu trop complaisamment, le jeu des start up. Elle l’a fait par goût de la nouveauté ; un beau dossier de presse bien argumenté, avec de belles photos, c’est tentant. Même en gardant ses distances par rapport à une information, le fait de la relayer, c’est lui offrir de la crédibilité. C’est un fait et c’est ce dont ont besoin les porteurs de projets pour aller chercher des investisseurs. N’allons pas trop loin, non plus, dans l’acte de contrition.

Les business angels, les fonds de pensions et les investisseurs en général s’en remettront. Kes finances publiques sans doute plus difficilement… Et surtout, pour ceux qui les ont vécus de l’intérieur, les projets Lilium, Volocopter, Alice et d’une façon générale tous les eVTOL et autres aéronefs 100% électriques, même s’ils en restent là, auront été une belle aventure professionnelle, et peut-être plus encore, un apprentissage de la gestion de projet. Ces pionniers de l’aviation électrique n’auront pas de difficultés à rebondir. Les industriels pourraient avoir besoin de ces entrepreneurs dans les mois à venir, au moment où les nations enclenchent leur réarmement.

Face à ce qui nous attend, les eVTOL pourraient bien apparaître dans le futur, comme une parenthèse enchantée. Un temps où l’on s’autorisait à rêver… avant d’être rattrapé par la réalité.

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • LSD - Lilium in the Sky with Diamonds
    Je trouve Gil très - trop - bienveillant, mais c'est pas nouveau (avec quand même un début de contrition aujourd'hui :-)): la métaphore de "Paradis Artificiel" conviendrait mieux que celle de "Parenthèse Enchantée".
    Je ne vais pas revenir une nième fois sur les réalités de la physique de base : tous les projets d'e-Vtol les plus connus sont à l'innovation ce que le LSD est au bonheur parfait. Et j'ai rencontré personnellement de nombreux acteurs de 5 ou 6 projets-phares, en Europe et aux USA.
    J'ajouterai deux points de désaccord complet avec Gil, pour lesquels j'ai de bons repères par le vécu quotidien de mon entreprise :

    1- Je ne crois pas que la participation à des projets complètement utopiques soit intéressante pour la formation d'ingénieurs qui seraient amenés ensuite à travailler dans la "vraie" industrie. D'abord, les projets en question nourrissent plus de communicants et de financiers que d'ingénieurs et techniciens au sens laborieux des mots. Ensuite, travailler plusieurs années dans le mensonge, pour des salaires hors sol, ne rend pas la reconversion facile. Je rappelle quand même que Lilium, et ce n'est qu'un parmi les autres, a dépensé en 10 ans 1400 M€ pour un effectif croissant entre 10 et 800 personnes. Une moyenne pondérée d'environ 500 000 € par salarié et par an, du directeur au magasinier. 3 à 4 fois le niveau d'une entreprise moyenne, en ajoutant salaires et achats...
    Plusieurs fondateurs n'ont plus besoin de se reconvertir dans quoi que ce soit (le golf peut-être ?).

    2- Je conteste l'idée que "les investisseurs en général et les finances publiques s'en remettront". Les dizaines de milliards investis sur ces chimères sont définitivement perdus pour les investisseurs et les collectivités, et donc pour tous les projets sérieux et prometteurs. Quand c'est le Qatar ou Amazon qui dépensent leur argent de poche plutôt que dans le PSG ou des logiciels, c'est effectivement leur problème. Mais quand on voit (comprendre quand je constate) que l'essentiel des fonds d'investissement pour l'innovation, et la quasi-totalité du financement du CORAC pour l'aviation générale ont été consacrés à des projets de mobilité Electrique, hybride ou Hydrogène, on peut penser que l'aviation générale mettra longtemps à s'en remettre et à se refaire une réputation, elle.

    La parenthèse enchantée pourrait ressembler à un shoot de Cocaïne, et notre industrie dans cinq ans pourrait avoir la gueule de bois.

  • Effectivement,c'est bien d'être utopique ou de travailler sur de tels projets pour donner de l'expérience aux ingénieurs, mais pendant ce temps-là, les projets concrets qui ont un intérêt pratique n'avancent pas et on aura donné des millions ou des milliards pour au final rien du tout. Les seuls à en tirer profit sont les vendeurs d'équipements ou de moteurs qui les développent à bon compte,ainsi que les déposeurs de brevets. Il faudra bien à un moment ou à un autre changer de concept si on veut faire face à la désindustrialisation du pays.

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