A la veille de l’ouverture du salon European Rotors à Cologne (16-18 novembre 2021), Thierry Couderc, vice-président de l’European Helicopter Association, passe en revue les grands sujets sur lesquels se focalise l’action de la filière européenne des voilures tournantes. De la pénurie de mécaniciens à l’émergence des eVTOL en passant par la cohabitation avec les drones, le défi environnemental et le casse-tête des opérations dites spéciales (SPO), l’hélicoptère européen n’a pas de répit.
Les sujets de discussion ne vont pas manquer à Cologne. Les professionnels de l’hélicoptère espèrent pouvoir tirer profit du salon European Rotors pour faire avancer plusieurs dossiers urgents, à commencer par celui de la pénurie de mécaniciens. En France, il manquerait une centaine de mécaniciens sur hélicoptères estime Thierry Couderc. Mais pour le vice-président de l’European Helicopter Association, « le problème n’est pas exclusivement français ». Il n’est pas récent non plus puisqu’il y a huit ans, au sein de l’EHA, a été lancée une démarche intitulée « Mecanic Shortage », initiée par Safran Helicopter Engines. Malgré ces efforts, la situation n’a cessé de se dégrader.
« Le problème évolue de façon négative depuis dix ans. La principale raison est que les mécaniciens militaires se voient opposer une réglementation européenne qui ne reconnaît pas leur expérience, ou très difficilement. « Le fait que l’Europe pousse à ce que la formation ab initio se fasse en anglais n’est pas une initiative de nature à améliorer la situation ». Au printemps 2021, des propositions ont été adressées à l’EASA pour tenter de trouver des solutions.
Ces propositions visent à faciliter la reconversion des mécaniciens militaires dans le civil et à ce que la maîtrise de l’anglais ne soit exigée que pour l’encadrement et en particulier pour le chef d’atelier. « Nous demandons aussi que les mécaniciens extérieurs à l’Europe autorisés à intervenir sur nos machines en dehors de l’aire de responsabilité de l’EASA puissent être autorisés aussi au sein de celle-ci. Cela permettrait de recruter des mécaniciens au-delà de l’Europe ».
L’autre sujet récurrent est celui des opérations dites spéciales ou SPO, et plus précisément de ce que Thierry Couderc appelait en 2018 « la lourdeur caricaturale du traitement des demandes d’agréments pour opérations dites spéciales (SPO). »
L’EHA se félicite d’avoir obtenu de l’EASA la création d’un groupe de travail dont le nom à lui seul résume la nature du problème. Ce groupe de travail intitulé « Adminstrative Burden for Small Helicopter Operator » (fardeau administratif pour petits exploitants d’hélicoptères) a rendu récemment ses conclusions.
« Au regard de la maîtrise de la réglementation, les exigences à satisfaire par un opérateur exploitant trois hélicoptères avec 12 employés sont comparablement plus contraignantes que pour une compagnie aérienne comme Air France-KLM. »
Par exemple, il apparaît qu’environ 70 % des procédures engagées pour satisfaire aux règlements européens SPO sont dévolus aux hélicoptères. « C’est normal, puisque l’hélico est le couteau suisse de l’aviation ! » Autorisation de vol rasant. Autorisation de survol urbain à basse altitude. Autorisation de prises de vues aériennes. Autorisation de voler porte ouverte… Tout ce qui impose une forme de dérogation aux règles de l’air standard implique d’établir un dossier plus ou moins complet à chaque fois. « C’est une charge administrative énorme pour les petites entreprises. Mais ce ne sont pas toujours les règles définies par l’EASA qui posent problème, mais aussi et surtout la différence d’interprétation des textes européens d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre, dans le cas de la France par exemple ».
Un autre « gros sujet » est celui posé par les drones. Il a mobilisé beaucoup d’énergie ces derniers mois au sein de l’Agence européenne, dans différents groupes de travail. « Pour l’EHA, la question primordiale de sécurité des vols posée par l’essor des drones n’est pas tant de se féliciter que la procédure qui sera mise en place soit bien adaptée, que de s’assurer qu’elle sera bien respectée par l’ensemble des acteurs concernés. Or les services d’ordres chargés de surveiller le respect des dispositions actuelles ont peu d’outils crédibles à leur disposition à même d’empêcher les utilisations illicites susceptibles d’interférer avec le trafic aérien. Au niveau mondial, des opérateurs en missions de secours rapportent dorénavant toutes les semaines avoir été gênés par des drones et avoir dû interrompre leurs interventions ».
L’Europe travaille activement sur la mise en œuvre des futurs U-Space, c’est-à-dire de ces zones ou les opérations de drones seront autorisées, au sein desquelles un ensemble de nouveaux services spécifiques reposant sur un haut niveau de numérisation et d’automatisation du traitement des données doit apporter la sécurité et la fluidité des différents trafics. En d’autres termes, l’U-Space est un cadre destiné à faciliter tout type de mission de routine, dans toutes les classes d’espace aérien et tous les types d’environnement – même les plus encombrés – tout en abordant une interface appropriée avec l’aviation pilotée et le contrôle du trafic aérien.
Si il est convaincu que la pénétration des U-Space ne posera pas de problème réglementaires insoluble aux hélicoptères, Thierry Couderc est septique, quant à leur efficacité au regard de la menace que représentent les drones non coopératifs. « Il est à parier que ni la réglementation U-Space, ni les efforts d’information, de prévention ou même de répression ne seront probablement assez efficaces au regard du standard élevé des exigences de sécurité des vols tels que le secteur aéronautique classique le comprend. Un système de détection suffisamment performant pour assurer une alerte fiable de l’activité des mobiles non coopératifs, devra probablement accompagner la mise en place des U-Spaces. »
Comme les autres branches de l’aviation, l’hélicoptère est lui aussi confronté à la nécessité d’engager sa transition énergétique. Les recherches menées par Airbus Helicopters et Safran Helicopter Engines sur l’hybridation électrique sont orientées vers l’amélioration de la sécurité des appareils monomoteurs. Il n’est pas encore question de substituer une motorisation électrique à une turbine. Les industriels ont en outre engagés leurs productions vers l’utilisation de carburant d’aviation durable (SAF). Il n’en demeure pas moins qu’en termes environnemental, la critique la plus appuyée se rapporte au bruit. Les hélicoptères ont fait d’énormes progrès, il n’en demeure pas moins que les nuisances sonores continuent de susciter des oppositions localement et de poser un problème aux opérateurs.
« Le bruit est un fait, mais le problème est qu’il est instrumentalisé par ceux qui souhaitent récupérer des emprises », constate Thierry Couderc. On pense évidemment à l’héliport d’Issy-les-Moulineaux (Paris) et ses quatre hectares de prairie au milieu de Paris. La concession accordée à Aéroports de Paris arrive à son terme en 2024, année olympique. Cela ne signifie pas pour autant l’activité aéronautique du site soit menacée, en dépit des velléités de fermer l’héliport exprimées par la mairie de Paris, propriétaire du terrain.
2024 sera aussi à Paris, une année d’expérimentation des eVTOL pour le transport de passagers entre les sites olympiques. Preuve qu’elle n’est pas opposée à l’évolution, l’Union Français de l’Hélicoptère est devenue, en juillet 2021, l’Union Française de l’Hélicoptère et du Vol Vertical. « Si l’outil évolue, il est normal de changer d’outil. Soit l’outil, c’est-à-dire le moyen de faire du vol vertical, qui nous est proposé a des performances suffisamment crédibles pour venir remplacer celui qu’on utilise tous les jours,… et cela ce n’est pas demain la veille ! Soit il a des performances différentes et il va créer des services différents qui vont venir en complémentarité de ce qui existe déjà. »
Le monde de l’hélicoptère est attentif aux promesses des nouvelles technologies, mais comme le fait remarquer le vice-président de l’European Helicopter Association, « D’ici là nous aurons encore besoin des hélicoptères classiques. Entre temps, il va continuer à y avoir des patients à transporter d’urgence d’un hôpital à l’autre, des incendies à aller éteindre, des moteurs d’ascenseur à changer en haut d’une tour,… On ne peut pas arrêter aujourd’hui l’hélicoptère. » Comme pour l’avion, « les SAF sont le moyen d’engager sans rupture, l’hélicoptère dans le développement durable ».
Gil Roy
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