Fin de l’histoire pour Enstrom

Vendredi 21 janvier 2022, Enstrom a officiellement cessé ses activités. Le fabricant d’hélicoptères de Menominee (Michigan) avait été racheté par le groupe chinois Chongqing Helicopter Investment en 2012 et il évoluait depuis plusieurs années entre deux eaux. La véritable surprise n’est-elle pas qu’il soit resté en activité aussi longtemps ?

Le communiqué de presse d’Enstrom l’annonce presque triomphalement : depuis la création de la société en 1959, l’hélicoptèriste a fabriqué plus de 1.300 appareils utilisés dans une cinquantaine de pays. Oui mais voilà, tout a une fin : Enstrom annonce également s’être séparé de 125 salariés au cours des deux dernières années pour finalement livrer ses deux derniers appareils, des modèles 280FX, au Pérou en décembre 2021.

Les livraisons d’Enstrom 2012-2021

Le communiqué précise également qu’Enstrom a cessé de prendre des commandes de pièces détachées et de réaliser des révisions générales depuis le 7 janvier 2022. Il a également été mis un terme au support technique offert aux exploitants le 19 janvier 2022.

Ces annonces ne sont pas de bonnes nouvelles pour les utilisateurs, les appareils Enstrom étant connus pour leur complexité d’entretien. Avec ses premiers appareils construits en série, la société fondée par Rudolph Enstrom, ingénieur passionné de mécanique, avait pourtant fait preuve d’innovation. Mais depuis toutes ces années, Enstrom ne s’était guère renouvelée, essayant simplement de se mettre à la page et de suivre la concurrence en modifiant ses appareils, ce qui avait pour effet de les complexifier excessivement. Les pilotes appréciaient les appareils, les mécaniciens et les comptables un peu moins.

« Il suffit de regarder les annonces de Trade and Planes », explique un pilote d’hélicoptère : « une annonce pour un Robinson ou un Cabri tient en deux lignes, âge de l’appareil et heures de vol. Pour un Enstrom, c’est au moins dix lignes avec le détail d’une longue liste de potentiels pour les différents sous-ensembles… »

Sur ses modèles 280 FX et F28F, Enstrom avait choisi la voie originale d’adosser un turbo « maison » au moteur Lycoming existant. Le mariage avait été compliqué et sources de problèmes. Les potentiels attendus n’avaient jamais été au rendez-vous.

En débarquant le turbo du modèle standard F280 et en enlevant le troisième siège, pour se relancer face aux R44 Cadet et au Cabri G2, Enstrom lança le TH180 en 2014. L’appareil était mal né, lourd, toujours trop complexe, et l’accident du prototype pendant un vol d’essais en 2016 finit par tuer le programme. La gamme en resta finalement aux trois appareils connus de longue date : les F-28F et 280FX à moteur à pistons et le 480B à turbine.

Ces dernières années, Enstrom passa de main en main pour finalement aboutir en 2012 dans celles du groupe chinois Chongqing Helicopter Investment. Les effectifs étaient passés de 200 à 130 personnes, ce qui restait tout de même beaucoup pour livrer cinq appareils en 2017, quatorze en 2018 et sans doute moins de dix au cours des années suivantes.

Enstrom gardait la tête hors de l’eau notamment grâce à des contrats obtenus auprès de forces armées étrangères. Il est d’ailleurs légitime de se demander l’intérêt que pouvaient trouver des services gouvernementaux à investir dans des appareils de technologie ancienne et proposés par un constructeur moribond…

Enstrom pouvait également compter sur l’activité de support et maintenance d’un parc de plusieurs centaines d’appareils en circulation dans le monde. Pour tous ces utilisateurs, il ne reste plus qu’à espérer que les différentes offres de reprises des actifs de la société évoquées par le communiqué de presse d’Enstrom débouchent un jour sur quelque chose de tangible et sur la renaissance de la marque…

Frédéric Lert