Airbus Helicopters dupé par la Pologne

Coïncidence ou pas ? Le jour où Guillaume Faury, président d’Airbus Helicopters, adressait urbi et orbi une lettre ouverte à propos de l’affaire polonaise, on apprenait que Varsovie allait commander des Blackhawk pour équiper, dans un premier temps, ses forces spéciales. On hésite entre vaudeville et roman policier pour la pièce de théâtre qui se joue actuellement sur la Vistule. Gustave Feydeau ou Agatha Christie, amant dans le placard ou piège diabolique ?

Commençons avec le courrier de Guillaume Faury envoyé à la presse européenne et au premier ministre polonais : le patron d’Airbus Helicopters répond point par point aux critiques adressées par Varsovie à l’encontre de l’offre présentée par son groupe. Et on apprend, ou on redécouvre, quelques informations importantes dans ce courrier : d’une part que l’offre de compensation industrielle (les « offset ») « aurait généré plus de valeur en Pologne que pour Airbus Helicopters ».

Airbus Helicopters se rebiffe

Le 3 octobre dernier, la veille du clash entre les deux parties, Airbus Helicopters en était encore à proposer de nouvelles concessions. Airbus Helicopters annonçait in fine la création de 1.250 emplois directs en Pologne, 3.800 emplois directs et indirects au total et même l’ambition de soutenir 6.000 emplois dans le pays en considérant l’implication du groupe Airbus dans son ensemble ! Fabrication de sous-ensembles, assemblages des appareils pour le marché national mais aussi pour les marchés export, maintenance des appareils pendant leur durée de vie… Tout cela pour placer 50 appareils ?

On peut alors se demander, certes sans avoir toutes les cartes en mains pour juger, si le gain de ce contrat aurait véritablement été une bonne affaire pour Airbus Helicopters. Ou si, inversement, les Polonais ne rendent pas service à Airbus en tranchant dans le vif et en permettant à l’hélicoptériste de tourner la page en passant à autre chose après trois ans de bataille !

H225M polonais à recycler

Pour être en mesure de livrer très rapidement les armées polonaises, on avait commencé à Marignane à assembler les premiers appareils. La question se pose aujourd’hui du devenir des sous-ensembles déjà fabriqués et des « queues blanches ». Pourront-ils être recyclés pour le contrat koweitien (30 appareils), ou le gouvernement français choisira-t-il de renouveler l’opération Alstom en commandant des appareils supplémentaires pour les armées françaises ?

L’armée de l’Air, qui vient de perdre ses derniers Super Puma non VIP, va faire face dans les années à venir au retrait de ses Puma (23 appareils, dont 10 équipés pour la mission SAR). On imagine qu’elle serait d’accord pour étoffer son parc de Caracal (10 appareils actuellement), ce qui lui permettrait par ailleurs de mieux répondre aux activités de soutien à l’exportation qui lui sont imposées malgré son parc très réduit (campagnes de démonstration, formation des équipages et mécaniciens…).

Négociations polonaises double face

Le jour même ou Airbus Helicopters diffusait la lettre de son président, on apprenait donc aussi que la Pologne allait acheter des Blackhawk. Pour que cette annonce intervienne aujourd’hui, il fallait donc que les négociations aient commencé il y a plusieurs mois, alors même qu’Airbus Helicopters avait été déclaré vainqueur. On en déduira ce que l’on voudra sur l’univers impitoyable de la diplomatie et des ventes d’armes.

Le nombre de Blackhawk n’est pas connu, pas plus que leur modèle précis ni le niveau de participation de l’industrie locale. Un dernier mot enfin pour évoquer la compétition en cours pour l’équipement de l’armée polonaise en hélicoptères de combat, à laquelle participe Airbus Helicopters avec le Tigre. Il sera bien entendu intéressant de voir comment évolue cette candidature dans les semaines à venir…

Frédéric Lert