C’est le prototype de l’Integral R, la version train classique de son biplace de voltige, qu’Aura Aero avait prévu de présenter au salon Aero 2020 de Friedrichshafen. Derrière une silhouette familière se cache un projet révolutionnaire à plus d’un titre. Aerobuzz.fr vous offre une immersion dans l’univers d’Aura Aero !
L’avion est beau. Il devrait donc bien voler si l’adage est vrai. La mise sous tension a été faite. Il ne demande plus qu’à décoller et l’équipe de passionnés qui veille sur ce nouveau-né attend avec impatience ce moment. Il devrait avoir lieu d’ici quelques semaines. Le confinement de la France va encore retarder ce vol initialement annoncé fin 2019. Pour Jérémy Caussade, l’un des trois ingénieurs à l’origine du projet, avec Wilfried Dufaud et Fabien Raison, le report du premier vol ne remet pas en cause le calendrier.
La livraison du premier kit d’Intégral R (version train classique) à Midi Pyrénées Voltige reste fixée à fin 2020 et la certification CS-23 en septembre 2021. « Pour un avion de voltige, les vols d’essais de la certification prennent quelques mois », relativise Jérémy Caussade qui, avec ses associés, a présenter son projet à l’EASA, il y a plus de trois ans. « En revanche, c’est maintenant qu’il faut prendre l’élan pour produire les premiers avions dans la foulée de la certification ».
Si le confinement ralentit l’assemblage final du prototype, le télétravail permet à l’équipe de concentrer l’essentiel de ses ressources sur le dossier de certification. Aura Aero continue aussi de préparer son agrément de production (POA) qu’il escompte obtenir entre l’été et l’automne 2020, soit un an avant la première livraison. Et c’est une structure industrielle révolutionnaire que la start up toulousaine est en train de mettre en place.
« Pour dessiner un avion, les règles sont immuables. Il faut un très bon ingénieur aéronautique. En revanche, c’est l’environnement qui a changé. Le digital est une bien plus grande révolution, sans commune mesure avec ce que fut la 3D qui porte d’abord sur le design.», affirme Jérémy Caussade.
« Aujourd’hui, un produit doit évoluer tout au long de sa vie. Il doit être truffé de capteurs qui alimentent des algorithmes. Jusque-là, en aéronautique on apprenait des crashs. Maintenant, ce sera de l’activité quotidienne de chaque utilisateur. Le diagnostic est permanent ». Airbus s’est engagé dans cette voie avec l’A350XWB. Toutefois, ce sera le successeur de l’A320 (et pour Boeing celui du 737) qui fera entrer l’industrie aéronautique dans cette ère. Pour l’heure, c’est en dehors de l’aéronautique qu’il faut aller chercher les précurseurs. Pour Jérémy Cuassade, le modèle à suivre est Tesla.
C’est à Bengalore, en Inde qu’Aura Aero est allé chercher le savoir-faire digital qui doit lui permettre d’atteindre son objectif. Cette ville compte 14.000 start up spécialisées dans le digital. Le bouillonnement est permanent. Il est alimenté par le système indien qui forme chaque année, autant d’ingénieurs que la France en a formé depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. « Le système de formation indien se caractérise par son extrême réactivité. Les innovations sont intégrées dans les programmes d’une année sur l’autre ». Il se pourrait bien qu’Airbus et Dassault jettent un œil par-dessus l’épaule de Jérémy Caussade. Aura Aero est en train de prendre une avance dans le domaine.
Dans l’organisation industrielle qu’il construit actuellement, la taille modeste des entreprises qui pourrait apparaître comme un point faible devient une force, selon Jérémy Caussade. Le projet Integral réunit une cinquantaine de fournisseurs et d’équipementiers. Hormis Lycoming ou Garmin, la plupart sont des entreprises de petite taille, voire à caractère artisanale, qui n’ont pas de système en place. « Même si le système digital que nous leur proposons de rejoindre est intrusif, ils sont partants », assure Jérémy Caussade. « Le reporting fait partie du procédé. Ils ne passent plus leurs soirées ou leurs week-ends à remplir des tableaux et des formulaires. Tout se fait en temps réel et au vu et au su de tous. Cet outil permet aussi de tester des choses innovantes ».
Il n’est pas question ici de voitures électriques haut de gamme, produites en grande série, mais d’avions légers en bois-carbone produits à la main. Et pourtant, Jérémy Caussade affirme que cette nouvelle approche productive s’applique parfaitement à son projet. Les premiers concernés, et donc les premiers qu’il fallait convaincre, ont été les gardiens du savoir-faire d’Air Menuiserie, qui comptent parmi les tout derniers menuisiers aéronautiques. Il y est parvenu.
« Nous allons industrialiser tout ce qui peut l’être, comme les nervures qui seront produites en série. L’œil du menuisier pourra se concentrer sur les taches à forte valeur ajoutée, les enjeux de sécurité, la vérification de la qualité. Perdre le moins de temps sur les taches à faible valeur ajoutée… ». En procédant de cette manière, les temps de fabrication sont réduits et la précision est totale, ce qui facilite par exemple le remplacement d’un aileron carbone endommagé, en cas d’incident.
Cette approche de l’industrialisation d’un avion de voltige en bois et toile n’est pas sans rappeler celle qui a présidé à la construction de la réplique du Morane-Saulnier Type G de Roland Garros. La philosophie et l’ingéniosité sont les mêmes. Mais là, il ne s’agit pas de produire un exemplaire unique, mais une trentaine d’avions dès la première année pleine.
L’atelier d’assemblage sera installé prochainement dans un hangar de 70 x 70 mètres sur l’aéroport de Toulouse-Francazal dont Aura Aero prendra progressivement possession. Initialement prévue fin mars 2020, l’emménagement est différé, comme l’est également le recrutement du personnel. Malgré le contretemps que constitue l’épidémie de coronavirus et ses conséquences sociales et économiques, Aura Aero voit grand. Très grand même, puisque Jérémy Caussade et ses associés envisagent d’ores et déjà la possibilité d’implanter une ligne d’assemblage aux Etats-Unis et peut-être même en Inde.
Des contacts ont été pris sur place avec des écoles de pilotage professionnelles et des armées. Jérémy Caussade est sur tous les fronts, au bureau d’études, dans les ateliers de ses fournisseurs et sur le terrain. « Les écoles et les militaires que nous avons rencontrés sont suffisamment intéressés par les spécifications de l’Integral que nous avons pu déjà entamer les discussions avec eux. »
Selon lui, l’attente est grande. Pour les écoles privées, l’Integral en version tricycle peut parfaitement répondre aux besoins spécifiques du nouveau module UPRT destiné à sensibiliser les pilotes de ligne aux positions inhabituelles. « Les écoles auxquelles nous avons déjà présenté l’Integral forment jusqu’à 200 élèves-pilotes de ligne par an. Pour les stages spécifiques UPRT, elles ont besoin de trois à cinq avions. Mais pour couvrir tous les besoins, c’est plutôt en dizaines d’unités qu’elles comptent ».
En Inde, Aura Aero pourrait marcher dans les traces de Pipistrel qui a fourni à l’Inde 193 biplaces légers. La start up toulousaine envisage d’ores et déjà d’implanter une ligne d’assemblage final localement. « Il faut aligner les commerciaux qui ont l’habitude de négocier avec des militaires et des compagnies aériennes pour aller chercher ces marchés », affirme Jérémy Caussade. Et ces commerciaux, sont en train de quitter Airbus pour Aura Aero, à l’image des ingénieurs en cours de recrutement. « Le profil idéal pour nous c’est une personne formée à l’aviation légère, passée par l’aviation commerciale et qui veut revenir à l’aviation légère ».
Malgré le pari que représente le fait de quitter un groupe comme Airbus qui fait la course en tête sur le marché mondial de l’aéronautique pour mouiller la chemise dans une start up qui a tout à prouver, Aura Aero est en train de constituer une équipe de haut niveau composée de professionnels pointus et passionnés.
Le projet porté par Jérémy Caussade, Wilfried Dufaud et Fabien Raison cristallise autour de lui une densité incroyable de talents et d’expérience. Au-delà des salariés et des fournisseurs, il y a aussi les 45 actionnaires. Il s’agit pour l’essentiel de personnalités de l’aéronautique reconnues. On retrouve évidemment la plupart de ceux et celles qui étaient parties-prenantes dans Replicair. Mais il y aussi de grands noms qui ont été séduits, non seulement par l’idée d’offrir un successeur au Cap 10 sur lequel la plupart ont fait leurs premières armes, mais aussi, et peut-être surtout, par le caractère innovant de la démarche qui repose sur la transmission. Tous se retrouvent sur un socle de valeurs communes.
Gil Roy
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Bonjour
Il est beau, il volera bien ! Que ces paroles puissent le confirmer. Mr Marcel Dassault avait tenu le même langage pour son Rafale. Il ne s'était pas trompé ! Quel dommage, pour lui, il l'a vu au sol, mais il ne l'a pas vu voler.
Bien cordialement
Michel BOUR