Le 12 avril 1968, quelques jours avant les « évènements » de mai 1968, une autre révolution (technique celle là) prenait place à Marignane avec le premier vol de la Gazelle équipée d’un « fenestron ». Retour sur une innovation majeure dans le monde de l’hélicoptère, sur une page d’histoire riche écrite par des visionnaires.
Gazelle, Dauphin, EC120, H130, H160 fabriqués à Marignane, mais aussi H135 et H145 made in Allemagne : le fenestron est devenu en 50 ans la marque de fabrique des appareils de Sud Aviation dans un premier temps, d’Aerospatiale, d’Eurocopter puis d’Airbus Helicopters ensuite. Avec toutefois quelques exceptions notables : l’Ecureuil (alias H125), best seller de la gamme, n’en est pas équipé. Pas plus que les appareils les plus lourds du premier hélicoptériste mondial. Avant de voir pourquoi, petit retour en arrière à Marignane à la fin des années 1960, à une époque où les pins parasol étaient encore plus nombreux que les places de parking.
A l’origine du fenestron, deux ingénieurs de grand talent, Paul Fabre et René Mouille, et une exigence : réduire le nombre d’accidents en vol ou au sol liés au rotor anti couple (RAC) souvent fragile à l’époque et malheureusement placé à hauteur d’homme. « René Mouille racontait comment il avait vu de ses propres yeux quelqu’un se faire déchiqueter par un rotor anti-couple classique non protégé sur une petite machine » se souvient Alain Vuillet, entré au service aérodynamique du bureau d’études d’Aerospatiale en 1976. « La recherche d’une solution technique plus sécurisante était devenue une obsession pour lui… »
L’installation du RAC dans un carénage portant également la dérive, était une solution simple à énoncer et son implantation sur le deuxième prototype de la Gazelle (SA 340-002) se fit très rapidement. Mais si les avantages en matière de sécurité furent vite cernés, la mise au point se révéla finalement délicate.
La première installation faisait figure de brouillon et il fallut multiplier les essais au banc, en soufflerie et en vol, tâtonner et faire chauffer la règle à calcul pour finalement arriver à un matériel opérationnel. « Un travail important fut fait sur le profil des pales et sur la forme de la carène pour obtenir une poussée et un rendement acceptable, ainsi que sur la dérive et le plan fixe pour obtenir de bonnes qualités de vol » poursuit Alain Vuillet. « Le fenestron donnait à la Gazelle une ligne très moderne, avec des inconvénients acceptables en terme de poids, de bilan de puissance, de complexité et de prix. Mais il y avait d’évidentes perspectives d’amélioration sur le fenestron, alors qu’à l’époque on n’en voyait pas beaucoup sur les RAC classiques…».
Les premiers appareils équipés de fenestron sont également critiqués pour leur bruit induit. Un phénomène qui sera maitrisé en jouant sur l’écartement et l’implantation des pales ainsi que la vitesse de rotation.
Le fenestron sera finalement adapté à une large partie de la gamme de Marignane, mais paradoxalement pas à son best seller, l’Ecureuil. « Il y a eu un véritable débat en interne, se souvient Alain Vuillet. Le directeur de l’usine, Fernand Carayon, voulait créer un appareil très moderne, révolutionnaire sur le plan des coûts de fabrication et d’exploitation. Il pouvait alors s’appuyer sur un large usage des matériaux composites et sur l’irruption d’une nouvelle génération de turbines très économiques. Mais dans cet esprit, il tenait également à l’utilisation d’un rotor arrière le plus simple et le moins cher possible alors que dans le même temps, d’autres arguments plaidaient en faveur du fenestron. On sait qui l’a finalement emporté… »
Le fenestron prendra finalement sa revanche dans les années 90 avec la version H130, Ecureuil élargi et doté d’un moteur plus puissant. Entretemps, dans les années 1970, arriva également le Dauphin dont les premières versions étaient équipées d’un fenestron métallique de petite dimension.
La compétition pour équiper les garde-côtes américains (USCG) et les exigences techniques formulées par les Américains donnèrent un coup de fouet au programme. Pour donner plus de maniabilité à l’appareil par temps chaud, Aerospatiale redessina le fenestron et introduisit une large dose de matériaux composites dans la fabrication des pales, de la carène, de la dérive et d’une large partie du moyeu.
Il en ressorti un RAC plus grand de 20% (avec 110cm de diamètre, il s’agissait alors du plus grand jamais fabriqué), plus puissant mais sans augmentation de masse.
Quelques années plus tard, Aerospatiale et MBB entamèrent un rapprochement qui devait donner naissance à Eurocopter. Ce rapprochement fut cimenté par le programme d’hélicoptère de combat Tigre et la question du RAC se posa une fois de plus : serait-il classique ou s’agirait-il d’un fenestron ? La première solution l’emporta, « parce qu’il était encore trop tôt dans la coopération franco-allemande pour imposer le fenestron, solution technique trop « typée » française aux yeux des allemands » résume Alain Vuillet. Quelques années plus tard, l’intégration étant plus avancée, Eurocopter lancera l’EC135 avec fenestron. Et aujourd’hui c’est au tour de son grand frère, l’EC145, de recevoir cet équipement dans sa version remotorisée T2.
On remarquera enfin que le fenestron est aujourd’hui cantonné à la gamme des monomoteurs et bimoteurs légers. La migration de cet équipement fut tentée sur des appareils plus lourds avec notamment la fabrication d’un Puma SA330 Z de 7 tonnes. L’expérience conduite en 1975 fut sans lendemain mais pas inutile : outre des directions d’optimisation très significatives, elle montra sans ambigüité qu’au-delà d’une certaine taille, le fenestron était trop gros, trop lourd, trop complexe pour être viable.
Le H160, qui poursuit actuellement ses essais de certification, est à l’heure actuelle l’appareil le plus lourd (environ 5,4 tonnes) qui en soit équipé.
Le fenestron reste par ailleurs une spécialité d’Airbus Helicopters, même si quelques autres appareils en ont été équipés à travers le monde, à la faveur de coopérations ou de brevets tombés dans le domaine public. On citera par exemple le RAH 66 Comanche du tandem Boeing-Sikorsky (resté à l’état de prototype), le Kamov 60/62 russe toujours en développement ou encore les Kawasaki OH-1 et Mitsubihi MH2000 japonais, le SH09 de Kopter, sans oublier bien entendu le Cabri de Bruno Guimbal.
Coïncidence, la société Hélicoptères Guimbal est installée à Aix les Mille, à quinze minutes de voiture de Marignane, ce qui tendrait à confirmer que le fenestron, comme la bouillabaisse ou l’aïoli, est une spécialité provençale difficilement exportable. Il faut un bon tour de main et une longue pratique pour la réussir convenablement.
Frédéric Lert
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Moi je prefere celebrer les 44 ans de l Ecureuil avec un vrai rotor anticouple.. :)))
...et la solution fluidique ? les gaz , plus de l'air comprimé éventuellement , solution qui a existé , ce n'était pas en concurrence ? et pourquoi cela n'a pas émergé ? (question de matériaux ? ) alors que ça parait plus simple ...
Un spécialiste pourra me corriger, mais il me semble que la solution du NOTAR avait contre elle la lourdeur et la complexité, peut-être même un manque d'autorité dans certains cas. Quoi qu'il en soit, MD Helicopters s'en désintéresse sur ses derniers appareils, alors qu'à l'inverse Airbus Helicopters continue de développer le fenestron.
Le fameux MD 520 Notar !
https://www.mdhelicopters.com/md-520n.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/NOTAR
C'est toujours utilisé et ça marche, mais cela n'a pas plus percé que cela. Pourquoi ? Bonne question ! Efficacité de la commande moindre (maniabilité ? autorotation ?)
En tout cas, c'est certifié donc ça marche.
Merci pour cet interressant article qui se termine en prime avec une bonne dose d'humour :))