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Les écoles françaises de pilotage face à la crise du transport aérien

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Fabrice Morlon

L’annonce du placement en redressement judiciaire d’Airways College est le signal d’alarme. Les écoles privées qui forment les futurs pilotes professionnels sont rattrapées par l’effondrement du transport aérien. Elles mettent en œuvre des solutions variées pour tenter de traverser cette crise qui suspend les recrutements de pilotes pour une durée indéterminée.

N’en déplaise aux esprits chagrins, le métier de pilote professionnel fait encore rêver. La reprise, limitée pour le moment à quelques pays et qui semble arriver plus tôt que prévue, pousse certaines compagnies à envisager de recruter quelques semaines seulement après avoir été contraintes de suspendre les embauches.

En France, l’APNA (Association des professionnels navigant de l’aviation) a recensé 1.400 pilotes professionnels (recensement en cours sur le site de l’association) en attente d’un poste et la tendance, à la manière d’Air France qui a suspendu ses recrutements en 2020, n’est pas encore à imaginer relancer les embauches dans l’immédiat.

Le ciel est loin d’être CAVOK pour les quatre écoles que nous avons sollicité. L’une d’entre elle, Airways College, qui rencontre des problèmes financiers, a d’ailleurs déposé une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire auprès du tribunal de commerce d’Agen le 20 avril 2021. Si la formation des pilotes n’est pas impactée par ce recours administratif, l’inquiétude plane sur un secteur pourtant florissant et prometteur, il y a encore un an.

Malgré l’inquiétude, dans le écoles de l’hexagone, on continue de former des pilotes.

Dès la première semaine du confinement du 17 mars 2020, Airways College, APA Training, Aéro Pyrénées et l’Epag NG ont mis en place des systèmes de cours par visioconférence. A partir du déconfinement du 11 mai 2020, toutes ont repris les vols en double commande et les cours au sol, avec cependant quelques aménagements qui restent de mise encore aujourd’hui. En revanche, parmi ces quatre écoles, toutes n’ont pas vécu la sortie du confinement de la même manière.

APA Training a commencé la formation UPRT sur Epsilon TB30 en mars 2021. © APA Training

Chez APA Training à Tours, « le report des vols de plusieurs mois a généré la superposition de promotions qui devaient initialement entrer en phase vol de manière séquentielle et se sont retrouvées superposées, d’où une véritable problématique de gestion des ressources en interne » explique Serge Gourlaouen, président de l’école.

Ghislaine Barrère, directrice d’Aero Pyrénées, fait part de son agacement : « nous étions quelque peu désemparés et en colère devant le manque d’information et de réactivité de la DGAC… et ça dure ! Les élèves qui suivent les cours théoriques ne sont de retour que depuis le 4 janvier 2021 en présentiel, avec la mise en place d’une équipe d’entretien renforcée pour la désinfection des locaux, des avions et des simulateurs. »

Le nombre de stagiaires reste stable pour les quatre écoles, voire en augmentation pour certaines.

L’Epag NG comptait 41 stagiaires au moment du premier confinement. L’effectif se compose actuellement de 10 cadets Air France-Transavia et 30 privés. Pour APA Training, le nombre de stagiaires a progressé avec des entrées en septembre et décembre 2020 soit un effectif total de 76 stagiaires. Chez Aero Pyrénées, la rentrée fin 2020 a été moins bonne que celle de 2019, avec 20% d’élèves en moins.

Aero Pyrénées a revu ses prévisions d’achat d’avions à la baisse. © aero Pyrénées

Chez Airways college, d’après Jérôme Binachon que nous avions contacté avant la demande de placement en redressement judiciaire de l’école, le volume de stagiaires restait similaire à celui de 2019, soit environ 150 stagiaires répartis sur les quatre sites. L’école avait décidé toutefois de lancer un programme « cadets » en sélectionnant 12 candidats pour leur offrir leur formation en leur garantissant un emploi à l’issue. Sur 1.042 dossiers reçus, Airways a sélectionné 33 postulants qui poursuivront le processus de sélection.

De son côté, l’Epag NG déplore quelques abandons ou reports pour les formations intégrées. « Pour les stagiaires en cours de formation au sein de l’école, deux modulaires on demandé à arrêter leur formation pour le moment au CPL avant peut-être de reprendre la formation IR-ME ultérieurement » précise Sébastien Hugault, co-directeur général de l’école.

Toutefois, l’origine des candidats semble avoir évolué un an après le séisme provoqué par la crise de la Covid-19 et la tendance des inscriptions est clairement à la baisse.

Pour le président d’APA Training, Serge Gourlaouen, il semble que « l’image négative du transport aérien, transmise par certaines organisations, a largement affecté les vocations à devenir pilote de ligne. Les inscriptions sont en baisse avec une typologie des candidats qui a évolué avec moins de stagiaires en reconversion professionnelle. Le profil de nos candidats est plus jeune en âge (moins de 28 ans), ceux-ci visant une reprise pour 2023-24. Ceux en réorientation professionnelle se sont mis en situation d’attente comme cela fut le cas lors des précédentes crises. »

L’Epag NG a choisi dès ses débuts en 2013 de louer ses avions. © Epag NG / Jean-Marie Urlacher

En termes de matériel, APA Training a maintenu son plan de marche initial avec une flotte composée exclusivement d’avions Tecnam neufs et en pleine propriété : 6 monomoteurs P2010 et 3 bimoteurs P2006.

Aero Pyrénées, a quant à elle acquis un nouveau simulateur FNPTII fin 2019 et 8 appareils en 2019. L’école comptait en acheter au moins trois autres sur la période 2020 – 2021, mais a réduit ses acquisitions à un seul. La flotte atteint 31 appareils répartis sur les deux sites de Perpignan et Toussus-de-Noble.

Pour l’Epag NG, « le choix est de tenir le cap fixé en accord avec Air France à la reprise du programme des cadets et de maintenir une flotte variée composée de Beech Baron 58, Cap10, DA40, TB20, DA42, Cessna Caravan et Pilatus Porter. Nous aimerions aussi utiliser un Integral de chez Aura Aero avec qui nous sommes en contact. Et pourquoi pas un avion électrique, pourvu qu’il soit fiable et exploitable dans la météo du Nord (givrage, vent fort, turbulence, brouillard) et avec les vertus pédagogiques associées aux exigences du pilotage d’un avion de transport. »

Pour faire face à une éventuelle baisse des effectifs de stagiaires, certaines parmi les quatre écoles ont développé des stratégies diverses. Le maître mot est de diversifier l’offre de formations et de services.

Malgré la suspension de la filière des cadets d’Air France, l’Epag NG reste à l’écoute des besoins de la compagnie nationale et de sa filiale Transavia : « Nous sommes toujours en lien étroit avec Air France-Transavia pour des projets de maintien de compétences et des qualifications additionnelles. » L’école de Merville a également rouvert des formations mises en sommeil de manière à élargir son catalogue : « Nous avons rouvert les stages instructeurs FI, IRI, QC Pilatus et Cessna Caravan, créé le stage CRI qui manquait au catalogue, le FCL 800 voltige et enfin mis en œuvre les premiers stages UPRT Advanced. Nous avons décroché un contrat d’État sur Cessna Caravan, puis avec une association humanitaire connue, et enfin un opérateur belge pour former 5 pilotes. En Pilatus PC6 nous formons 4 pilotes ce mois-ci » conclue Sébastien Hugault.

Airways college dispose de 26 et 4 simulateurs répartis dans 4 centres. © Airways college

Aero Pyrénées concrétise actuellement un projet de compagnie d’affaires, nommée Apyjet. « La demande provient de chefs d’entreprises qui ne peuvent pas s’arrêter de voyager et qui, en comparant les contraintes et les tarifs d’autres offres de déplacement, s’aperçoivent qu’ils sont gagnants » explique Ghislaine Barrère. « Nous sommes sur le bon timing, le dossier est dans les mains de notre service juridique et nous pensons être prêts fin du 1er trimestre 2021. »

Airways College, de son côté, nous avait expliqué qu’elle voulait « faire évoluer les formations afin qu’elles soient plus qualitatives et permettent aux jeunes pilotes d’avoir plusieurs cordes à leur arc : se former à des tâches mécaniques, au travail de communicant mais aussi à l’entrepreneuriat à travers divers projets comme la compagnie aérienne que nous co-créons. » Comme Aero Pyrénées, Airways College misait sur l’aviation d’affaires qui « paraît être une belle opportunité, ce qui est prouvé par les nombreux vols sanitaires durant la pandémie. » Reste à savoir quelle sera sa stratégie maintenant.

Fabrice Morlon

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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