Il y a quelques semaines, Airbus Helicopters annonçait triomphalement que la flotte des 460 hélicoptères militaires UH-72 Lakota avait franchi la barre du million d’heures de vol. Quinze ans après la mise en service du premier Lakota au sein de l’US Army, s’il peut légitimement se féliciter de la réussite de son hélicoptère et de sa stratégie industrielle, Airbus Helicopters doit se ressaisir pour conserver ses acquis sur le marché nord-américain. Leonardo est en embuscade et marque des points.
Journée historique le 30 juin 2006 : deux ans après le lancement d’un appel d’offre et à l’issue d’un programme de sélection mené tambour battant, le Département de la défense américain (DoD) annonce son choix en faveur de l’EC-145, qui s’appellera désormais UH-72 dans la nomenclature du Pentagone. Eurocopter gagne donc la compétition pour la fourniture de l’hélicoptère utilitaire léger de nouvelle génération (LUH) de l’US Army.
Autant de missions pour lesquelles l’UH-60 Black Hawk était perçu comme surdimmensionné et trop coûteux à exploiter. Le contrat cadre prévoit la commande ferme de 322 appareils sur dix ans, auxquels s’ajouteront trente options. Il s’agit d’une percée stratégique pour Eurocopter et EADS sur le marché américain. Tout va ensuite très vite, puisque le premier appareil de série est remis à l’US Army le 11 décembre 2006, quelques mois seulement après l’annonce de la sélection.
Cette réussite est celle d’un appareil, mais aussi d’une approche industrielle qui donne à la filiale américaine un masse critique indispensable pour en faire un vrai acteur américain. Le jeu en vaut la chandelle, les Etats-Unis représentant à eux seuls un quart du marché mondial des hélicoptères civils !
Dans la cadre du programme Lakota, Eurocopter prévoit que la fabrication des appareils sera progressivement transférée d’Allemagne vers l’usine de Colombus (Mississippi) créée deux ans plus tôt. Avec ce site, American Eurocopter (devenue Airbus Helicopters Inc en 2014) étoffe son offre et son savoir-faire : au-delà des seules ventes, la filiale fabrique des composants, assemble des appareils « made in USA », apporte un support technique de premier ordre et forme les techniciens et pilotes de ses clients.
La première commande de Lakota passée en 2006 a été depuis augmentée de plusieurs dizaines d’appareils supplémentaires au gré des budgets disponibles annuellement. Puis l’UH-72A a été sélectionné pour l’entrainement initial des pilotes de l’US Army Aviation en remplacement des TH-67 (Bell JetRanger).
Le témoin a maintenant été passé à l’UH72B équipé de turbines Arriel 2E (offrant 20% de puissance supplémentaire par rapport au 1E2 de l’UH-72A), d’une nouvelle avionique et d’un rotor caréné qui permet de le distinguer facilement de son prédécesseur. La garde nationale américaine en a acquis 18 exemplaires en 2020 et les premiers ont été livrés en septembre 2021, pratiquement un an jour pour jour après leur commande.
Comme tous les autres appareils de la famille Lakota, ces hélicoptères seront assemblés dans l’usine de Colombus qu’Airbus Helicopters Inc doit maintenant faire vivre. Quatorze ans après la livraison des premiers Lakota, l’activité de maintenance des appareils suffira-t-elle à remplacer l’assemblage des appareils neufs ?
En 2017, Airbus Helicopters signait avec le Pentagone un contrat d’un milliard de dollars portant sur le soutien logistique de la flotte sur cinq ans. Entretemps Colombus a également reçu en 2014 la responsabilité de l’assemblage final des H125 destinés au marché américain.
Quand l’US Navy lança une compétition en 2018 pour le remplacement de ses TH-57 Sea Ranger, Airbus Helicopters cru bon de snober une partie des exigences des marins américains qui voulaient pouvoir s’entrainer à l’autorotation, sous entendu avec un monomoteur. En proposant le H135 bimoteur, l’hélicoptériste de Marignane pensait renouveler la bonne affaire du Lakota mais se prit les pieds dans le tapis, ce qui lui coûta 130 ventes et permis à Leonardo de remporter la mise. L’occasion de vérifier deux adages : le client est roi et ce qui va pour l’US Army ne va pas forcément pour l’US Navy…
Frédéric Lert
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